La continuité écologique des cours d'eau pour la préservation de la biodiversité en site fluvial
La continuité écologique d’un cours d’eau est définie, comme la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri, le bon déroulement du transport naturel des sédiments ainsi que le bon fonctionnement des réservoirs biologiques.
Il s’agit de la « trame bleue », sœur jumelle et inséparable de la « trame verte », née de la loi Grenelle 1 (article 24), au titre de la biodiversité. La trame bleue concerne les rivières et autres zones humides. Les cours d’eau constituent des couloirs pour la vie aquatique, mais aussi pour la vie de nombreux animaux qui leur sont inféodés, notamment les amphibiens, et ceux qui colonisent les berges.
Les obstacles à l’écoulement des eaux peuvent entraîner une série de dérèglements, tels que la hausse de la température et des proliférations algales, avec des conséquences sur toute la vie aquatique et subaquatique.
Depuis l’antiquité, les rivières ont été aménagées, pour qu’elles deviennent franchissables, pour produire de l’énergie, rendre possible la navigation, prélever et stocker de l’eau pour les besoins humains et l’irrigation, lutter contre des inondations, créer des étangs pour la pisciculture, etc. Les seuils et les barrages sont nombreux sur les cours d’eau : de l’ordre de 60 000 pour toute la France.
Dans le prolongement de la directive européenne 2000/60/CE et de la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques (LEMA) de 2006, la loi Grenelle 1 (article 29) fixe des objectifs ambitieux de rétablissement des continuités. « …atteindre ou conserver, d’ici 2015, le bon état écologique ou le bon potentiel pour les masses d’eau superficielles ; en particulier l’aménagement des obstacles les plus problématiques pour la migration des poissons sera mis à l’étude ».
La restauration de la continuité écologique des cours d’eau est une des conditions pour atteindre le bon état des eaux et protéger la biodiversité.
Sa réalisation constitue un défi majeur et implique une action coordonnée de l’ensemble des acteurs de l’eau.
Il faut construire des ouvrages spécifiques pour rétablir les continuités, des passes à poissons pour la « montaison », ou canaux dédiés à la « dévalaison ». Il faut en effet permettre aux cycles naturels des poissons, notamment pour leur reproduction, de se réaliser sans obstacle. Les adultes remontent pondre dans des frayères en amont, et il faut éviter que la descente des jeunes poissons soit retardée, pour qu’ils ne deviennent pas la proie de plus gros qu’eux ou d’oiseaux tels que les cormorans, et qu’ils ne passent à travers des turbines.
De nombreux ouvrages de franchissement devront donc construits au cours des prochaines années pour restaurer la continuité écologique des cours d’eau en France.
Principe des passes à poissons
Quand les obstacles aux mouvements des poissons ne peuvent être éliminés, notamment quand il s’agit d’ouvrages hydrauliques en exploitation, le rétablissement de la continuité écologique est obtenu par des passes à poissons. Ce sont des équipements destinés à accompagner les poissons dans leur remontée du courant, adaptés aux caractéristiques de chaque espèce migratice.
Le principe général des dispositifs de franchissement consiste à attirer les migrateurs en un point déterminé du cours d’eau à l’aval de l’obstacle et à les inciter, voire à les obliger à passer en amont, en leur ouvrant une voie d’eau (passes à poissons stricto sensu) ou en les piégeant dans une cuve et en déversant celle-ci en amont (ascenseurs et systèmes de piégeage et de transport).
Pour qu’une passe puisse être considérée comme efficace, le poisson doit en trouver l’entrée, la franchir sans retard, stress ou blessures préjudiciables à sa migration vers l’amont. La conception d’un dispositif de franchissement doit prendre en compte certains aspects du comportement des espèces migratrices.
En particulier, son efficacité est fortement liée aux conditions hydrodynamiques et au respect de vitesses appropriées dans l’ouvrage. Les vitesses doivent rester compatibles avec les capacités de nage des espèces concernées : les passes doivent permettre le passage de tous les individus et pas uniquement celui des « athlètes ».
Les passes à poissons peuvent être aménagées sur de grands fleuves, comme sur les petites rivières.
Sur la Seine, par exemple, les sept barrages de navigation entre Paris et Rouen seront à terme équipés d’une passe à poissons : Notre-Dame-de-la-Garenne, Méricourt, Andrésy, Chatou, Bougival et Suresnes. Les passes sont construites en même temps que les barrages, ou à l’occasion de travaux de modernisation.
Celle de Chatou par exemple s’insère au pied de la pile rive gauche du barrage, et permet aux poissons de franchir un dénivelé de 3,5 m, grâce à une série de 16 bassins successifs de 3,10 x 2,65 m. Les parois entre les bassins présentent une fente verticale permettant un débit de 1 m3/seconde, avec une chute de 20 cm entre chaque bassin. La morphologie du parcours a été étudiée pour s’adapter à toutes les espèces de poissons, y compris les anguilles. Des vannes à l’amont et à l’aval permettent de réguler le débit. Elles sont automatiquement gérées par l’automate du barrage et fonctionnent grâce à des capteurs de niveau d’eau. Le béton utilisé est le même que pour les piles du barrage, afin de conserver une unité esthétique.
Différents types de passes à poissons
Les passes à poissons sont des dispositifs de franchissement permettant de rétablir la libre circulation de la faune piscicole (en particulier les poissons migrateurs qui peuvent accéder ainsi à leurs zones de reproduction) au niveau d’un obstacle naturel ou artificiel (barrage …) et donc de restaurer la continuité écologique.
Ces dispositifs doivent permettre le passage et ouvrir la voie d’eau pour différents types de poissons dans les meilleures conditions possibles en fonction de leurs capacités de nage.
Chaque passe à poissons est conçue sur mesure et nécessite une étude particulière associant un biologiste et un hydraulicien.
Chaque situation exige une réponse particulière. Chaque passe à poissons doit être adaptée aux caractéristiques et aux comportements des espèces migratrices et à la configuration du site. Il y a donc, à partir des grands types de passes à poissons, une infinité d’ouvrages différents, étudiés et réalisés en fonction d’une analyse fine du contexte et des objectifs poursuivis.
L’éventail est large, entre les grandes passes à poissons sur les fleuves, et de nombreuses autres plus modestes, sur le chevelu des cours d’eau.
Les ouvrages sont réalisés pour l’immense majorité d’entre eux avec du béton, qui garantit leur stabilité et permet de s’adapter à toutes les spécifications souhaitées par leurs concepteurs.
Outre sa robustesse et sa neutralité dans le milieu, le béton offre aussi une grande souplesse de mise en œuvre et s’adapte à toutes les exigences.
Il existe de nombreux types de passes à poissons réalisées en béton qui peuvent être regroupés en 5 principales catégories.
Les passes à bassins
Le principe de ces ouvrages consiste à diviser le dénivelé total de l’obstacle en une série de bassins séparés par des cloisons formant un escalier hydraulique. Les bassins permettent de dissiper l’énergie de la chute et de constituer une zone de repos pour les poissons.
On distingue 3 types de passes à bassins successifs :
- les passes à échancrures latérales profondes
- les passes à fentes verticales
- les passes à seuils déversant
Le passage de l’eau d’un bassin à l’autre peut s’effectuer :
- par écoulement par une ou plusieurs échancrures ou fentes
- par écoulement à travers un ou plusieurs orifices noyés
- par déversement sur toute la cloison
La passe à poissons à bassins successifs est constituée d’une série de bassins en béton, avec un passage aménagé de manière à limiter l’effort demandé aux poissons et à le répartir sur une série de petites chutes plutôt qu’une seule, qui serait hors de portée.
Ce type de passe à poissons, d’une pente de 5 à 10 %, est recommandé quand il faut prendre en compte de nombreuses espèces de poissons. La passe est conçue en fonction de l’espèce la plus exigeante. On peut jouer sur une série de paramètres selon la nature du site, du risque de sédimentation et de blocage de corps flottants qui obstrueraient les points de passage et des espèces de poissons.
Les passes à ralentisseurs
Pour les pentes plus importantes, jusqu’à 20 %, les « échelles à ralentisseur » peuvent être installées. Ce sont des déflecteurs de formes plus ou moins complexes disposés sur le fond et/ou sur les parois d’un canal. Ils réduisent la vitesse moyenne du flux et créent des courants hélicoïdaux qui dissipent l’énergie au sein de l’écoulement. Ces passes restent plus sélectives, et sont utilisées quand il s’agit essentiellement de salmonidés.
Les passes naturelles
Ces passes sont des dispositifs reproduisant le fonctionnement des cours d’eau
Les passes à écluses
Ce type de passe assure un franchissement assisté des poissons soit mécaniquement (ascenseur) soit hydrauliquement (écluses).
Les passes à anguilles
À l’inverse des saumons et de la plupart des espèces amphibiotiques, qui passent de l’eau salée à l’eau douce, les anguilles frayent en mer, et ce sont les alevins qui remontent les rivières. Ils ne disposent guère de capacité de nage, et procèdent soit par opportunisme, avec les courants, soit par reptation. Les passes à anguilles se composent d’une rampe, où elles progressent en rampant, et d’un bassin amont en marge du courant, pour éviter qu’elles ne soient entraînées vers l’aval une fois parvenues en haut de la rampe.
Les rampes peuvent être composées de dalles en béton désactivé ou parsemées de plots plus ou moins tronconiques assurant un appui lors de la reptation de l’anguille.
Circulaire du 25 Janvier 2010 relative au plan de restauration de la continuité écologique
« La restauration de la continuité écologique n’est pas un but en soi. Elle n’a pas pour but de supprimer tous les seuils et barrages des cours d’eau, ni même tous ceux qui n’ont pas d’usage économique. Elle doit répondre à plusieurs objectifs intimement liés dans les projets de SDAGE et de programmes de mesures, dans le plan d’actions anguilles, les classements actuels des cours d’eau et leur révision prochaine , et dans le Grenelle de l’environnement, notamment la mise en place de la trame bleue et la préservation de la biodiversité. Le plan d’action a donc un objectif de résultat nécessitant de privilégier l’efficacité globale des interventions plus que le nombre en tant que tel. Néanmoins afin d’assurer l’avancement de ce plan, un objectif chiffré d’un total de 1200 ouvrages à « traiter » à l’échelle nationale d’ici à 2012 a été donné aux agences de l’eau dans le cadre de la révision des 9eme programmes, en cohérence avec l’objectif d’environ 1500 ouvrages à traiter d’ici à 2015 dans le cadre du plan de gestion anguilles. La mise en place du plan ne peut être que progressive au fur et à mesure de l’amélioration des connaissances nécessaires sur les ouvrages. Le démarrage doit néanmoins être immédiat selon les priorités déjà existantes, l’état des connaissances actuelles et les travaux déjà engagés. La première échéance visée est 2015 mais l’action de restauration se prolongera au-delà ».