La fissuration d’un ouvrage en béton armé est considérée comme normale et inhérente au fonctionnement du matériau. Et cette fissuration est généralement invisible à l’œil humain (le pouvoir de résolution de l’œil humain est de l’ordre de 50 microns).
À l'état normal le béton est fissuré
La fissuration est inéluctable, en particulier sous les charges de service (l’allongement des armatures et le jeu de l’adhérence béton-armature génèrent des contraintes dans le béton, très supérieures à sa résistance en traction).
Les fissures sont logiques, inévitables et nécessaires au fonctionnement mécanique des structures en béton armé. Mais elles sont contrôlables, car elles apparaissent aux endroits où les contraintes dépassent la résistance en traction du béton.
Il convient de les maitriser, d’une part pour des raisons esthétiques et d’autre part pour des problématiques de durabilité de l’ouvrage.
En particulier, il faut contrôler l’ouverture des fissures car au-delà d’un certain seuil, la protection des armatures vis-à-vis de la corrosion n’est plus correctement assurée. La fissuration favorise les transferts liquides, gazeux et ioniques et donc l’entrée dans le béton d’agents agressifs générant l’oxydation et la corrosion des armatures et des pathologies du béton (gonflement, éclatement…).
Apparition de la fissuration : de multiples causes
Les principales causes potentielles de fissuration sont :
- le fonctionnement du béton armé (sollicitation de flexion, d’effort tranchant, de torsion ou de traction générées par les chargements et les surcharges d’exploitation) ;
- les déformations générées ou imposées (tassements différentiels, tassements d’appui…) ;
- les défauts de conception ;
- les phénomènes de retrait thermique et hydrique ;
- les réactions physico-chimique (fluage, refroidissement de pièces massives, réactions chimiques internes…) ;
- les agressions environnementales qui peuvent générer des pathologies (corrosion des armatures, …) ou les réactions chimiques expansives internes au béton durci (alcali-réaction, Réaction Sulfatique Interne) qui créent des gonflements au sein du béton ;
- les causes accidentelles (incendie, explosion, choc…) et les séismes ;
- les défauts de mise en œuvre du béton (non prise en compte des conditions climatiques lors du chantier, non-respect des règles de l’art, non-qualité des matériaux, absence, manque ou excès de vibration, absence de cure...).
La fissuration du béton est rarement le résultat d’une cause unique ; et si les causes potentielles de fissuration ne sont pas toutes pathologiques, leur cumul peut générer des pathologies.
On distingue deux types de fissures :
- Les fissures à caractère esthétique qui ne nuisent pas à la durabilité de l’ouvrage, qui sont en général dues à des erreurs de formulation des bétons et des défauts de mise en œuvre ;
- Les fissures structurelles préjudiciables à la sécurité des usagers et/ou à la durabilité de la structure et/ou à la stabilité de l’ouvrage qui traduisent en général une erreur de conception de l’ouvrage ou des causes accidentelles.
NOTA : il est possible d’identifier l’origine de la fissuration en observant la forme, la position et l’orientation des fissures, ainsi que leurs situations dans l’ouvrage par rapport au schéma de fonctionnement de la structure.
Maitrise de la fissuration lors du dimensionnement
Le béton armé est dimensionné en faisant l’hypothèse qu’il est fissuré. Les armatures permettent ainsi de maitriser les fissures du béton armé.
Les différents codes de calcul et normes de dimensionnement ont évolué progressivement afin de prendre en compte de manière précise les mécanismes de fissuration et d’optimiser les armatures (adhérence à la surface, diamètres et espacements des armatures, contraintes de l’acier…).
Les méthodes de calcul du béton armé sont ainsi fondées sur le respect d’une ouverture maximale de fissure en fonction des agressions (traduites par les classes d’exposition) auxquelles sont soumis les bétons.
Principes de base de la fissuration
Les retours d’expérience sur de nombreux ouvrages et les résultats d’essais en laboratoire depuis plusieurs décennies ont confirmé :
- que des fissures de 0.2 à 0.3 mm correspondent à un fonctionnement normal du béton armé ;
- qu’en atmosphère non-agressive, une fissuration fine de faible ouverture et uniformément répartie, ne compromet pas la durabilité de l’ouvrage.
Seules les fissures très ouvertes (largeur supérieures à 0.3 mm) peuvent générer des pathologies. La valeur de l’ouverture de la fissure est ainsi un paramètre clé de la durabilité. Avec des fissures fines, les forces de tension superficielle sont supérieures aux forces de gravitation, ce qui empêche tout mouvement d’eau, soit par capillarité, soit par condensation et donc toute pénétration d’agents agressifs.
De même, retours d'expérience et résultats d'essais confirment également que
- pour assurer la durabilité d’une structure en béton armé, il est indispensable de protéger les armatures des agents agressifs par une couche de béton d’enrobage compact, dont l’épaisseur est déterminée en fonction des agressions potentielles (classes d’exposition) et de la durée d’utilisation de l’ouvrage (50 ou 100 ans).
- pour un ouvrage bien dimensionné, réalisé dans les règles de l’art et utilisant un béton de performances adaptées, les fissures n’altèrent pas la durabilité de l’ouvrage.
- le réseau de microfissures (non visible à l’œil nu) contrôlé par les armatures confère au béton la souplesse qui lui permet de garder son intégrité sous l’effet des charges.