Principe de fabrication

La fumée de silice est obtenue pendant la production du silicium et des alliages de ferrosilicium. Ces produits sont fabriqués dans un four à arc, en réduisant le quartz par un apport approprié de carbone, à une température d’environ 2 000 °C.

La fumée de silice est extraite en surface du four de réduction par des ventilateurs principaux et résulte de la condensation du gaz SiO, intermédiaire réactionnel du procédé de carboréduction. Elle est ensuite récupérée et filtrée dans un filtre à manches, avant d’être densifiée pour en faciliter la manipulation.

Certaines impuretés contenues dans les matières premières (alcalins par exemple) sont également réduites, volatilisées et oxydées dans le four.

Les caractéristiques de la fumée de silice dépendent de plusieurs facteurs. Le type de production en four à arc (Si ou FeSi) peut par exemple influer sur la teneur en SiO2 et les différentes impuretés de la fumée de silice. Le mélange de réducteurs utilisé dans le four peut, quant à lui, conduire à des colorations différentes du produit (de gris clair à gris foncé), sans pour autant en changer les performances. Enfin, la dernière étape de densification permet d’ajuster la densité apparente du produit.

Nota :

Jusque dans le milieu des années 1970, la fumée de silice était généralement rejetée dans l’atmosphère. Dans un souci de protection de l’environnement, des procédés de valorisation ont ensuite été développés afin d’éviter ces rejets. Le produit a dans un premier temps été stocké en décharge, puis à partir des années 1980, suite à d’importants travaux de R&D, son utilisation dans les bétons a été reconnue. Ce qui était un déchet est alors devenu une addition incontournable pour les producteurs de béton. Aujourd’hui, ce sont des centaines de milliers de tonnes dans le monde qui sont ainsi valorisées.

Caractéristiques techniques et contrôle de production

Une poudre ultrafine non cristalline

La fumée de silice se présente sous la forme de particules individuelles, avec un diamètre compris entre 50 et 200 nanomètres. Ces sphères contiennent majoritairement du SiO2, avec des quantités variables en oxydes de Ca, Al, Na, K comme impuretés principales. La fumée de silice est un produit amorphe et non cristallin.

Les différents aspects d’une fumée de silice

La fumée de silice non densifiée (ND) a une densité apparente faible, ce qui rend sa manipulation difficile. Par un traitement de densification, il est possible d’augmenter sa densité apparente et ainsi faciliter son transport, son stockage et sa manipulation.

La densité apparente dépend du mode de densification qui peut être mécanique (DM) ou pneumatique (DP). Elle est généralement comprise entre 400 et 650 kg/m3. En augmentant la densité du produit, on améliore la coulabilité et la manipulation du produit, mais on diminue sa capacité à se disperser dans l’eau. L’utilisateur doit donc trouver un compromis entre la manipulation et la dispersion potentielle du produit.

La densification ne change pas les propriétés physico-chimiques du produit. La fumée de silice est aussi disponible sous une forme prête à l’emploi : le slurry, suspension aqueuse avec environ 50 % en masse de fumée de silice. Le slurry est un produit stable dans le temps, avec une basse viscosité et donc facile à pomper et à utiliser. Son procédé de fabrication conduit à un produit très finement dispersé dans l’eau et donc dans le béton lors du malaxage.

Contrôle qualité

La fumée de silice issue de la fabrication du silicium et du ferrosilicium est aujourd’hui largement utilisée et de qualité régulière et maîtrisée.

Il existe plusieurs normes produit disponibles pour la fumée de silice. La norme en vigueur est la norme européenne EN 13263. Cette norme est composée de deux parties :

  • EN 13263-1 : cette partie présente les caractéristiques physico-chimiques et les critères de conformité requis par la fumée de silice pour pouvoir être utilisée en tant que produit d’addition du béton de type II conforme à la norme EN 206, des mortiers, des coulis ou d’autres mélanges ; La norme NF EN 13263-1 fait la distinction entre deux classes de produits suivant leur teneur en SiO2 : classe 1 pour la fumée de silice contenant plus de 85 % en SiO2, et classe 2 pour la fumée de silice contenant entre 80 et 85 % en SiO2
  • EN 13263-2 : cette partie décrit le système d’évaluation de la conformité de la fumée de silice et notamment la certification de conformité par un organisme de certification.

Mode d’action de la fumée de silice

La fumée de silice est utilisée dans les bétons pour améliorer leurs propriétés mécaniques et leur durabilité.

Réaction pouzzolanique

La fumée de silice réagit avec la chaux durant l’hydratation du ciment et favorise la formation des silicates de calcium hydratés (gel C-S-H). Cette phase C-S-H lie les différents composants entre eux pour créer une matrice cimentaire dense et compacte.

Sa finesse et ses propriétés pouzzolaniques confèrent à la fumée de silice une forte réactivité avec les Ca(OH) 2 produits durant l’hydratation du béton : SiO2, 3CaO + H2O → CSH + Ca(OH) 2. SiO2 + Ca(OH) 2 → CSH

Sa haute réactivité augmente l’homogénéité du mélange et réduit la porosité et la perméabilité du béton.

Effet d’optimisation de l’empilement granulaire

La fumée de silice est 100 à 150 fois plus fine qu’une particule de ciment et peut remplir les vides interstitiels entre les fines et les grains de ciment. Cet empilement granulaire optimal contribue ainsi à réduire fortement la porosité et la perméabilité du béton.

La fumée de silice dans la norme béton NF en 206/CN

L’aptitude générale à l’emploi comme addition de type II pour des bétons utilisés en France est établie dans la norme béton NF EN 206/CN, pour la fumée de silice conforme à la norme NF P 18-502-1 puis à la norme NF EN 13263-1 qui l’a remplacée.

L’utilisation en substitution partielle du ciment est traduite par la notion de liant équivalent. Ce concept autorise la prise en compte des additions de type II :

  • en remplaçant le terme « rapport eau/ciment » par celui de « rapport eau/ (ciment + k x addition) » ;
  • en respectant l’exigence relative au dosage minimal en ciment fonction de la classe d’exposition.

La valeur de k dépend du type d’addition selon ses propriétés hydrauliques ou pouzzolaniques. Dans le cas de la fumée de silice, k peut atteindre la valeur la plus élevée attribuée à ces additions (2).

Recommandations pour la maitrise de la durabilité des bétons

Les ouvrages en béton disposent désormais d’un ensemble de textes normatifs complet et cohérent, constitué de normes européennes complétées par des recommandations techniques françaises.

Recommandations pour la durabilité des bétons durcis soumis au gel

Les recommandations relatives à la prévention contre les mécanismes développés par le gel font l’objet d’un guide technique édité par le LCPC en décembre 2003. Ces recommandations permettent de :

  • maîtriser les agressions résultant des cycles de gel/dégel en présence ou non de sels de déverglaçage ;
  • formuler et confectionner des bétons durables en ambiance hivernale. La fumée de silice peut être utilisée de trois manières :
  • comme correcteur de la granularité des sables ;
  • en addition au ciment (10 %) ;
  • en substitution partielle au ciment.

Recommandations pour la prévention des désordres dus à l’alcali-réaction

Les recommandations relatives à la prévention contre les phénomènes d’alcali-réaction font l’objet d’un fascicule édité par le LCPC en juin 1994. Le principe de la démarche de prévention consiste à ne pas se retrouver dans une situation dans laquelle sont présentes simultanément les trois conditions nécessaires à l’amorçage de la réaction : eau – quantité importante d’alcalins dans le béton – silice réactive (présence de granulats réactifs). La fumée de silice contribue à la prévention des désordres dus à l’alcali-réaction.

Recommandations pour la prévention des désordres dus à la réaction sulfatique interne

Les recommandations pour se prémunir contre le développement de réactions sulfatiques internes et limiter le risque d’apparition des désordres induits par ces réactions font l’objet d’un guide technique publié en août 2007.

Ces recommandations précisent des dispositions constructives à mettre en œuvre pour la conception et la réalisation de l’ouvrage et des précautions à appliquer pour la fabrication, le transport, la mise en œuvre et la formulation du béton. Elles sont complémentaires des spécifications de la norme NF EN 206/CN.

Elles prennent en compte :

  • la catégorie d’ouvrage ;
  • les actions environnementales auxquelles seront soumises les parties d’ouvrage concernées pendant la durée d’utilisation de la structure ;
  • les conditions thermiques du béton lors de sa mise en œuvre et au cours de son durcissement. Il est possible d’utiliser des additions minérales en substitution du ciment de type CEM I pour diminuer l’exothermie du béton. Des travaux récents montrent l’intérêt de la fumée de silice en la matière et son utilisation devrait être prise en compte dans la prochaine version des recommandations en cours de révision.

Fascicule de documentation FD P 18-011

Le fascicule de documentation FD P 18-011 publié en décembre 2009 définit des environnements agressifs, pour les bétons armés et précontraints. Il permet de spécifier des dispositions préventives adaptées pour la formulation des bétons résistant à ces environnements agressifs.

Ce fascicule est complémentaire de la norme NF EN 206/CN.

L’incorporation dans le béton d’une addition hydraulique ou pouzzolanique est un moyen de limiter sa teneur en portlandite et donc de lui conférer une bonne tenue au contact des eaux pures.

Les additions peuvent être :

  • utilisées en substitution partielle de ciment CEM I pour constituer un liant équivalent, conformément aux dispositions de l’article NA 5.2.5.2.1 et des tableaux NA.F.1 et NA.F.2 de la norme NF EN 206/CN ;
  • incorporées au béton en tant qu’additions.

La fumée de silice est particulièrement adaptée pour la formulation des bétons résistant aux attaques chimiques.

Comment utiliser la fumée de silice

Pour les usines de préfabrication et les centrales de Béton Prêt à l’Emploi, la fumée de silice est approvisionnée en vrac ou en big-bags, stockée en silo à pulvérulent et introduite dans le malaxeur par l’intermédiaire de la bascule à ciment ; quelques adaptations du matériel sont toutefois recommandées pour sa bonne utilisation. Les adjuvants sont introduits de façon classique lors de la confection du béton.

Pour des petits volumes et/ou des emplois ponctuels, la fumée de silice est également conditionnée en sacs (25 ou 30 kg principalement). Ceux-ci doivent être introduits dans le malaxeur et homogénéisés avec les autres constituants non hydratés. L’eau et les adjuvants sont incorporés ensuite.

Des additifs prêts à l’emploi à base de fumée de silice sont également disponibles en sacs ; leur composition est adaptée aux utilisations en milieux agressifs. Ces produits sont particulièrement appropriés pour des utilisations dans des « petites » centrales de Béton Prêt à l’Emploi.

Nota : La fumée de silice est un coproduit de la fabrication du silicium et des alliages de ferrosilicium. Elle est donc considérée comme issue des stocks et n’apporte pas de contribution propre aux flux d’inventaire. Seuls les impacts de sa transformation, son stockage et son transport sont pris en compte.

Avantages de la fumée de silice

Performance a l’état frais

Maniabilité

Les bétons formulés avec la fumée de silice ont une rhéologie différente des bétons courants. Ils sont thixotropes et ont donc un comportement visqueux et compact au repos et deviennent fluides dès qu’on leur applique une pression. Cette particularité offre en particulier les avantages suivants :

  • moins de ségrégation (nids de cailloux et ressuage) ;
  • transfert par pompage sous pression possible sur de grandes distances ;
  • projection sur des parois sans perte de produit dans le cas de béton projeté.

Performances a l’état durci

Performances mécaniques

La fumée de silice permet d’optimiser l’empilement granulaire et ainsi d’améliorer l’adhésion des différents constituants d’un béton, ce qui a un impact direct sur ses propriétés mécaniques, en particulier sur les résistances mécaniques en compression. Ces dernières sont directement liées à la quantité de fumée de silice ajoutée au ciment. L’utilisation de fumée de silice pour un béton de même qualité permet d’augmenter la proportion de granulats grossiers par rapport aux granulats fins.

Durabilité

L’utilisation de fumée de silice limite la porosité des bétons en réduisant la taille des pores. Cette baisse de la porosité et de la perméabilité empêche la pénétration d’agents agressifs comme notamment les acides, les sulfates, le dioxyde de carbone et les chlorures marins.

L’utilisation de la fumée de silice est un atout pour prévenir la corrosion dans un environnement contraignant : ports, aéroports, plateformes industrielles, ouvrages en bord de mer.

Alcali-réaction

La fumée de silice a un effet favorable vis-à-vis du phénomène d’alcali-réaction. Les particules fines et amorphes de la fumée de silice réagissent avec les alcalins du ciment et réduisent ainsi leur teneur dans le béton avant son durcissement.

Réaction sulfatique interne

La réaction sulfatique interne (RSI) est une cause de désordres susceptibles d’endommager assez sévèrement les ouvrages en béton. L’influence de la fumée de silice à des teneurs optimisées de 10 % en taux de substitution est très significative en prévention de cette pathologie.

Résistance au cycle gel/dégel

En diminuant la perméabilité du béton, la fumée de silice réduit les mouvements d’eau et les pressions internes dans le béton qui sont source de pathologies. Un béton contenant de la fumée de silice supporte un plus grand nombre de cycles gel/dégel.

Optimisation de l’enrobage des armatures

L’enrobage des armatures et les caractéristiques du béton d’enrobage sont les paramètres fondamentaux permettant de maîtriser la pérennité des ouvrages aux phénomènes de corrosion et donc leur durée d’utilisation. Ainsi il est possible de placer les armatures hors d’atteinte des agents agressifs en les protégeant par une épaisseur suffisante d’un béton compact, ayant fait l’objet d’une cure adaptée.

Les recommandations de l’Eurocode 2 (norme NF EN 1992-1-1-section 4) en matière d’enrobage des bétons de structures sont novatrices. Elles résultent d’un retour d’expérience sur la durabilité des ouvrages construits depuis plusieurs décennies et sur les recherches récentes en matière de protection des armatures vis-à-vis des risques de corrosion. Elles visent, en conformité avec la norme NF EN 206-1, à optimiser la durabilité des ouvrages.

La détermination de la valeur de l’enrobage doit prendre en compte de façon extrêmement détaillée :

  • les classes d’exposition dans lesquelles se trouve l’ouvrage (ou la partie d’ouvrage) et qui traduisent les conditions environnementales ;
  • la durée d’utilisation du projet traduite par la classe structurale de l’ouvrage (S1 à S6) ;
  • la classe de résistance du béton ;
  • les dimensions des armatures ;
  • le type de système de contrôle qualité mis en œuvre pour assurer la régularité des performances du béton ;
  • la maîtrise du positionnement des armatures ;
  • la régularité de la surface contre laquelle le béton est coulé ;
  • le type d’armatures (précontraintes ou non) et leur nature (acier au carbone, acier inoxydable).

La valeur de l’enrobage peut ainsi être optimisée en particulier si : l’on choisit un béton présentant une classe de résistance à la compression supérieure à la classe de référence (définie pour chaque classe d’exposition). Elle peut être réduite de quelques centimètres.

L’utilisation de fumée de silice dans le béton augmente sa résistance mécanique, ce qui permet de réduire la valeur de l’enrobage des armatures et d’optimiser les épaisseurs des structures. Il en résulte une économie de ressources naturelles (en particulier en granulats) et de ciment.

Parements

L’incorporation de la fumée de silice permet d’obtenir au décoffrage des parements d’une excellente qualité. Les teintes des parements sont plus homogènes et généralement plus claires que celles des bétons de référence.



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Voir aussi
  • Fascicule 65 (2018) : précontrainte
    Les spécifications du Fascicule 65 relatives à la précontrainte font l’objet du chapitre 7, et complètent le même chapitre de la norme NF EN 13670/CN. Le fascicule détaille les spécifications sur les conduits (gaines métalliques en feuillard, tubes lisses en polyéthylène haute densité, tubes en acier, gaines annelées en matière plastique) et les armatures (qui doivent bénéficier d’une certification ASQPE « Armatures de précontrainte » ou équivalent). Quatre points d’arrêt sont définis : autorisation de bétonnage, autorisation d’enfilage des armatures, autorisation de mise en tension, autorisation de coupe des armatures derrière l’ancrage.
  • Notions de dimensionnement du béton armé : les poteaux
    Les poteaux supportent des charges verticales constituées des charges permanentes et des surcharges des poutres et des planchers qui s’appuient sur eux, soit directement, soit par l’intermédiaire des poteaux des étages supérieurs. Ils sont en général de section carrée, rectangulaire ou circulaire.