En connivence avec les vides, la puissance du béton de cet équipement culturel polyvalent fait la part belle à la lumière du jour qui glisse sur son épiderme.
ZAC de La Courrouze. À la jonction des quartiers de Cleunay, La Courrouze et Arsenal-Redon à 2 km du centre historique de Rennes, un quartier neuf investit un vaste territoire qui accueillait jadis des usines d’armement.
Polyvalence culturelle sur la ZAC de La Courrouze
C’est ici qu’Antipode réunit dans une même enveloppe une Maison des jeunes et de la culture (MJC), une Scène de musiques actuelles (SMAC) et une médiathèque dotée d’un prêt d’instruments. Proche de l’écosystème des Halles en Commun qui ont revitalisé un site voisin, l’édifice réalisé par les architectes de l’agence Dominique Coulon & associés inscrit dans la même logique une offre destinée au quartier autant qu’à l’échelle métropolitaine. Élégant et puissant, il donne un nouvel élan à des entités qui cohabitaient auparavant dans un bâtiment plus ancien. Ce monolithe en béton noir percé de failles de lumière obéit aux règles fixées par les architectes-urbanistes du secteur, Bernardo Secchi et Paola Viganò, qui misent sur des constructions de cette teinte pour donner une unité au bâti installé sur de grands îlots inondés par le végétal. « Pour faire perdurer la mémoire du site industriel, certains murs dont une enceinte en pierre ont été conservés ainsi que de grands arbres. Afin d’ancrer Antipode dans cet univers arboré, il importait de préserver ce paysage urbain très aéré et l’esprit de bâtiments isolés », souligne Dominique Coulon. Dessiné comme une masse étendue et compacte dont les vides auraient été soustraits, le bâtiment occupe la totalité de la parcelle. Pour révéler l’alternance de ses occupations diurnes et nocturnes, il joue du contraste entre opacité et transparence.
La complicité du lourd et du léger
Un travail en plan et en coupe orchestre des espaces dans un jeu infini de variations de surface et de hauteur, de perspectives et de boîtes à lumière qui percent la masse construite. Micro-urbanisme quasi labyrinthique, le plan révèle ainsi l’imbrication complexe des programmes et des épaisseurs qui abritent les trois entités et leurs salles de musique, d’enregistrement, de danse et d’arts plastiques, de répétition et de création. « Dans cette architecture de l’interstice et de l’anfractuosité, les parcours se croisent et s’entrelacent pour mieux dévoiler les programmes imbriqués autour d’une agora qui articule les éléments publics tels que le bar, l’espace d’exposition ou la salle de conférence. Des patios et des terrasses irriguent de lumière naturelle tous ces lieux juxtaposés les uns aux autres sans hiérarchie apparente qui rythment le parcours », ajoute l’architecte.
La façade principale, au nord, abrite la médiathèque dont les transparences se déploient sur trois faces et trois niveaux, et la MJC ouverte sur l’extérieur par l’espace jeunesse. À l’arrière, les salles de musique et la SMAC sont adossées à la façade sud. En façade est, l’entrée de la SMAC jouxte le bar et le foyer de la salle Club, et la façade ouest s’appuie sur le mur d’enceinte existant en clôture du site.
La transparence du socle et l’opacité du béton anthracite allègent le dessin de la façade principale dans une alternance du lourd et du léger qui pondère la compacité de l’édifice dont la symétrie est rompue par un porte-à-faux d’angle.
À l’intérieur, nourrie par une écriture dépouillée, l’aménité d’une atmosphère propice au bien-être séduit. La matérialité des voiles de béton brut de décoffrage coulés en place dans des banches métalliques et une rigueur géométrique présagent de la permanence d’une architecture. Comme sculptés dans la masse du béton, le bar du rez-de-chaussée, l’alcôve de l’accueil et la longue cimaise des expositions participent à l’unité. La joyeuse famille de mobilier de couleur vive du 1 % artistique, signée par le designer Erwan Mével pour l’agora, favorise toutes les appropriations et la valeur scénographique des escaliers participe pleinement à la promenade architecturale.
Les atouts structurels et esthétiques du béton
Dédiées sous de grandes hauteurs à des musiques de grande intensité, la salle de spectacle et la salle de répétition adoptent le principe structurel de la boîte dans la boîte qui réduit les nuisances sonores. « Le béton est un matériau particulièrement adapté à un équipement de ce type. Sa robustesse est une garantie de pérennité pour des locaux très sollicités. La pigmentation extérieure a fait l’objet de toute notre attention lors des tests sur les murs témoins et le BET Batiserf a joué un rôle important. La qualité du béton a permis de réduire le second œuvre au strict nécessaire et, dans ce bâtiment sans climatisation, il ajoute une très bonne inertie », poursuit Dominique Coulon.
« En raison des contraintes liées à la parcelle, de la présence souterraine du tube de métro de la ligne B, de la polyvalence du programme et des attentes des architectes quant à la qualité du béton, ce bâtiment présente différentes spécificités techniques », ajoute Antoine Tavardon, ingénieur chez Batiserf, qui précise : « Les salles de spectacle appelaient des structures très élancées sans porteur intermédiaire et le béton répond aussi aux surcharges d’exploitation élevées de ce type d’équipement. Afin d’éviter le tube du métro enterré de la ligne B à l’aplomb de la façade nord du bâtiment, un pontage de la structure a été réalisé grâce à des fondations profondes de type pieux forés de part et d’autre du volume interdit. Ancrées sous le tube par une fiche de pieu d’environ 33 m, elles devaient tenir compte des paramètres de frottement latéral négligés sur la hauteur de ce volume. Il fallait également contrôler attentivement les déformations du tube de métro tout au long du chantier. »
Ces fondations forment l’appui des longrines de pontage de section 60 x 300 cm et de 19 m de portée qui reprennent les charges de superstructure de la façade nord. Au droit de l’angle de façade nord-ouest, les voiles de béton armé de la façade ouest sont en encorbellement (6,50 m) afin de limiter l’incidence de l’implantation de pieux hors de la parcelle.
Le béton contribue aussi à l’acoustique. En périphérie de la salle Club, des correcteurs acoustiques de type diffuseur de Schroeder en béton armé coulé en place avec des cannelures verticales de profondeur variable ont été intégrés. À cela s’ajoutent des chapes acoustiques désolidarisées avec finition par revêtement de sol minéral de teinte gris courant. Qu’il s’agisse des façades et des voiles intérieurs en béton de parement architectonique brut-fini de teinte gris anthracite et gris courant, ou des voiles de façades en encorbellement, le projet architectural exigeait une qualité de fini. L’entreprise y a répondu par le soin apporté aux ouvrages de superstructure en béton de parement architectonique : poutres-voiles et voiles en drapeau en encorbellement de façades très élancés – respectivement 20 et 25 m pour les façades nord et sud-est. Ces façades en béton armé gris anthracite sont traitées par finition brute durcie de moule. Il en va de même pour les voiles et les dalles intérieurs de teinte gris courant et le mobilier en béton armé.
En rassemblant des espaces dont on pouvait a priori penser qu’ils n’avaient pas grand-chose à faire ensemble, les concepteurs ont su concilier habilement la quiétude de la médiathèque, l’animation de la MJC et la puissance des musiques actuelles.
Localiser la réalisation
Reportage photos : © Eugeni Pons
Fiche technique
- Maître d’ouvrage : ville de Rennes
- Maître d’œuvre : Dominique Coulon & Associés
- BET structure : Batiserf Ingénierie
- Scénographe : Atelier Sophie Thomas
- Paysagiste : Bruno Kubler
- Entreprise gros œuvre : Rougeot
- Surfaces : 5 824 m2 SHON, 5 458 m2 SP, 3 774 m2 SU
- Coût : 11,9 M€ HT
- Programme : médiathèque de quartier ; SMAC (grande salle de diffusion, salle Club, 5 studios de création) ; MJC (foyer, salle multi-activités, salles de danse, arts plastiques) ; locaux administratifs.
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