Massif, le volume s’élève vers le mur de soutènement qui le longe. Son point haut pensé comme un belvédère sera équipé d’une structure support d’œuvres lumineuses.

Le pôle culturel de L’Arche fait partie des équipements phares de l’opération d’intérêt national (OIN) lancée en 2011 sur un vaste territoire d’Alzette-Belval. Située à la frontière du Luxembourg, cette OIN inclut aussi bien des zones urbanisées que des terres agricoles et des friches industrielles avec des enjeux écologiques importants. Dans son périmètre, l’ancien site d’extraction et de transformation du minerai de Micheville entame sa métamorphose, après des travaux de dépollution. Son programme prévoit de réaliser un écoquartier de près de 2000 logements, accompagnés des aménagements, services et équipements nécessaires dont L’Arche est la « première pierre ». Présenté comme un tiers-lieu hybride à la rencontre des arts numériques, des industries créatives et des pratiques artistiques multiples, l’une de ses vocations est aussi d’accueillir le festival du cinéma italien fondé en 1976 à Villerupt et de devenir un lieu de vie et de partage à dimension locale, nationale, voire au-delà.

L’austérité de ce grand mur de béton introduit une part de mystère au bâtiment.

Un monolithe inspiré d’une villa moderne, du Colisée et de murs industriels

L’Arche est construit au pied de l’ancien mur de soutènement d’une plateforme technique sur laquelle était déchargé le minerai avant d’être acheminé vers les aciéries en contrebas. Jouant avec ce vestige monumental d’un passé industriel encore très présent, les architectes ont conçu un bâtiment imposant, monolithique, dont la forme est inspirée de celle de la villa Malaparte construite sur l’île de Capri. L’hommage à cette icône de l’architecture moderne italienne qui partage l’affiche avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli dans le film Le Mépris de Jean-Luc Godard, est aussi celui rendu à la population de Villerupt dont les origines italiennes se mêlent à l’histoire du site. Contrairement à celle de la villa, la toiture de L’Arche ne peut cependant pas être arpentée même si elle reprend le principe d’un emmarchement réalisé ici avec des tuiles de béton spécialement fabriquées.

Les baies cintrées et les marques visibles des banches caractérisent le dessin des façades.

Décalée du mur, la géométrie singulière du bâtiment — un volume qui culmine à plus de 17 mètres de hauteur, avec sa cinquième façade taillée en biseau —, est matérialisée par son enveloppe de béton gris, sobre, que les architectes souhaitaient : « le plus archaïque possible, coulé en place à l’ancienne, sans fluidifiant, brut de décoffrage et qui laisse visibles les différentes strates », précise Jacques Sigwalt, l’un des associés de l’agence K Architectures. « Nous voulions aboutir à une expression abstraite, au croisement de références classiques et d’un matériau moderne. » Le calepinage des façades résulte du choix et de l’agencement des banches ainsi que du positionnement des baies qui introduisent des aspérités et font ressentir la matière qui s’accorde avec la pierre du mur. Issues d’une figure répétitive inspirée à la fois des arcades du mur de soutènement alvéolé proche du site et de celles du Colisée de Rome, ces baies cintrées sont inscrites dans les pans de façade et percent les voiles de structure à l’avant de l’entrée. Quelles soient fantômes, vitrées ou vides, elles sont surplombées d’un semblant de linteau de brique moulée dans le béton. « Pour l’art » nous dit l’architecte, les fausses fenêtres imprimées dans le béton apportent un peu de mystère à l’édifice en brouillant la lecture extérieure de sa vie intérieure.

La séquence d’entrée, singularisée par une arcade brise-soleil, rompt à cet endroit la monumentalité de l’édifice.

Sous la toiture, le minéral se poursuit

Le pôle s’ouvre toute hauteur à son niveau de toiture le plus bas dont le débord forme un auvent protecteur. En retrait donc, la façade d’entrée sud-est entièrement vitrée offre un éclairement naturel généreux à la halle d’accueil qui contient le bar-restaurant et une petite scène. Depuis ce premier espace se déploient les autres parties du programme notamment la salle de cinéma dont les gradins garantissent le confort visuel et la grande salle de spectacles en amphithéâtre, modulable entre 684 places pour une configuration assise et pouvant accueillir jusqu’à 1 140 personnes en configuration concert avec des places assises et debout. Les bureaux et autres salles privées occupent le niveau supérieur.

 

 

L’intérieur du bâtiment procède de la même volonté d’un certain minimalisme déjà exprimé par son unité massive. Dans tous les espaces accessibles au public, souvent en double hauteur, le béton des voiles de structure est laissé apparent et les autres parois couvertes d’un blanc mat. Le grand nombre de volumes en double hauteur limite le potentiel de ponts thermiques, gérés avec des arrêts de dalle : « cela ne concentre que 30 % du linéaire de façade » spécifie l’architecte cheffe de projet Émilie Bourdier. Au sol, un béton quartz offre une bonne résistance aux passages nombreux et répétés qui devraient s’amplifier avec l’arrivée de nouveaux habitants dans l’écoquartier et la notoriété croissante du lieu, tant pour son festival de cinéma que pour ses programmations artistiques pointues.

Dans la halle d’entrée, baignée de lumière naturelle, on retrouve la découpe des baies cintrées, telle une figure conductrice du bâtiment qui invite à traverser les murs.

Localiser la réalisation

Reportage photos : © Guillaume Amat

  • Maître d'ouvrage : communauté de communes Pays-Haut-Val-d’Alzette
  • Maître d’œuvre : K Architectures ; Émilie Bourdier, cheffe de projet
  • BET : Batiserf (structure).
  • Gros œuvre : Eiffage construction - Surface : 3 272 m2 SDP
  • Coût : 11 000 000 € HT
  • Programme : équipement culturel, tiers-lieu culturel, cinéma de 147 places, salle de spectacles modulable, bar-restaurant, fablab, galerie d’art numérique, studios de musique.



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