Avec son exostructure de béton blanc, l’Atelier Léonard de Vinci s’inscrit dans un quartier à recréer pour y jouer le rôle de catalyseur social et urbain.
Emblématique des grands ensembles d’habitat social et marquée par les émeutes de 1979 puis celles de 1990, la commune de Vaulx-en-Velin symbolisait le malaise des banlieues. Affublée d’une étiquette « zone à éviter », elle fut le déclencheur d’un renouveau de la politique urbaine. La ville s’est reconstruite peu à peu au gré des dispositifs mis en place pour désenclaver, requalifier, donner un nouveau souffle et une attractivité à ces ensembles laissés trop longtemps de côté. Le quartier du Mas du Taureau bénéficie enfin de l’un de ces plans. La nouvelle médiathèque, qui fait également fonction de maison de quartier, est le premier pilier de ce renouvellement urbain, comme l’exprime parfaitement Rudy Ricciotti, l’architecte des lieux : « Entre un hier à oublier et un horizon plein de promesses, la maison de quartier de Vaulx-en-Velin doit jouer son rôle de catalyseur, vaisseau amiral d’une vaste opération de transformation. » Et si son projet a été plébiscité, c’est bien parce qu’il s’inscrit parfaitement dans le tracé du nouvel aménagement et dans l’esprit de cet équipement, à la fois innovant et populaire. Sa base carrée s’aligne sur toutes ses faces dans la trame de la future ZAC. Si son volume compact et orthonormé fait écho aux constructions avoisinantes tant par son échelle que par sa forme, il se démarque par un design aussi sobre que singulier, permettant aux passants d’y reconnaître un bâtiment public.
Un équipement pluriel
La série de poteaux en L inversé, accolée à la façade vitrée, lui offre une signature visuelle inédite. Si cette double peau donne de l’épaisseur et du relief, elle ajoute une dimension vibratoire due aux inclinaisons variables de ces colonnes se déformant au gré des entrées ménagées en rez-de-chaussée. Cet aspect sculptural interpelle en douceur et donne envie de s’approcher. Accentuant cette aspiration naturelle, le volume se creuse pour marquer l’entrée et offrir un large parvis faisant face au futur parc.
Conçu comme un pôle culturel et social, le bâtiment regroupe les fonctions de médiathèque et de maison de quartier. Il répond à de multiples besoins avec pour ambition de donner l’envie d’apprendre, de pouvoir exercer ses compétences ou d’en acquérir de nouvelles. Dès l’origine du projet, et à chaque étape de sa réalisation, la ville a suivi une démarche de coconstruction pour identifier et prendre en compte les besoins des Vaudais. Cela explique la densité du programme réparti sur 2 500 m2, avec, entre autres, des espaces de lecture et de diffusion culturelle, une cuisine, un café social, un studio de danse, une ludothèque, une salle de spectacle ou un « FabLab ».
Un design singulier
Ces locaux, divers par leur fonction, ont en commun leur confort et leur luminosité. Une abondance de lumière due aux larges façades vitrées, mais également au large patio occupant le centre du bâtiment. Espace planté ouvert au public lorsque le temps le permet, cette oasis végétale offre une belle respiration, structure les circulations et fait oublier la compacité du volume. Le visiteur déambule dans un univers apaisant. La série de demi-portiques périphériques en béton entourant le bâtiment fait office de filtre entre intérieur et extérieur. L’effet est d’autant plus marquant dans les espaces de lecture, vastes surfaces baignées de lumière où l’on peut apprécier le paysage sans être vu, et consulter les ouvrages, confortablement installé dans un mobilier aussi design que cosy.
Côté matériaux, le béton participe pleinement à l’empreinte visuelle de la médiathèque, marquée par le rideau de façade ondulant et intermittent formé par l’exostructure composée de demi-portiques qui doublent la paroi vitrée extérieure. Les variations d’espacement et d’inclinaison invoquent l’ordonnancement classique tout en le réinventant. Quant à leur teinte, un blanc pur, elle capte la lumière, magnifie leur aspect sculptural et insuffle au bâtiment une envie d’ailleurs, tournée vers la Méditerranée.
Un travail collaboratif
D’un point de vue constructif, le projet se distingue par une structure porteuse mixte associant une exostructure préfabriquée et une série de voiles et de dalles en béton armé coulés en place. Les 173 poteaux architectoniques de 9 m de hauteur qui composent l’exostructure soutiennent en partie le bâtiment, combinés aux planchers de 9 m de portée et postcontraints. En forme de L inversé et teintés dans la masse, les demi-portiques participent à la reprise des descentes de charges des dalles en débord, tout en limitant les ponts thermiques. Autre particularité de la réalisation, le choix de la technique de la postcontrainte habituellement utilisée pour les ouvrages de Génie Civil. Elle permettait entre autres de réduire le volume de béton utilisé, d’éviter les retombées de poutre tout en offrant des portées de plancher plus importantes pouvant générer de grands plateaux libres réaménageables à l’envi.
Pousser les limites de la technique et de la matière, telle est la quête du binôme R. Ricciotti et R.-F. Ricciotti, père et fils, respectivement architecte et ingénieur, tous deux passionnés par les actes de concevoir et de construire – process qui selon eux ne pourrait pleinement s’épanouir sans l’apport indispensable du savoir-faire des entreprises, avec à la clé de leur collaboration le maintien et le développement d’une culture technique riche et évolutive. Elle s’illustre ici parfaitement, que ce soit lors de la mise en œuvre des ouvrages postcontraints ou lors de l’élaboration des poteaux de l’exostructure. Une modélisation en 3D a permis à l’architecte de transmettre les bons paramètres au préfabricant qui a pu affiner le nombre de moules en utilisant un séquençage de branches fixes et de têtes de poteaux réutilisables.
Un confort raisonné
Que ce soit pour les éléments préfabriqués ou ceux coulés en place, le soin apporté à la qualité des coffrages et au calepinage des banches offre au bâtiment des parements en béton brut affichant une très belle finition de surface.
En termes de performance environnementale, la médiathèque est conçue comme un bâtiment à énergie positive dans une démarche BEPOS, sans certification mais conforme à la RT 2021. Le process intègre une approche mixte entre dispositifs physiques de contrôle des apports solaires et une réduction des consommations d’énergie par les équipements via une étude en simulation thermique dynamique. En façade, les poteaux jouent le rôle de protection solaire et de masque. Ils sont complétés de vitrages à contrôle solaire et de stores textiles pour un confort optimisé. Au centre du bâtiment, le patio joue le rôle de tampon thermique et permet de ventiler le bâtiment naturellement. À l’intérieur, la climatisation est remplacée par un dispositif de planchers rayonnants et rafraîchissants. Reste à ajouter que le béton employé est issu des filières bas carbone avec utilisation des laitiers de hauts-fourneaux. Clairement, les matériaux et les équipements de qualité suivent l’ambition du projet, celui d’offrir un lieu de vie et d’échange qui donne envie d’y revenir. D’ailleurs, les chiffres en disent long… dès la première année, la fréquentation dépasse largement les prévisions. Une réussite.
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Fiche technique
Reportage Photos : © Lisa Ricciotti
- Maître d’ouvrage : Ville de Vaulx-en-Velin
- Maître d’œuvre : Rudy Ricciotti, architecte mandataire
- BET structure : Lamoureux & Ricciotti
- BET HQE® : Étamine
- CET : Oteis
- Acousticien : Thermibel
- Paysage : Urbalab
- Entreprise gros œuvre : Ribière
- Préfabricant : ID BAT Production
- Surface : 2 715 m2 SU, 3 778 m2 SDP
- Coût : NC
Programme : médiathèque et maison de quartier avec un espace de type FabLab, une salle des initiatives, un espace enfance famille, une ludothèque, un café social club, une cuisine, un espace jeunes et adultes, une salle de spectacles 127 places, un studio de danse, un studio de création, un accueil de loisirs et une salle d’animation, une zone d’étude calme, un pôle administratif et un pôle technique.