Au début des années 2000, Áron Losonczi, jeune ingénieur hongrois, se promène dans sa ville natale de Csongrád lorsqu’il remarque une œuvre d’art associant béton et blocs de verre et laissant passer la lumière. L’idée lui vient d’associer ces deux matériaux pour créer un béton translucide, présentant les mêmes caractéristiques de résistance et durabilité que les bétons traditionnels. Il intègre des fibres de verre à une matrice cimentaire, les fibres étant alignées parallèlement les unes aux autres entre les deux surfaces principales de chaque bloc de béton. Le « Light-Transmitting Concret » vient de naître, abrégé en LiTraCon.  Etonnamment, le mélange devient translucide dès que seulement 4 % de son volume est constitué de fibres de verre. Invisibles à la surface en raison de leur très petite taille, les fibres permettent de produire des éléments ressemblant extérieurement à un béton classique mais offrant des jeux de lumière, semblables à ceux obtenus avec les panneaux japonais en papier de riz. La lumière passe, mais de façon relativement limitée toutefois.

Plusieurs technologies pour le béton translucide

Conscient que le coût de fabrication du béton translucide à partir de fibres de verre peut constituer un frein important au développement de ce matériau innovant, et que la lumière ne passe pas suffisamment, M. Losonczi met au point dès 2009 un nouveau procédé. : il remplace les fibres de verre par de petites unités circulaires en plastique spécial, tacheté, disposées à la surface des panneaux de béton comme des pixels sur un écran LCD. Moulées, polies et lavées, ces pastilles contiennent un matériau autre le béton, en faible quantité, qui créer la translucidité. Plus faciles à fabriquer, les pièces en béton peuvent être utilisées pour réaliser des éléments de grande dimension, des objets en trois dimensions, intégrer des logos ou des éléments graphiques…

La recherche, développée en parallèle, notamment au sein de l’industrie cimentière, a permis d’obtenir également un béton translucide en modifiant les formulations du béton au niveau des liants et des granulats. L’insertion de morceaux de verre (20 %) ou l’injection de résine dans la matrice cimentaire permet de rendre le matériau translucide tout en conservant une résistance satisfaisante, ne permettant toutefois pas un usage structurel.

Plus récemment, un groupe allemand a développé un nouveau procédé fondé sur le mélange béton fin/fibres optiques, ces dernières conduisant la lumière émanant d’un éclairage LED intégré au dos de la façade pour la transmettre à la surface extérieure du bâtiment. Les LED peuvent être activées et pilotées par un logiciel, permettant de créer de véritables scénarios d’éclairages, allant de l’affichage d’éléments statiques jusqu’à des jeux de couleurs et d’images animées. Les bâtiments ainsi réalisés présentent le jour une façade classique, prenant l’aspect du béton ou de la pierre, mais dès que le crépuscule tombe, le rétroéclairage vient donner toutes les possibilités d’animation au mur extérieur.

De l’objet design au panneau de façade, le béton translucide s’adapte à de nombreux projets

Dès 2004, plusieurs prototypes sont réalisés avec du béton translucide et présentés dans de nombreuses manifestations dédiées au design partout en Europe. Un pilier est ainsi fabriqué pour l’intérieur de la maison de Szilas Brook, célèbre œuvre d’architecture en Hongrie. Et le matériau innovant est retenu comme pouvant être utilisé dans la construction de la Freedom Tower à New-York. Les architectes se montrent particulièrement sensibles à ce béton translucide, imaginant des utilisations pour des murs, intérieurs ou extérieurs, des escaliers, des projets artistiques ou de design, notamment de mobilier.

Une réalisation exceptionnelle : la mosquée Al Aziz à Abu Dhabi

Achevée en 2014, la mosquée Al Aziz est unique au monde : sa façade de plus de 500 mètres carrés est constituée de panneaux en béton translucide.

De jour, rien n’étonne particulièrement lorsqu’on regarde la façade de mosquée Al Aziz, si ce n’est peut-être son élégance : les 99 noms d’Allah sont tracés en relief sur un béton clair, revêtant l’aspect de la pierre naturelle. Toutefois, à la tombée de la nuit, la façade prend toute son ampleur lorsqu’elle offre des jeux de lumière rendus possibles par le béton translucide utilisé pour la réaliser. L’éclairage LED, situé à l’arrière de la façade, vient animer chaque élément de la façade.

Les 207 panneaux qui constituent les 515 m² de façade font chacun 180 x 140 x 4 cm. Le béton translucide qui les compose est particulièrement résistant aux conditions climatiques de la capitale des Emirats Arabes Unis : températures extrêmes et tempêtes de sable. Pour chaque panneau, en fonction des écritures qui y étaient portées, les formes de coffrage ont intégré les fibres conductrices de lumière puis remplies d’un béton haute résistance. Chaque panneau pèse en moyenne 300 kg, l’épaisseur totale étant de 7 cm si on compte les 3 cm de relief extérieur pour chaque nom tracé. La façade rideau en béton translucide est ventilée en face arrière, car accueillant une technique d’éclairage à base de LED, permettant un éclairage direct ou indirect. Si les LED ont une durée de vie longue, le système est toutefois conçu pour permettre d’assurer une maintenant régulière et de procéder rapidement à l’entretien. 

 



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