Une commission pour établir une doctrine scientifique sur le béton armé

En 1897, Charles RABUT crée à l’Ecole des Ponts et Chaussées, le premier cours de Béton armé.

Les méthodes de calcul connues à l’époque s’appliquaient à des matériaux homogènes. Alors que le béton armé est une association de deux matériaux aux propriétés très différentes. Les instructions et la circulaire  du 20 Octobre 1906, signée par le ministre des Travaux Publics BARTHOU-instructions d’un ministre à ses services- constituent le premier document pour le calcul des constructions en béton armé.

Elles sont le fruit du travail de la commission du ciment armé. Celle-ci est créé après l’Exposition universelle en 1900 par le ministère des Travaux Publics afin d’établir une doctrine scientifique solide autorisant une reconnaissance officielle et l’utilisation de ce nouveau matériau de construction.

Sous la présidence de l’inspecteur général des Ponts et Chaussées Théodore Lorieux, la commission regroupait des experts éminents avec Armand Considère comme rapporteur. Ainsi s’y trouvent des ingénieurs illustres comme Charles Rabut, Résal, maître du métal, des expérimentateurs comme Augustin Mesnager, Louis Harel de la Noé, des ingénieurs civils comme Edmond Coignet, François Hennebique, Édouard Candlot, deux officiers militaires et deux architectes.

La commission réalisa pendant 5 ans un vaste programme d’expérimentation afin de définir les propriétés de l’association de l’acier et du béton, et les hypothèses de calcul relatives à l’adhérence entre le béton et l’acier.

N’aboutissant pas un compromis sur l’interprétation des essais afin de définir des règles de calcul, la commission fut remplacée par une seconde commission présidée par Lévy se concluant par la circulaire et les instructions du 20 octobre 1906.Le document est constitué d’instructions, comprenant 25 articles, et d’une circulaire commentant ou donnant des précisions sur la manière d’appliquer les articles des instructions.

Présentation générale

Ce premier document officiel précise aux ingénieurs, architectes et entrepreneurs les notions scientifiques et pratiques du nouveau matériau.

Les règles de 1906 n’étaient d’application obligatoire que pour les ouvrages dépendant du ministère des Travaux Publics. Mais elles ont étaient employées pour toutes les constructions en béton armé.

Elles furent utilisées jusqu’en 1934 et permirent un essor considérable du béton armé.

Le texte détaille des méthodes de calcul sans les imposer et exige l’utilisation de méthodes scientifiques au lieu de méthodes empiriques.

Le document comprend quatre parties :

  1. Données à admettre dans la préparation des projets
  2. Surcharges : Articles 1 à 3
    1. Limites de travail et de fatigue : Articles 4 à 8
    2.  Calculs de résistance : Articles 9 à 13
  3. Exécution des travaux : Articles 14 à 20
  4. Épreuves des ouvrages Articles 21 à 25

Les principes de calcul

Les instructions comportaient quatre principes fondamentaux importants :

  • la conservation des sections planes: principe de Navier
  • le principe de la proportionnalité des efforts aux déformations
  • la prise en compte d’un coefficient d’équivalence acier-béton : rapport entre les modules de déformation des deux matériaux
  • la non-prise en compte de la résistance du béton tendu dans les calculs.

Elles supposaient que les modules de déformation du béton et de l’acier étaient constants.

Le principe de justification du béton armé est basé sur la notion de contraintes admissibles de compression pour le béton et de traction pour les armatures sous l’effet des charges que l’ouvrage doit supporter.

Il s’agit de vérifier que les contraintes restent inférieures à des valeurs admissibles qui sont des fractions (grâce à des coefficients de sécurité) de la résistance à la compression du béton et de la limite d’élasticité de l’acier.

Nota : la justification aux contraintes admissibles a été utilisée jusqu’à la fin des années 1960 et l’introduction des états limites. Elle est toujours utilisée dans les normes actuelles pour la vérification aux états limites de service.

La contrainte admissible du béton (appelée limite de fatigue à la compression) est fixée à vingt-huit centièmes de la résistance à 90 jours mesurée sur cube de vingt centimètres de côté.

Nota : La circulaire précise que l’on peut obtenir avec des dosages respectivement de 300, 350 et 400 kilos des résistances à 90 jours de 160, 180 et 200 kilos.

La circulaire commente ces valeurs de limite de fatigue en précisant que

«Les ingénieurs de l’Etat ne sont pas tenus d’aller jusqu’à l’extrême limite que leur permet le règlement; ils peuvent se tenir au-dessous. Ils doivent d’ailleurs se rappeler que la sécurité d’un ouvrage en béton armé n’est assurée, quelles que soient les limites de fatigue adoptées dans les calculs , que par la perfection des matériaux employés , leur dosage mathématique et le soin apporté dans leur emploi ».

Quand le béton est fretté ou lorsque les armatures transversales ou obliques sont disposées pour s’opposer au gonflement du béton sous les efforts de compression, la limite de fatigue du béton peut être majorée jusqu’à soixante centième de la résistance à l’écrasement du béton (article 5).

La limite de fatigue au cisaillement est limitée à dix centièmes des contraintes admissibles en compression (article 6).

La limite de fatigue prise en compte pour les armatures en acier est la moitié de la limite apparente d’élasticité (article 7) (soit environ 12 kg/mm2).

Les armatures ne sont pas prises en compte pour la résistance à l’effort tranchant.

La circulaire recommande de prendre un coefficient d’équivalence béton-acier compris entre 8 et 15 suivant les dispositions des armatures (diamètre et espacement ) et la plus ou moins grande facilité de mise en œuvre du béton (article 10).

L’exécution des travaux

Les articles 14 à 20 concernent l’exécution des travaux.

La circulaire précise « que le béton armé ne vaut que par la perfection de son exécution. Les accidents survenus sont généralement dus à la médiocre qualité des matériaux ou à leur mauvais emploi ».

Ces articles précisent l’importance de la rigidité des coffrages, du respect de la distance entre les armatures et des valeurs d’enrobage.

Ils donnent des conseils pour les reprises de bétonnage, le travail «en temps de gelée» et pour le décoffrage.

Pour assurer la prise dans les bonnes conditions, le béton doit rester humidifié pendant quinze jours au moins après son exécution.

 



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