Quel plaisir de retrouver à Nice une des dernières réalisations de l’Agence CAB qui signe une nouvelle fois une œuvre attentive aux détails et inscrite dans son territoire.
Tout a commencé lorsqu’il a été envisagé de réaliser sur le parking aux carcasses abandonnées non pas une école de danse comme cela était prévu, mais un futsal – pour faire du football en salle–. Un concours a été lancé, au programme un peu flou et ambigu : le futsal pouvant éventuellement muter en grande salle multisport en cours d’études », expliquent les architectes. De cette ambiguïté, ils en ont tiré le point fort du projet, la plus-value qui leur a permis de remporter le concours : proposer, en complément du programme de la salle de futsal, un terrain multisport sur le toit.
Etre généreux dans les usages, par l’intelligence de la prise de site, c’est une nouvelle fois une des caractéristiques du travail des concepteurs qui s’étaient vus salués par la critique architecturale nationale en 2012 en recevant le Prix de l’Équerre d’argent avec la crèche de La Trinité (06), Construction Moderne n° 139.
Confins
Le terrain est étonnant : un parking abandonné à « l’Ariane », quartier situé à l’extrémité est de Nice. Il paraît que c’est tout dire, ici. Le quartier est difficile et bénéficie d’une opération de renouvellement urbain dans le cadre de l’ANRU. Le site profite cependant d’une localisation privilégiée en proue sur les rives du Paillon. Le fleuve de Nice, qui, asséché en été, a bien du mal à rivaliser avec la Grande Bleue.
Cette place de choix, les architectes ont souhaité la révéler. Pour ce faire, ils ont placé l’équipement perpendiculairement à la berge, côté fleuve, mais aussi, ce faisant, à l’avenue, côté ville. Ainsi, l’équipement se pose en lien entre la ville, le boulevard et le fleuve, comme un pont mais avant la rivière ! Ce parti pris s’est alors forgé dans le travail de coupe du projet, en cherchant à implanter le sol de la salle non pas au niveau altimétrique du boulevard mais au niveau de la cote minimale du plan de protection des risques d’inondation (PPRI) pour être au plus près de l’eau.
Au final, la salle est semi-enterrée et s’ouvre sur le fleuve, laissant aux joueurs l’occasion inédite de découvrir le Paillon, sa couleur grise, son courant et ses alluvions. Réalisée en béton coulé en place et laissé brut de décoffrage, sa couleur grise entre en résonance avec celle du fleuve, mais aussi des ouvrages fluviaux voisins.
Transversalité
Sur l’aire de jeu, on échappe à la ville, on est là dans un autre « espace-temps », le temps du sport, du corps et de l’eau, élément naturel. À l’est, le terrain s’ouvre en point bas, en terrasse sur le fleuve.
Marquée par un large porte-à-faux, l’entrée se trouve au niveau du boulevard, en mezzanine au-dessus du terrain de jeu. Depuis le parvis, et au travers d’une façade vitrée, on voit les joueurs en contrebas, puis plus loin le Paillon. Cette vision plongeante et traversante est particulièrement agréable. Comme si les joueurs et le fleuve participaient à la vie du quartier.
« Cette implantation perpendiculaire au fleuve et au boulevard appelle à la transversalité du regard et offre la possibilité de laisser glisser le regard de la ville vers le fleuve, puis du fleuve aux collines lointaines », poursuivent les concepteurs. « C’est une perspective inédite à Nice où les infrastructures ont engendré des points de vue plutôt en “ corridor ”.
À l’intérieur, l’organisation est particulièrement claire. La salle de futsal s’implante perpendiculairement au boulevard, on y accède en mezzanine et latéralement avec, d’un côté, les tribunes de 160 places assises, alors que de l’autre, se succèdent les différents bureaux des associations. L’accès au terrain de sport et aux vestiaires en contrebas est organisé en limite sud dans un noyau de circulations verticales. Celles-ci forment un ensemble monumental où l’on se voit entre les niveaux : en bas, les sportifs qui vont vers les vestiaires ; en haut, ceux qui vont sur le toit ; au centre, les locaux techniques, avec la sous-station et les centrales de traitement d’air.
Béton monomatière
Le béton est apparent aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le bâtiment est réalisé en double voile coulé en place avec isolation intégrée. La forte inertie thermique du béton, couplée à une parfaite protection des baies du parvis comme de la terrasse par les débords des porte-à-faux, assure une ambiance hygrothermique intérieure particulièrement agréable. Il est possible de ventiler naturellement la salle lors des chaudes journées d’été et de la rafraîchir la nuit. Les façades vitrées sur le boulevard sont équipées d’oscillo-battants motorisés, la façade sur fleuve, d’ouvrants à la française. La mise en place des brise-soleil en caillebotis métallique assure l’anti-intrusion permettant de laisser les baies ouvertes la nuit. Au-delà de cet aspect bioclimatique, le matériau béton est également pour les concepteurs « la ressource locale ». Créé à partir des granulats du fleuve, il entre en résonance de par sa couleur avec la rivière et vient d’une centrale toute proche.
Cette monomatière est apaisante et pérenne, c’est aujourd’hui notre pierre et celle que connaissent le mieux les jeunes de l’Ariane.
À l’extérieur, le bâtiment est caractérisé par ses deux importants porte-à-faux de 5 m qui protègent le parvis côté boulevard et la terrasse côté fleuve. Lisse à l’extérieur, le matériau est tramé à l’intérieur. Tout le bâtiment est calé sur une trame de 1,80 m qui correspond également à la taille des banches utilisées. À l’intérieur, l’ambiance est rythmée par la succession de poutres précontraintes préfabriquées de 25 m de long qui soutiennent la toiture. Elles reposent de part et d’autre sur des poutres-voiles. Des négatifs y ont été mis en œuvre pour reprendre le rythme des poutres et donner à lire un ensemble de portiques.
Il y a quelque chose d’antique dans cette régularité et cette massivité : comme si un « petit temple du sport » avait pris place sur la rive du fleuve.
Un terrain multisport sur le toit
Sur le toit, le terrain multisport peut être accessible indépendamment des horaires d’ouverture de la salle. L’ambiance y est différente, la position dominante par rapport à la rue engendre une situation atypique. Le péristyle en béton coulé en place est surprenant par la finesse de son ossature. Celui-ci a été obtenu par la mise en place de mannequins dans les coffrages, ce qui a permis de dessiner cette fine ossature qui cadre l’aire de jeu extérieure. Pas de garde-corps, ici, mais une maille simple torsion tendue entre l’ossature en béton qui permet de retenir les ballons et de garantir la sécurité des personnes tout en laissant la sensation de se tenir debout face à la ville, au fleuve et à la colline. Cette mise en situation est étonnante.
On est bien à « l’Ariane » avec ses hauts immeubles et, cependant, ce point de vue surélevé produit une mutation du regard qui permet d’embrasser la totalité de la skyline et prouve que cette ville-là peut aussi être belle.
Reportage photos : Aldo AMORETTI
Maître d’ouvrage : ville de Nice – Maître d’œuvre : CAB Architectes – Calori, Azimi, Botineau – Giancarlo Ranalli et Marine Cangione, chefs de projet – Entreprise gros œuvre : Léon Grosse – Surface : 1 419 m2 SDP et 1 000 m2 de terrain sur le toit – Coût : 3,56 M€ HT – Programme : complexe sportif de quartier comprenant aire de jeu couverte de Futsal, gradins 160 places, bureaux associatifs, vestiaires, infirmerie, terrain-multisport extérieur.