Dans des conditions normales, les armatures en acier enrobées d’un béton compact et non fissuré sont protégées naturellement des risques de corrosion par un phénomène de passivation qui résulte de la création, à la surface de l’acier, d’une pellicule protectrice.
Corrosion des armatures dans le béton
Cette pellicule protectrice Fe2O3CaO (dite de passivation) est formée par l’action de la chaux, libérée par les silicates de calcium sur l’oxyde de fer. La présence de chaux maintient la basicité du milieu entourant les armatures : l’hydratation du ciment produit une solution interstitielle basique de pH élevé (12 à 13), et les armatures sont protégées tant qu’elles se trouvent dans un milieu présentant un pH compris entre 9 et 13,5.
Deux principaux phénomènes peuvent, dans certaines conditions, détruire cette protection et initier la corrosion des armatures en acier :
- la carbonatation du béton d’enrobage par l’adsorption du gaz carbonique contenu dans l’atmosphère
Le milieu basique se trouve progressivement modifié par la neutralisation de l’alcalinité du ciment pour atteindre un pH de l’ordre de 9, n’assurant plus la protection des armatures et entraînant une dépassivation de l’acier (destruction de la couche de passivation), ce qui développe la réaction d’oxydation à la surface des armatures.
- la pénétration des ions chlorures jusqu’au niveau des armatures.
La plus ou moins grande rapidité d’action est fonction de l’humidité ambiante, de la porosité du béton et de la présence de fissures qui favorisent la diffusion des gaz ou des liquides agressifs.
La corrosion des armatures s’amorce dès que la teneur en chlorures au niveau des armatures atteint un seuil de dépassivation, fonction du pH de la solution interstitielle et de la teneur en oxygène au niveau des armatures. Il est de l’ordre de 0,4 % par rapport au poids du ciment et sera atteint plus rapidement si le béton est carbonaté.
Effets de la corrosion
Le développement de la corrosion des armatures peut provoquer, par gonflement, une poussée au vide sur le béton d’enrobage ; les oxydes de fer étant plus volumineux que l’acier, ils génèrent des contraintes internes dans le béton qui peuvent être supérieures à sa résistance en traction.
Il y aura donc une altération de l’aspect extérieur de l’ouvrage (éclatements localisés, formation de fissures, d’épaufrures, apparition en surface de traces de rouille, et éventuellement mise à nu de l’armature) ainsi qu'une réduction de la section efficace de l’armature et de son adhérence au béton.
En règle générale, dans des milieux peu agressifs, les enrobages et les caractéristiques des bétons (compacité, homogénéité, résistance) préconisés sont suffisants pour garantir la protection naturelle des aciers durant la durée de vie escomptée de l’ouvrage.
Toutefois, des défauts d’enrobage, des bétons mal vibrés et de ce fait trop poreux, ou des milieux très agressifs risquent de conduire à la dégradation prématurée de l’armature acier.
Couche de passivation des inox
La fabrication d’un métal ou d’un alliage s’accompagne toujours de la formation spontanée d’un oxyde en surface du produit, au contact de l’eau ou de l’air humide. Ainsi le fer et l’acier forment de la rouille, l’aluminium de l’alumine, le cuivre du vert-de-gris.
Les inox produisent en surface un oxyde très fin, composé d’oxydes et d’hydroxydes de chrome de quelques ångströms d’épaisseur. Cet oxyde, couramment appelé couche passive, protège l’inox des agressions extérieures et lui confère cette propriété appelée l’inoxydabilité, garante de la résistance à la corrosion de ces alliages.
La couche passive fait intrinsèquement partie du matériau, contrairement au zinc déposé par galvanisation sur les aciers, ce qui explique que l’inox présente des avantages essentiels.
- La stabilité : une fois formée, cette couche est parfaitement stable puisque son épaisseur reste constante ;
- l’imperméabilité : la couche passive bloque tout échange entre le métal et l’extérieur ; en cas d’incident sur le matériau (éraflure, découpe, choc, perçage, déformation...), elle se reforme spontanément. Cette auto-restructuration est aussi appelée « repassivation » ;
- l’inertie : au fil du temps, l’aspect de l’inox ne change pas puisque la couche passive est invisible à l’œil nu, à la différence du cuivre, par exemple, sur lequel il se forme une couche verte d’oxydes. La couche passive de l’inox ne se consomme pas, à l’inverse du dépôt de zinc pour les aciers galvanisés qui finit par se dissoudre et ne constitue donc qu’une protection temporaire, puisque sacrificielle. Cette couche passive protège efficacement les inox des agressions du milieu extérieur, et donc de la corrosion.
Cependant, dans certaines conditions, certains éléments tels les chlorures déstabilisent localement la couche passive, suivant leur concentration, la température du milieu et la nuance de l’inox.
Il existe des inox adaptés à toutes les conditions environnementales ; les éléments d’alliages permettent d’orienter le choix de la nuance la plus pertinente en fonction du type d’agression potentielle.
Résistance à la corrosion dans le béton
Lorsqu’il y a corrosion sur les armatures en acier au carbone, celle-ci est principalement de type corrosion par piqûres.
De par la remarquable stabilité de leur couche passive, les armatures inox présentent une excellente résistance à ce type de dégradation : elles sont donc particulièrement adaptées pour des milieux très chargés en chlorures.
Cette résistance a été démontrée par de nombreux chercheurs de différents pays. On ne peut résoudre ce problème par une exposition réelle, dont les résultats ne seraient obtenus qu’au bout de plusieurs dizaines d’années ; il faut évaluer « rapidement » les performances du matériau. Des tests électrochimiques de corrosion accélérée ont donc été mis au point, qui permettent de se placer dans des conditions artificielles favorisant l’apparition rapide de la corrosion.
Sans détailler les mécanismes, il apparaît clairement que, dans ce milieu « sévère », la différence de comportement entre l’acier (potentiel de piqûres fortement négatif - 500 mV/ECS*) et l’inox (potentiel de piqûres positif compris entre + 150 à + 700 mV/ECS suivant les nuances) est considérable.
* ECS : électrode au calomel saturée (électrode de référence pour le test électrochimique).
Le phénomène de corrosion galvanique
L’acier inox et l’acier au carbone peuvent être en contact électrique, ce qui pourrait conduire à des risques de corrosion galvanique, bien que le béton ne soit pas fortement conducteur.
Aussi longtemps que les deux matériaux sont dans un état passif (de non-corrosion), les potentiels pris par les deux matériaux sont peu différents dans les milieux alcalins : la différence de potentiel de la « pile » ainsi formée est très faible, et il n’y a pas assez d’énergie pour créer un courant de corrosion. Les deux matériaux peuvent ainsi être couplés dans un ouvrage neuf : l’inox dans des zones à risque d’infiltration de chlorures dans le béton et l’acier au carbone dans des zones plus protégées des agressions extérieures.
Mais dans le cas où l’acier au carbone se corrode et où l’inox reste passif, il y a alors une vitesse de corrosion due au couplage galvanique entre les deux matériaux.
Pour déterminer ce courant galvanique, des expériences ont été réalisées avec des éprouvettes de béton (rapport eau/ciment = 0,5), contenant par exemple cinq barres en acier au carbone et deux barres plus courtes en inox de nuance 316. Après un mois de « prise » du béton, les éprouvettes sont placées dans un test cyclique : deux jours dans une solution de NaCl 165 g/l (3M) + Ca(OH)2 et cinq jours de séchage à l’air.
La principale tendance constatée : le courant de corrosion mesuré est quinze fois plus faible quand on considère l’ouvrage mixte réparé (acier carbone qui se corrode – inox), par rapport à l’ouvrage de référence entièrement composé d’acier au carbone.
Le risque de corrosion galvanique, accélératrice de la corrosion de l’acier au carbone en présence d’inox, est donc particulièrement faible.
Il m'a été utile.
Merci