À quelques centaines de mètre de Paris, l’agence Daquin & Ferrière signe une opération de logements à la fois plastique et fonctionnelle, inscrite dans un nouveau quartier résidentiel.
La Zac Lénine, créée sur la commune de Gentilly, participe au réaménagement global de sa partie ouest. Située à la croisée de différents territoires urbains, en limite de Montrouge et à deux pas du boulevard périphérique parisien, elle est également à la croisée des chemins. Sise d’une part le long de la promenade publique aménagée sur l’aqueduc enterré de la Vanne, elle est traversée, d’autre part, par un nouvel axe fort est-ouest, le mail Lénine, créé pour désenclaver cette partie de la commune et la relier au centre-ville. La parcelle allouée aux logements sociaux conçus par l’agence Daquin & Ferrière Architecture occupe un emplacement stratégique dans cette Zac. Implantée à l’articulation entre le mail Lénine et la promenade de l’aqueduc, un axe « vert » nord-sud représentant un des éléments majeurs du projet de l’ORU (opération de renouvellement urbain), elle tient lieu, en quelque sorte, de vitrine. Faisant office de signal, elle annonce aux passants les caractéristiques de cette Zac misant sur la diversité des habitats, une échelle humaine et des espaces verts de qualité. Le projet se devait donc d’être qualitatif et d’offrir au quartier une image architecturale à la fois forte et en harmonie avec le nouveau paysage urbain progressivement mis en place.
L’intelligence de l’échelle
La volumétrie globale définie dans le plan directeur de la Zac prévoyait, pour ce lot, quatre bâtiments disposés autour d’un jardin central – une implantation permettant de conserver une échelle juste et une transparence vers la coulée verte. Lors du concours lancé par la société Opaly, maître d’ouvrage de l’opération, l’agence Daquin & Ferrière s’est associée à l’agence A+, proposant que chacune assure la conception de deux bâtiments sur les quatre. Cette initiative a séduit le maître d’ouvrage, l’argument étant d’offrir une plus grande diversité architecturale et de respecter ainsi au mieux l’échelle et les objectifs de la Zac. Ainsi, même si elle en a assuré la coordination générale, sur les 121 logements de ce lot, l’agence Daquin & Ferrière n’en a conçu et réalisé que la moitié, soit 60, répartis dans les deux volumes qui longent la promenade. Pour exploiter et profiter pleinement de cette situation privilégiée, les architectes ont soigné tout autant le design que la fonctionnalité de leur création, en dessinant un bel objet. La façade ouest, côté coulée verte, en est l’emblème.
Elle affiche une géométrie en décalage avec les codes classiques de l’habitat, légèrement pliée et constituée de matériaux contrastés et de qualité. Cette volumétrie particulière n’est pas un jeu. Elle sert la fonction. Les pliures et décalages des différents volumes et niveaux facilitent la multiplication des orientations par logement, améliorent les vues proposées ou diminuent les vis-à-vis.
Des espaces en plus
Outre ce confort en termes de vues, tous les logements disposent d’au moins deux orientations, afin de profiter au mieux de l’apport solaire et d’une belle qualité de lumière. Ils bénéficient également de beaux espaces extérieurs, loggias ou grands balcons, offrant aux locataires de généreuses surfaces supplémentaires à exploiter. Un dispositif intéressant mais classique. Ce qui l’est moins, ce sont les boîtes en polycarbonate semi-transparent qui caractérisent la façade ouest et signent son originalité – façade qui se retourne côté sud pour inviter à emprunter le mail Lénine. Chacun de ces espaces intégrés aux balcons est mis à disposition de presque tous les locataires. Cet espace appropriable et multifonction reproduit le principe de la cabane au fond du jardin. Un vrai plus. Non chauffés mais clos, ces petits volumes sont ventilés naturellement par le biais d’une lame en métal orientable. Leurs parois en polycarbonate ont l’avantage d’être isolantes, mais aussi de créer un filtre visuel sans diminuer l’apport de lumière. La création de ces boîtes/cabanes s’inscrit dans une réflexion plus large menée par l’agence Daquin & Ferrière sur les usages en matière de logement et l’intégration de surfaces supplémentaires qui enrichissent les fonctions premières et essentielles d’un logement – ici, le prolongement du dedans vers un dehors généreux associé à un entre-deux, la cabane.
Jeu de matières
La nuit venue, lorsque balcons et boîtes s’illuminent, le bâtiment prend des allures de lanterne géante à l’échelle de la ville. Et si le polycarbonate de ces boîtes prend une place importante visuellement, le béton pose et s’impose. Structure et façades sont entièrement réalisées en béton. Classique dans sa composition, c’est sur sa texture que les architectes ont joué pour souligner l’ordonnancement et enrichir la modénature. Pour Olivier Ferrière, « l’intérêt du béton réside bien sûr dans ses vertus structurelles, sa très bonne tenue au feu, mais également dans les effets de matières remarquables et innovants qu’il permet ». Même si, pour ce projet, les moules et motifs déclinés ne sont pas sur mesure, la plasticité du matériau a été exploitées. Le règlement de la Zac imposait un socle aux bâtiments. Il est ici sur deux niveaux (RDC et R+1), symbolisé par un béton matricé. À l’origine, les portions de façade donnant sur les balcons devaient être habillées de bois, au même titre que le sol et la sous-face des balcons afin de créer un espace chaleureux et harmonieux. Au final, cette solution est abandonnée sur le plus grand des bâtiments au profit d’un béton matricé aspect bois pour des raisons de sécurité incendie. Le résultat est probant, voire à s’y méprendre. Le béton texturé fonctionne parfaitement avec le sol et les sous-faces des balcons, recouverts respectivement de pin du Nord et de lames de mélèze non jointives dont les joints creux correspondent à ceux du béton matricé.
Le souci du détail
Plus globalement, on peut souligner le soin apporté aux détails d’exécution et le niveau de finition du bâtiment. Car si la qualité plastique de la volumétrie s’avère indéniable, celle des éléments de finition l’est tout autant : luminaires extérieurs encastrés en sous-face de balcon, portes intérieures pleines en bois, calepinage au millimètre, etc. Et cela vaut également pour les ouvrages en béton. Si la structure entièrement coulée en place, de type voiles porteurs et dalles, ne présentait pas de difficulté particulière, les façades, également porteuses, ont, par contre, nécessité deux procédés de mise en œuvre. Simplement coulées en place lorsque leur aspect de surface devait être lisse, les façades sont constituées de murs à coffrage intégré classiques, pour les parties dessinées en béton matricé, afin que ce dernier soit parfaitement réalisé. Hormis les panneaux aspect bois, les autres surfaces en béton sont recouvertes d’une lasure teintée « onyx » à 75 % sur régulateur de fond. Son aspect satiné met particulièrement en valeur le béton matricé du socle, en accentuant son relief.
Prise en compte environnementale
La ZAC Lénine s’inscrivant dans une démarche de développement durable, les bâtiments devaient obtenir le certificat « Habitat & Environnement, profil A, BBC Effinergie », lequel n’implique pas, d’un point de vue thermique, un dispositif isolant plus performant que celui imposé par la RT 2012 indice B. Cela dit, l’opération présente quelques points spécifiques à mettre en avant, notamment au niveau de la conception. Les volumes des bâtiments sont rigoureusement compacts, sans décroché – leur relief étant apporté par les légers pliages des balcons et les volumes des cabanes en polycarbonate.
Cette configuration et la prise en compte judicieuse des orientations ont permis de ne miser que sur une isolation intérieure et la mise en place de rupteurs de pont thermique, implantés à chaque niveau sur la périphérie des deux bâtiments, excepté façade ouest au droit des balcons et ce pour des raisons structurelles, certains porte-à-faux pouvant atteindre 2,5 m. En termes de manteau isolant, s’y ajoutent les toitures-terrasses végétalisées permettant également de retenir partiellement les eaux pluviales. Enfin, en matière de gestion de l’énergie, les bâtiments sont raccordés au réseau de chauffage urbain alimenté par une centrale géothermique. Cette opération de logements est remarquable en matière d’insertion urbaine, de qualités architecturale et d’usage.
Reportage photos : Hervé ABBADIE
Maître d’ouvrage : Opaly (Office public de l’habitat Arcueil-Gentilly) – Maître d’œuvre : Daquin et Ferrière Architecture ; Frédéric Herlaut, chef de projet – BET : EPDC – Entreprise générale : Eiffage Construction – Préfabricant murs à coffrage intégré : FEHR Technologies – Surface : 4 100 m2 SHAB – Coût : 8 M€ HT – Programme : 60 logements locatifs sociaux.