Depuis qu’il a créé son agence en 1999 à Lyon, Pierre Minassian consacre de façon régulière une partie de son travail d’architecte à la conception et à la réalisation de maisons individuelles. Il a signé, au cours des dernières années, plusieurs maisons contemporaines remarquées qui ont fait l’objet de nombreuses publications. 

L’ensemble cuisine/salle à manger/séjour s’organise dans la continuité horizontale de l’espace intérieur du rez-dechaussée
L’ensemble cuisine/salle à manger/séjour s’organise dans la continuité horizontale de l’espace intérieur du rez-dechaussée
Accompagné par le plan vertical de la cheminée et le mouvement ascensionnel de l’escalier, l’espace double hauteur est à l’articulation entre les deux volumes.

Lorsqu’ils achètent un terrain sur la rive française du lac Léman, les propriétaires, un couple avec deux enfants, souhaitent remplacer l’habitation existante par une maison moderne correspondant à leur goût et à leur mode de vie. La parcelle se présente sous la forme d’un rectangle allongé, dont l’un des petits côtés donne au sud sur la rue, tandis que l’autre orienté au nord vient jusqu’au bord du lac Léman. La pente naturelle du sol descend de la rue jusqu’au lac. Après quelques consultations infructueuses, les propriétaires prennent contact avec Pierre Minassian dont ils ont découvert le travail. Les premières esquisses proposées par l’architecte sont rapidement approuvées et se concrétisent par la commande du projet dans le courant de l’année 2012. 

« Lors de nos premiers échanges, le client me précise que la vue sur le lac depuis le haut de la parcelle et depuis la rue ne doit pas être occultée par la maison. Je choisis donc de positionner la maison en contrebas de la parcelle, au plus près de la rive du lac, dans le respect des règles du PLU. En disposant ainsi la maison sur la parcelle, mon objectif est de créer une communication directe entre les volumes bâtis et le paysage. À partir de cela, le volume général de la maison résulte de l’assemblage de deux boîtes aux lignes très épurées », précise l’architecte.

Accompagné par le plan vertical de la cheminée et le mouvement ascensionnel de l’escalier, l’espace double hauteur est à l’articulation entre les deux volumes.
Accompagné par le plan vertical de la cheminée et le mouvement ascensionnel de l’escalier, l’espace double hauteur est à l’articulation entre les deux volumes.

Depuis l’entrée sur le terrain ou la zone de stationnement, l’articulation du volume général, la transparence du rez-de-chaussée et l’allée en pente douce en béton désactivé invitent à avancer, vers l’angle formé par les deux ailes. L’inflexion diagonale du mur en béton de la façade ouest au rez-de-chaussée indique l’emplacement de la porte. À l’intérieur, l’espace de l’entrée a une hauteur sous plafond de 2,10 m. 

Il vient en podium et donne une vue légèrement plongeante sur l’ensemble cuisine/salle à manger/séjour qui s’organise dans la continuité horizontale de l’espace inté-rieur. En descendant les quelques marches qui conduisent à l’espace de vie commune, celui-ci se développe en double hauteur, au niveau du séjour, accompagné par le plan vertical de la cheminée et le mouvement ascensionnel de l’escalier. Ce vide double hauteur est à l’articulation entre les deux volumes. Trois verrières allongées l’agrémentent d’une lumière zénithale qui attire l’œil vers le haut. La passerelle, qui relie la chambre des parents et celle des enfants, vient ponctuer et animer le vide, tout en offrant à l’étage une promenade en lévitation dans l’espace. « Dès l’entrée, j’ai voulu faire ressentir la spatialité de la maison en jouant sur le contraste et l’enchaînement de la perception horizontale et verticale de l’espace. Quand on s’approche de la maison, on ne perçoit pas tout l’espace intérieur. 

Dans l’entrée, on découvre l’ouverture et la continuité des pièces de vie commune. Mais le plafond assez bas ne permet pas de ressentir la dilatation verticale de la double hauteur que l’on perçoit dès que l’on descend les marches », souligne l’architecte. 

Le premier étage s’élance en direction du lac par un généreux porte-à-faux
Le premier étage s’élance en direction du lac par un généreux porte-à-faux
L’inflexion diagonale du mur en béton de la façade ouest au rezde-chaussée  indique l’emplacement de la porte d’entrée.
L’inflexion diagonale du mur en béton de la façade ouest au rezde-chaussée indique l’emplacement de la porte d’entrée.

Béton et lignes pures

La fluidité, l’ouverture et la transparence de l’espace intérieur sont servies par le fait que les éléments porteurs ne sont pas visibles. Dans la partie salle à manger, et seul un poteau circulaire manifeste les forces en jeu dans la structure. Il donne le sentiment que la maison est portée par un seul poteau. La maison est entièrement réalisée en béton brut coulé en place pour l’enveloppe ainsi que pour les voiles et dalles de la structure. Il est laissé apparent en façade, ainsi qu’à l’intérieur au niveau de certaines parois verticales et du plafond du rez-de-chaussée. Pour le porte-à- faux de l’étage, les deux façades latérales du volume constituent des poutres-voiles. Celle orientée à l’ouest est, au niveau du séjour, uniquement portée par le poteau circulaire, qui reprend aussi une partie des charges de la dalle de toiture du volume transversal. 

La résistance du béton armé, sa capacité de franchissement et la continuité de sa matière fabriquent une structure simple dans son apparence et sophistiquée dans sa conception, qui exprime les lignes pures et la fluidité spatiale de l’architecture imaginée par Pierre Minassian. 

Une attention particulière a été portée à la suppression des ponts thermiques. Le principe général consiste à créer une rupture entre les éléments en béton en créant un vide de 10 cm qui est rempli avec un isolant. Ce principe général est adapté aux différents cas de figure qui se présentent dans la maison. Ainsi par exemple, dans le volume en rez-de-chaussée, au sol comme en toiture, la rupture de pont thermique se fait au niveau des menuiseries des baies vitrées. En toiture, la partie en auvent est reliée à la dalle principale par des bandes noyées ponctuelles, qui assurent la continuité structurelle. La toiture est isolée par l’extérieur avec un système de panneaux isolants minces extrêmement performant.

Cette maison bien que très vitrée est performante d’un point de vue énergétique et répond à la RT 2012. Elle est chauffée grâce à une pompe à chaleur et dispose d’une ventilation double flux. La grande façade vitrée au sud permet un apport calorifique nécessaire en hiver et les grands débords de toiture protègent des risques de surchauffe en été. Le moucharabieh du premier étage à l’ouest permet de réguler les apports calorifiques du soleil en fin de journée. 

Le premier étage s’élance en direction du lac par un généreux porte-à-faux
Le premier étage s’élance en direction du lac par un généreux porte-à-faux

Articulation des volumes

Le programme nécessitait de concevoir une maison avec un étage. Au lieu de superposer les étages, Pierre Minassian choisit de travailler sur leur décalage. Le volume à hauteur de rez-de-chaussée se présente comme un parallélépipède rectangle allongé positionné transversalement dans la parcelle et faisant face au lac. Dans une géométrie identique, l’autre volume à R+1 se développe perpendiculairement au premier dans le grand axe de la parcelle et longe la limite séparative est du terrain en respectant la marge de reculement imposée par le règlement d’urbanisme. Le premier étage s’élance en direction du lac par un généreux porte-à-faux. En plan masse, l’ensemble dessine une figure en T dissymétrique. 

Afin que la maison cache le moins possible la vue sur le lac, comme cela était demandé, le rez-de-chaussée est encaissé dans le terrain sur 1 m de profondeur. 

Les façades nord et sud du volume qui fait face au lac sont entièrement vitrées, ce qui lui confère une grande transparence. « De l’extérieur, depuis la rue, la maison apparaît plus petite qu’elle ne l’est en réalité. Elle est aussi tout en transparence. Ainsi, dès que l’on pénètre sur la propriété, le regard ne rencontre presque pas d’obstacles et il est possible d’apercevoir la rive opposée du lac pourtant assez éloignée », observe Pierre Minassian. Les pièces de vie commune et de réception, comme la cuisine, la salle à manger et le séjour, sont regroupées au rez-de-chaussée. 

Elles sont largement ouvertes les unes sur les autres, dans un espace fluide et généreux qui profite des vues offertes par les vastes baies vitrées, sur le lac au nord ou le jardin au sud. Un bureau prend place à l’extrémité ouest. Une chambre d’amis est aménagée dans la partie sud, avec vue sur le jardin. L’étage est réservé aux trois chambres et leurs salles de bains. Celle des parents se situe au niveau du porte-à-faux. Elle occupe une position exceptionnelle en balcon sur le site et sur le panorama du lac Léman et des monts du Jura. Les deux chambres des enfants et leur salle de jeux sont à l’autre extrémité. L’espace des parents et celui des enfants sont séparés par le vide double hauteur et reliés entre eux par une passerelle. 

Le volume général de la maison résulte de l’assemblage de deux boîtes aux lignes très épurées.
Le volume général de la maison résulte de l’assemblage de deux boîtes aux lignes très épurées.

Reportage photos : Érick SAILLET

Maître d’ouvrage : privé – Maître d’œuvre : AU*M architectes urbanistes, Pierre Minassian, architecte – BET : ASEIS – Entreprise gros œuvre : Duron – Surface : 350 m2 SHON – Coût : non communiqué – Programme : espace séjour, salle à manger, cuisine, 1 bureau, 1 chambre parents avec salle de bains et WC, 2 chambres enfants, 1 chambre d’amis. 



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