Les récifs artificiels sont mis en place pour créer des espaces de vie pour la biodiversité et apporter une plus-value écologique au milieu marin.
De très nombreux récifs artificiels installés depuis plusieurs décennies démontrent la capacité de ces aménagements à favoriser l’épanouissement de la biodiversité marine.
Mais il reste encore de nombreux développements à imaginer pour exploiter tout le potentiel de ces aménagements.
La mise au point d’un béton et d’un récif artificiel requiert des expertises croisées des différents acteurs du monde du béton et ceux de la biologie et du Génie écologique afin de trouver la solution la mieux appropriée pour répondre aux contraintes multiples: résistance structurelle, durabilité et fonctionnalité écologique et technique.
L’amélioration de la fonctionnalité écologique ne peut être obtenue au détriment des performances mécaniques requises pour l’ouvrage ainsi que sa durabilité dans un environnement marin particulièrement agressif. Le béton idéal doit donc combiner attractivité écologique, résistance mécanique et durabilité
Les recherches en cours : un large spectre d’opportunités
Les recherches en cours, visent à concilier une conception adaptée des ouvrages et une optimisation de la préservation de la biodiversité avec un souci bien évident d’économie, pour satisfaire des exigences techniques (résistance, durabilité) et environnementales (support de biodiversité) et créer des habitats encore plus performants et plus vertueux.
Elles visent à:
- optimiser la conception et la réalisation des récifs artificiels,
- améliorer la fonctionnalité écologique des récifs,
- maîtriser les interactions entre le récif et son environnement.
Les pistes de recherches sont menées selon cinq axes principaux :
- amélioration du design et des formes (dimensions et géométries) des récifs, détermination des implantations idéales des récifs, l’assemblage et l’imbrication des éléments entre eux et la conception globale de l’aménagement en fonction du site et des espèces de poissons ciblées, afin d’accueillir de manière optimale une grande variété d’espèces ;
- étude de l’interface entre le récif et le milieu environnant afin d’optimiser les propriétés physiques et physico-chimiques de la texture et de l’état de surface et de la macroporosité des bétons ;
- amélioration de la colonisation biologique sur les récifs artificiels en optimisant le processus de formation du biofilm à la surface du béton et la création d’un substrat favorable à la colonisation ;
- optimisation de la formulation des bétons avec utilisation par exemple de constituants biosourcés et développement de bétons propices au développement de la vie marine (Béton Biogène) ;
- développement de nouvelles techniques de réalisation des récifs avec par exemple l’utilisation de l’impression 3D pour créer des formes nouvelles.
Le suivi des aménagements déjà installés permettent de mieux comprendre les mécanismes de colonisation, les états de colonisation des structures et en particulier l’interaction béton-eau de mer-organismes vivants pendant les premières semaines après la mise en eau des récifs.
D’autres recherches sont consacrées à l’analyse de l’influence des récifs artificiels sur le milieu aquatique et sur la fréquentation des poissons et les types de poissons concernés.
Évolution de la formulation du béton
Diverses recherches sont menées actuellement pour adapter la formulation et la composition des bétons destinés à la fabrication de récifs artificiels.
Elles visent à mieux comprendre les paramètres qui ont une influence sur la colonisation du support en béton et améliorer et accélérer le phénomène.
Parmi ces sujets de recherches on peut mentionner :
- l’analyse de l’incidence du pH du béton sur la colonisation : le processus de colonisation est influencé par la valeur du pH à la surface du béton ;
- le développement de bétons à forte porosité ou forte rugosité ;
- le développement de bétons à base de matériaux coquilliers concassés ;
- l’analyse de la composition du béton, en particulier en fonction de la nature des granulats : siliceux ou calcaire.
Optimisation de la texture de surface du béton
Un béton compact et lisse est peu favorable à la colonisation.
La texture, la macrostructure, la rugosité, la microporosité de surface du béton ont un effet déterminant sur l’accrochage et le développement du biofilm et de la flore
(Les spores et les larves ont besoin d’une certaine rugosité pour se fixer et croître).
La colonisation du support est facilitée par une certaine rugosité et l’aménité chimique entre le support et le biofilm.
Le béton doit présenter un état de surface qui favorise la colonisation biologique selon trois principaux critères :
- rapidité du développement du biofilm en surface,
- quantité de biomasse crée à la surface,
- diversité des espèces qui utilisent le récif.
Les études en cours tentent :
- d’analyser l’influence des caractéristiques de surface du matériau sur la rapidité et l’intensité de la colonisation afin d’optimiser l’état de surface qui permet une colonisation rapide et durable ;
- déterminer le meilleur compromis entre compacité maximale du béton pour assurer sa durabilité, et également une rugosité et une porosité adaptée au développement de la colonisation ;
Des techniques classiques de traitement de surface peuvent être utilisée pour améliorer la macrotexture de surface du béton telles que la désactivation, le brossage, le bouchardage…
L’utilisation de matrice (moule silicone) en fond de coffrage permet de reproduire une diversité de rugosité (rugosité multi-échelle) de l’état de surface imitant des enrochements naturels.
Nota : Le béton permet aussi de réaliser tous types de cavités ou d’anfractuosités.
Valorisation de coquillages
L’école d’ingénieurs de la construction, l’ESITC de Caen s’intéresse à la valorisation de coquilles d’huîtres ou de coquilles Saint jacques en substitution partielle de granulats naturels (gravillons et sables) pour formuler les bétons des récifs artificiels.
Écoconception
La logique d’Écoconception vise à intégrer des objectifs environnementaux et des préoccupations écologiques globales ou locales dans la conception d’un produit.
L’écoconception d’infrastructures maritimes peut se définir comme le fait d’associer à la fonctionnalité technique d’un ouvrage, une seconde fonctionnalité écologique - support de fixation, nurserie, abris pour les poissons à différents stades de leur cycle de vie (larvaire, juvénile, adulte) sans en altérer ses propriétés et ses fonctions initiales.
Elle permet de concevoir des ouvrages qui assurent en plus de leur fonction technique, une fonction environnementale telle que par exemple la préservation de la biodiversité.
Pour les récifs artificiels, les qualités et performances du béton peuvent être adaptées et optimisées par une démarche d’écoconception.
Impression 3D
La technique d’impression 3D à base de béton est en plein développement.
Elle permet de réaliser une grande diversité de formes et de volumes impossibles ou très difficilement réalisables avec les techniques traditionnelles et de créer une
« Complexité architecturale » et de réaliser des parois en béton de très faible épaisseur avec des formes très tortueuses.
Des récifs ont par exemple été réalisés en impression 3D à base de Béton fibré à ultra hautes résistances (BFUP) qui reproduisent un écosystème rocheux parfaitement adapté.
Béton biocolonisable
Des recherches sont en cours :
- pour améliorer la colonisation biologique sur les récifs artificiels en béton : des études de l’influence des caractéristiques et des interactions chimiques entre le matériau et la biomasse et sur la rapidité et l’intensité de la colonisation ;
- pour créer un état de surface biocompatible et rendre les bétons « biogènes » ou bio-attractifs : les caractéristiques physico-chimiques du béton ne doivent pas être répulsives pour certaines espèces de poissons ou de crustacés ;
- favoriser une colonisation et le développement de la biodiversité marine.
Biomimétisme
Cette démarche vise à s’inspirer de la nature, des fonds rocheux naturels, et de l’intelligence du vivant.
Des chercheurs, en particulier à l’École des Mines d’Alès, utilisent le concept de biomimétisme pour concevoir des ouvrages en s’inspirant des formes d’habitats naturels.
L’utilisation d’un coffrage spécifique par exemple permet de recréer l’état de surface d’une roche naturelle avec ses différentes aspérités et anfractuosités.
L’étude du comportement des poissons permettent d’optimiser la géométrie des modules de récifs ainsi que leur orientation et leur positionnement sur les fonds marins.
Dans le cas du projet de l’Office environnemental de la Corse à Ajaccio dans la zone du Ricantu, la démarche d’écoconception a été appliquée pour créer des récifs artificiels à forte valeur ajoutée pour la pêche artisanale locale.