Reconstruction du collège Joséphine-Baker

Inauguré à la rentrée 2023, le collège Joséphine-Baker accueille 600 élèves en plein cœur du 3^e arrondissement de Marseille. L’opération consiste en la démolition du collège Versailles, puis la reconstruction sur le même site d’un bâtiment entièrement neuf pour le remplacer. Le geste politique est fort, l’établissement bien connu des Marseillais est situé dans l’un des quartiers les plus en difficulté de la ville. Pour figurer ce changement le nouvel établissement a été rebaptisé Joséphine-Baker.

En site occupé, le chantier s’est déroulé par phases avec la mise en place de locaux provisoires et la démolition des édifices existants après la réalisation du collège neuf. Pour le maître d’ouvrage, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône, il s’agissait bien d’un dossier prioritaire dans la mesure où l’établissement extrêmement dégradé était également confronté à des difficultés récurrentes de violence et d’incivilité. Financés dans le cadre du « Plan Charlemagne » qui prévoit un engagement de 2,5 milliards d’euros sur la période 2017-2027 en faveur de l’enseignement, les travaux se sont déroulés entre 2019 et juillet 2023. La construction du nouveau collège s’accompagne de la création d’une demi-pension de 450 repas par jour, d’un amphithéâtre, d’un gymnase réhabilité, d’un plateau sportif, de six logements de fonction et d’un parking de 60 places. Cette nouvelle qualité de vie au sein de l’établissement ouvre une nouvelle ère dans son histoire. 

Architecture des contraintes

Le projet s’inscrit dans un site urbain complexe. L’établissement occupe une zone urbaine enclavée, dans un environnement bruyant du fait de la proximité immédiate du viaduc de l’autoroute A7. L’enjeu majeur pour Olivier Brouwez, l’un des deux associés de l’agence aixoise Panorama Architecture, était de parvenir à renouveler intégralement l’image du bâti tout en veillant à atténuer les désagréments du site. Il explique : « Le collège existant occupait l’angle nord-ouest du terrain, la position la plus éloignée de l’autoroute. Pour assurer le phasage de cette intervention en site occupé nous avons construit le bâtiment neuf sur les espaces libres de la parcelle pendant que l’ancien collège était encore en fonctionnement le temps du chantier. Une fois le bâtiment neuf construit, l’ancien bâtiment a été démoli et remplacé par les plateaux sportifs. Ici, une des difficultés résidait dans le fait que construire sur les espaces vides de la parcelle signifiait venir border l’autoroute et rapprocher les locaux d’enseignement des nuisances acoustiques. »

Transformant la contrainte en atout, les architectes se sont servis de cette situation urbaine atypique pour que le bâtiment devienne un signal fort et puissant à l’échelle de la ville. Respectant les limites et les reculs imposés, la construction neuve borde l’autoroute et se retourne le long des limites sud et ouest de la parcelle dans une forme en « V ». Elle s’élève de deux étages au-dessus du rez-de-chaussée pour organiser les 6 700 m² de surface de plancher que compte le programme.

Si côté autoroute le bâtiment offre une lecture cinétique marquée par une alternance de pleins et de vides lisibles à grande vitesse, sur les façades sud et ouest, le langage architectural est plus urbain. La façade sud définit une nouvelle entrée marquée par un parvis.

Ainsi, pour caractériser l’institution publique et valoriser l’image de ce nouvel établissement, les architectes ont proposé de créer un repère simple et fort. Marquée par un portique monumental dessiné comme un cristal de roche, l’entrée affirme clairement l’identité du collège dans son échelle de bâtiment public. Largement ouvert en son centre, ce prisme donne le cadrage le plus profond possible sur l’intérieur de la parcelle.

Organisation efficace

La même exigence de simplicité et de force a porté la réflexion menée sur l’organisation. Les différents locaux ont été répartis en unités fonctionnelles cohérentes pour que l’orientation des usagers soit intuitive. L’entrée principale des élèves s’organise au centre, de là les deux ailes du V sont facilement accessibles et reliées par des coursives extérieures aux différents étages. L’aile est, côté A7, s’organise autour d’une circulation centrale et reçoit au rez-de-chaussée le réfectoire et l’amphithéâtre, et aux étages les locaux d’enseignement.

Les classes les plus proches de l’autoroute s’orientent sur des patios. Ceux-ci sont protégés du bruit par de grandes surfaces vitrées sérigraphiées. La succession de ces trois patios garantit, par ailleurs, un bon éclairage naturel à la circulation centrale de desserte.

L’aile ouest accueille au rez-de-chaussée la vie scolaire, le foyer des élèves et les vestiaires. Au premier niveau, une coursive latérale dessert l’administration, les locaux des enseignants et le centre de documentation et d’information (CDI). Enfin, au-dessus, les six logements de fonction s’organisent autour de patios qui constituent autant d’espaces extérieurs individuels.

Collège méditerranéen

Les volumes qui structurent le collège forment un projet d’une simplicité intemporelle que les architectes qualifient de « méditerranéenne » dans le rapport de ces masses claires avec le bleu éclatant du ciel. Les façades extérieures s’imposent à travers leurs murs de soubassement en béton ordonnancés selon un large calepinage. Certains panneaux sont ajourés selon un motif progressif, s’inspirant des claustras. Les parois extérieures, faites de masses importantes, permettent de protéger le bâtiment des éléments du contexte plus ou moins préjudiciables : l’autoroute et ses nuisances sonores à l’ouest, un important vis-à-vis avec un immeuble d’habitation à l’est.

La mise en scène de l’entrée principale du collège permet à la fois d’exprimer l’autorité de l’institution républicaine que représente ce bâtiment dédié à l’éducation tout en offrant un accès fonctionnel, sécurisé et agréable aux élèves et aux enseignants. Le porte-à-faux de 7,5 m et les voiles latéraux de 13 m, dont l’un semble reposer sur un vide, constituaient une véritable performance. Marquant définitivement l’image du futur bâtiment, la mise au point de cet ensemble a été particulièrement soignée. L’ensemble a été coulé assez rapidement afin de limiter l’influence des conditions météorologiques sur la teinte du béton.

Concernant la réalisation du porte-à-faux, la sous-face du voile biais a été coulée en place. Le voile de la façade est repose quant à lui sur une série de poteaux déportés à l’intérieur, laissant côté parvis apparaître un bandeau horizontal vitré, comme si le béton défiait la pesanteur.

Approche environnementale

La compacité du bâti répond aux contraintes du site comme aux préoccupations de développement durable. Dans le respect du terrain, sans en traumatiser la physionomie, les concepteurs ont cherché à apporter au nouveau collège à la fois sobriété et élégance. La qualité d’inertie de l’édifice lui confère une certaine autorité mais aussi de la douceur et de la sérénité. Le travail rigoureux sur l’orientation de l’ouvrage, la recherche d’ombres portées et l’usage de l’éclairage naturel contribuent à limiter les consommations énergétiques. Le choix d’un béton bas carbone finalise cette conception respectueuse de l’environnement. Des ciments au laitier de haut fourneau ont été utilisés pour formuler les bétons. En réduisant les émissions de CO₂ et en valorisant les déchets industriels, ces ciments s’inscrivent dans une démarche responsable.