Parmi les nombreuses améliorations visant à réduire sa consommation énergétique et son impact carbone, l’industrie cimentière a équipé ces cimenteries de dispositifs capables de valoriser l’énergie résiduelle produite lors de la fabrication du ciment, appelée énergie fatale. De la réintégration directe de la chaleur fatale dans le process à la culture de micro-algues en passant par l’alimentation de réseaux de chaleur urbain, tour d’horizon de ces procédés de valorisation.
Cimenterie, énergie résiduelle et chaleur fatale
De toutes les industries de produits minéraux (métaux, verre...), l’industrie cimentière est celle dont le process de production a la meilleure efficacité. Celle-ci atteint ainsi 75%. Cela signifie que 75% de l’énergie nécessaire à la fabrication du ciment sont effectivement utilisés dans le procédé de fabrication, les 25% restants se dissipant sous forme de chaleur.
Dans une cimenterie, cette chaleur résiduelle est principalement produite :
- au sein du four rotatif, par les gaz chauds émis lors de la combustion de la flamme servant à chauffer la farine crue à 1450°C pour la transformer en clinker.
- par les parois du four rotatif, qui dissipent la chaleur par convection et radiation.
- au sein du refroidisseur, dont l’air frais utilisé pour faire passer la température des « cailloux » de clinker de plus de 1000°C à 80°C se charge à cette occasion de calories.
Toute cette énergie résiduelle, appelée « énergie fatale », est une énergie théoriquement perdue...sauf si on la récupère ! Justement, l’industrie cimentière s’inscrit dans une démarche d’efficacité énergétique vertueuse et cohérente, visant d’une part à réduire en amont sa consommation d’énergie, et d’autre part à valoriser cette chaleur fatale.
Celle-ci peut être valorisée de trois manières :
Cimenterie, énergie fatale et efficacité énergétique
Energie fatale et valorisation directe au sein du procédé cimentier
Depuis longtemps, les cimenteries ont cherché à valoriser la chaleur fatale afin d’optimiser l’efficacité énergétique de leur process. Ainsi, les flux de gaz chauds sortant du four sont utilisés dans la tour de préchauffage pour successivement sécher, déshydrater et décarbonater le cru. Autre exemple : l’air chaud récupéré lors de l’étape de refroidissement du clinker peut être utilisé en tant que comburant pour alimenter les brûleurs (principal et/ou secondaire au niveau du précalcinateur). Ce dernier organe, situé en bas de la tour de préchauffage, a pour fonction principale de « précuire » le cru avant son entrée dans le four.
Les gaz chauds récupérés du Four peuvent également servir à sécher la matière devant être broyée : par exemple séchage (et broyage simultané) de laitier en vue de son intégration dans des ciments ou encore séchage (et broyage simultané) de charbon en vue de son utilisation en tant que combustible en tuyère.
Energie fatale et valorisation interne
La chaleur fatale peut également être mise à profit pour répondre aux besoins de chaleur sur le site de production - on parle alors de valorisation interne. Ainsi, dans certaines usines, les locaux sont intégralement chauffés grâce à la chaleur issue des gaz chauds de combustion des fours.
Energie fatale et valorisation externe
La chaleur fatale peut aussi être utilisée pour satisfaire à des besoins en dehors du site de production. Elle peut être valorisée telle quelle, pour alimenter directement un réseau de chaleur urbain par exemple. Elle peut également être utilisée indirectement. Ces usages indirects sont en plein développement. Certaines usines se servent ainsi déjà de la chaleur fatale pour produire de l’énergie électrique.
Plusieurs projets visent à combiner la récupération de la chaleur fatale avec celle du CO2 émis lors de la cuisson du clinker afin d’alimenter des bassins de production de microalgues, au sein même du site de la cimenterie. Ces micro-algues peuvent ensuite être mises à profit par d’autres industries pour produire des compléments alimentaires, des huiles, des biocarburants ou des cosmétiques.
La même synergie entre chaleur fatale et CO2 pourrait se développer également au sein des cimenteries pour produire de l’efuel (carburant synthétique) en utilisant l’hydrogène qui va recombiner le CO2 ; cet hydrogène pouvant être produit par électrolyse haute température de l’eau.