François Jullemier, responsable politique technique infrastructures du groupe ADP :

Pour les infrastructures aéroportuaires, le béton compacté au rouleau (devenu béton compacté routier dans la norme produit) est une technique qui a rendu bien des services tant en entretien que dans des usages particuliers de constructions neuves.

En entretien d’abord : au début des années 1990, des dalles isolées étaient à reprendre sur des infrastructures des années 1960. Le trafic étant en croissance, il n’était pas toujours aisé de fermer une zone pour une durée minimale de quatre jours, nécessaire à une reprise en béton classique. S’est alors développée, chez Aéroports de Paris, une technique permettant, dans la même nuit, de casser une dalle, de réaliser une assise en béton compacté et une finition de surface en enrobés, avec réouverture au trafic le matin. Cette solution a permis (et permet encore) de gagner des années de service avant une reprise complète d’une zone sous contrainte de trafic, en alternative économique à un béton ultrarapide, quand l’usage l’autorise.

En construction neuve, la technique est régulièrement employée pour réaliser l’assise de surlargeurs (en virage, souvent) de voies de circulation d’avions sous exploitation, grâce à l’enchaînement optimisé de la mise en œuvre des couches. En 2001 avait même été testée la mise en œuvre de béton compacté fibré afin d’augmenter les performances.

Et, pour finir, un clin d’œil au projet routier de 2004, en lien avec l’aviation, d’itinéraire à très grand gabarit (ITGG) entre Langon et Blagnac visant à permettre l’acheminement des convois exceptionnels des composants de l’airbus A380 avec, entre autres, la « piste » de Montaigut réalisée en BCR et s’inscrivant harmonieusement dans le paysage de la Haute-Garonne.

Valéry Ferber, président de SAS Talnia :

J’ai beaucoup pratiqué le dimensionnement et la conception de voiries lors de mon expérience en entreprise de travaux. Cela m’a amené à traiter des cas de voiries routières classiques, mais aussi de nombreux cas de voiries destinées à des usages industriels. Ces cas peuvent concerner des aéroports, des quais portuaires, des plates-formes logistiques ou sur lesquelles peuvent circuler ou être stockées des charges agressives.

Dans tous ces cas de figure se pose la question du dimensionnement sous charges spéciales, mais aussi de la capacité de résistance des revêtements de surface. Le stockage de conteneurs ou les racks de stockage, d’une manière générale, peuvent parfois générer des sollicitations incompatibles avec l’usage des enrobés, même les plus résistants. C’est aussi le fait des voiries soumises à des circulations de charges très lourdes et canalisées. Le recours au béton s’impose alors pour assurer à l’exploitant une durée de vie maximale et le moins de charges d’entretien.

Dans plusieurs de ces situations, nous avons été amenés à appliquer des BCR. Ce fut le cas sur une voirie lourde interne à une carrière et sur des voiries lourdes sur une plate-forme de valorisation de déchets. Cette technique présente des atouts déterminants par rapport aux autres solutions :

• On peut l’appliquer avec les matériels classiques de mise en œuvre des matériaux routiers (finisseur, compacteur) ;
• La couche de béton sert aussi bien de couche d’assise que de couche de roulement ;
• La remise en circulation se fait dans un délai plus court qu’avec les bétons classiques ;
• La formule de BCR est moins chère que les formules de BC5, à la fois parce que le dosage est moins élevé et parce qu’on peut recourir à des liants routiers et pas à du ciment normalisé ;
•  Pour les mêmes raisons, son impact carbone est plus faible, ce qui constitue un sujet de plus en plus scruté ;
• La résistance de ce matériau est équivalente à celui du BC5, ce qui lui permet de supporter des charges lourdes et canalisées avec un entretien réduit.

Je trouve que ces applications industrielles représentent un usage idéal du BCR, qui devrait être beaucoup plus systématiquement étudié, d’autant que ce n’est pas une innovation majeure, vu le nombre de chantiers réalisés, à l’étranger notamment. La décarbonation progressive des liants hydrauliques amènera à positionner à terme ces solutions à même hauteur que les solutions classiques, avec un atout majeur de durabilité, qui a des répercussions économiques importantes pour les exploitants des sites. Cela m’a d’ailleurs amené à l’intégrer comme matériau d’assise dans l’application d’écoconception routière Talnia-Voirie, pour en faciliter la comparaison économique et environnementale avec les autres solutions.
 



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  • Bétons
    Béton compacté routier (BCR)
    Le béton compacté routier est un béton résistant et durable à usage routier. Ce béton « sec » est historiquement utilisé en assise routière, couche de fondation pour les plateformes industrielles. Avec une formulation adaptée et des techniques de mises en œuvre spécifiques, il peut supporter une circulation lourde ou dense directement sur sa surface très rapidement après sa mise en œuvre. Facile à appliquer avec un atelier routier classique, il permet une mise en œuvre rapide. Le BCR nécessite par ailleurs peu d’entretien.
  • Ciments et LHR : analyse et inventaire du cycle de vie (ACV/ICV), déclaration environnementale produit (DEP)
    Ciments, bétons ou liants hydrauliques routiers (LHR), tous les produits et tous les services ont des impacts sur l’environnement. Tout produit demande, par exemple, des matières premières et de l’énergie pour être fabriqué, emballé, transporté, utilisé et peut finir en déchet. Pour pouvoir réduire ou éviter les impacts négatifs, il faut d’abord être capable de les évaluer, au travers des méthodes et outils que sont l'Analyse de Cycle de Vie (ACV), l'Inventaire de Cycle de Vie (ICV), la Déclaration Environnementale de Produit (DEP) et les Fiches de Déclarations Environnementales et sanitaires (FDES).