Comment redonner vie, dynamisme économique et attrait à un ancien quartier de casernement, déserté par l’armée et enclavé ? Réponse des aménageurs du quartier Kœnig, sis près de Caen : en le transformant en zone d’activité et en le rendant agréable à parcourir à pied à grand renfort de cheminements en béton décoratif… Et ça marche !
En 2010, le 18e régiment de transmission quitte le quartier Kœnig. C’est la fin d’une époque. Ce complexe militaire, situé à Bretteville-sur-Odon, dans la périphérie de Caen (Calvados), a vu le jour en 1936, avant d’être occupé par différentes unités jusqu’en 2010 (voir encadré). Son appellation – le quartier Kœnig – lui vient du maréchal de France Pierre Kœnig (1898-1970), né à Caen et héros de la France libre à Bir Hakeim (1942).
Huit ans plus tard, le quartier a commencé à reprendre vie. Une métamorphose élégamment soulignée par le béton décoratif.
Zone d’activité économique
Cette friche militaire disposait de trois beaux atouts : un vaste espace foncier de 52 ha, une surface déjà construite commercialisable et une localisation stratégique, à proximité immédiate de l’aéroport de Caen-Carpiquet, du périphérique et de l’autoroute A84 Caen-Rennes.
En 2011, la communauté d’agglomération de Caen-la-Mer en devient propriétaire pour un euro symbolique. Le site, encombré de munitions (plus de 1 400 engins explosifs de toutes sortes y ont été recensés), est dépollué et déminé. Objectif : transformer le quartier en zone d’activité économique et y créer des emplois (un millier à terme). « Nous allons utiliser la réserve de foncier pour répondre aux demandes des entreprises qui vont crescendo depuis ces deux dernières années », expliquait alors Joël Bruneau, président de Caen-la-Mer. L’ancien complexe comptait 57 bâtiments. Seuls vingt ont été conservés et proposés à des investisseurs privés (30 000 m²), tandis que des constructions neuves ont été lancées. L’agence d’Eurovia sise à Blainville réalise les travaux de requalification complète. Reprise des 15 000 m2 de voirie, 8 km d’assainissement des eaux usées et eaux pluviales et l’ensemble des réseaux sur 5 km (éclairage public, télécommunications, eaux potables, y compris la fibre optique), incluant l’aménagement de deux parkings (l’un de 250 places et l’autre de 650, soit 900 places au total, réalisés uniquement en enrobé) et d’une piste cyclable de 2 km en béton désactivé. En 2017, les implantations vont se multiplier (voir encadré). Et qui dit « implantations » dit « cheminements ».
Cheminements : 12 000 m2 de voies piétonnes en béton
Pour les cheminements piétons justement, le béton décoratif (du désactivé) est préféré aux enrobés traditionnels. Granulats : « Granulats Roche Blain gris et Barenton beige, précise Karl Monnier, conducteur de travaux chez Eurovia. Ce sont des produits issus de gisements locaux. La carrière de Roche Blain est située près de Caen et celle de Barenton, dans le nord de la Mayenne. » Épaisseur : 12 cm. Superficie totale : 12 000 m².
Eurovia entame la réalisation des nouvelles constructions – aujourd’hui, en voie d’achèvement – au cours du premier trimestre 2017, avec du béton fourni par Cemex, à base de ciment Calcia. L’ancien casernement peut achever sa mue par une touche minérale, esthétiquement qualitative et qui présente une durabilité très appréciable.
« Les contraintes d’accès au chantier ont conduit à l’adoption d’une double solution logistique : la moitié du béton utilisé a été pompée, nécessitant une formule adaptée pour obtenir la même qualité que le béton livré sur le chantier en camion malaxeur. Au rythme de deux coulages hebdomadaires, soit 120 à 160 m3 chaque semaine, notre unité de production de Giberville a parfaitement répondu aux exigences du chantier, explique Nicolas Lamy, technico-commercial Cemex à Caen. D’emblée, les granulats locaux de Roche Blain (gris noir) 4/10 et de Barenton (gris blanc) 4/10 ont été privilégiés pour obtenir l’effet et la résistance désirés, le trottoir devant opérer une rupture esthétique avec l’enrobé de la voirie. Nous avons donc préalablement réalisé quatre échantillons de béton décoratif sous forme de planches d’essai de 4 m2 chacune. La formule Nuantis Minéral au mélange de granulats personnalisé (CXB C25/30 XF2 G1 S3 fibré et pompable) a finalement séduit par sa forme et convaincu par ses qualités de résistance. Sur les dix hectares de voiries du quartier Kœnig, le béton sélectionné répond à des critères à la fois esthétiques et durables pour l’ensemble des cheminements piétons. »
Bilan : le quartier Kœnig peut aujourd’hui s'enorgueillir de l’élégance de ses voies piétonnes, qui ont nécessité le coulage de 1 400 m3 de béton désactivé.
12 km de béton coulés en place
Dans le même temps, 12 kilomètres linéaires de bordures de trottoirs en béton extrudé (profil CS1) sont coulés sur place à la machine « à coffrages glissants ») (Gomaco GT 3600 à 3 chenilles, d’un poids de 15 tonnes) avec guidage au fil. Un fil tendu sert à reproduire l’altimétrie et le profil tout au long de l’ouvrage. La machine le suit automatiquement avec une précision de plus ou moins 2 cm. Rendement : « 400 ml par jour », précise Karl Monnier, le conducteur de travaux d’Eurovia.
Étant donné les sollicitations particulières auxquelles ces bordures sont soumises (choc des véhicules, agents atmosphériques comme le vent, la chaleur ou le gel), elles ont été réalisées avec un béton de classe C25/30. Celui-ci possédait en outre une consistance adaptée au démoulage immédiat (S1, norme NF EN 206/CN). Ce béton était constitué de gravillons, de sable, de ciment, d’eau, d’un plastifiant et d’un adjuvant entraîneur d’air.
Qualité d’aménagement et création d’emplois
Attractivité, qualité d’aménagement et création d’emplois font bon ménage au quartier Kœnig. L’entreprise de gestion du réseau électrique français Enedis a été la première à s’implanter dans le nouveau site du quartier Kœnig, fin 2017, avec 250 salariés, la construction de 4 000 m² de bureaux et de 3 500 m² de locaux techniques. Un restaurant a également ouvert ses portes. Des professions libérales devraient suivre (cabinets de kinésithérapie et d’expertise comptable) ainsi que des entreprises industrielles (chaudronnerie plastique), de services (entretien d’espaces verts ou de bâtiments), de développement de logiciels, de vidéo et même une crèche. Autant de nouveaux résidents professionnels – il n’est pas prévu de construire des logements dans la zone d’activité – qui apprécieront les circulations douces offertes par les cheminements en béton décoratif. Un millier d’emplois devrait ainsi être créé. Par ailleurs, un échangeur permettant de raccorder le site au périphérique devrait être livré fin 2020.
Un passé militaire
En soixante-dix ans, le quartier Kœnig a vu se succéder de multiples occupants militaires, avant d’être rendu à la vie civile. Dès sa naissance, en 1936, c’est la présence de l’aéroport de Carpiquet qui décide de sa vocation. Ce sera une base aérienne, qui ne tarde pas à être occupée par la Luftwaffe dès l’été 1940. En grande partie détruite en juin-juillet 1944, elle a été reconstruite de 1946 à 1956 et repasse sous l’autorité de l’armée de l’air. En 1967, après le retrait de la France de l’OTAN, l’aéroport devient civil, et les bâtiments, une caserne de l’armée de terre.Le 5e régiment d’artillerie s’y installe (de 1968 à 1973), bientôt remplacé par l’École interarmées du personnel militaire féminin (EIPMF), qui s’y établit pour dix ans. L’École de défense nucléaire, biologique et chimique (EDNBC) lui succède jusqu’en 2000. Après cette date, c’est le 18e régiment de transmission (RT) qui occupe les locaux jusqu’en 2010.
Principaux intervenants
Maîtrise d’ouvrage : Communauté d’agglomération de Caen-la-Mer - Maître d’œuvre : Sogeti Ingénierie - Entreprise : Eurovia - Mise en œuvre du béton décoratif : Eurovia - Fournisseur du béton : Cemex - Fournisseur du ciment : Calcia