Volumétriquement, le bâtiment est composé d’un socle et d’un plot qui s’élève pour aller chercher la vue. Une alternance de pleins et de vides découpe la façade en lanières, comme un prisme sculpté dans la masse.
Volumétriquement, le bâtiment est composé d’un socle et d’un plot qui s’élève pour aller chercher la vue. Une alternance de pleins et de vides découpe la façade en lanières, comme un prisme sculpté dans la masse.

Le quartier Chalucet à Toulon est né de la volonté de la métropole de reconvertir le site d’un hospice XVIIe du centre-ville en quartier de la créativité et de la connaissance. L’ambitieux programme allie la réalisation de logements avec la création d’une médiathèque (voir article CM n° 163), d’une école de commerce et enfin de deux écoles d’art et de design. Sur trois hectares, la recomposition d’un jardin pour la moitié du site et pour l’autre moitié, trois bâtiments publics et 160 logements.

Lorsque l’agence d’architecture Vezzoni et associés répond au projet, le concours concerne tout autant la problématique urbaine qu’architecturale. Il s’agit de reconquérir cette partie du centre-ville tout en assurant l’identité architecturale du nouveau quartier. 

L’angle extérieur qui fait face à la gare s’infléchit pour marquer l’entrée dans le nouveau quartier.
L’angle extérieur qui fait face à la gare s’infléchit pour marquer l’entrée dans le nouveau quartier.

Articuler deux trames urbaines 

À l’échelle urbaine, les architectes ont d’abord cherché à comprendre les tissus urbains existants pour mieux s’y insérer et donner sens au neuf à partir de l’existant. Deux questions urbaines majeures ont été réglées : 

  • la trame du nouveau quartier qui prolonge la trame haussmannienne du quartier de la gare ; 
  • la prise en compte d’une emprise plus large à travers le traitement d’une partie de la coulée verte le long de la rue Chalucet.

Les différents accès aux équipements y sont installés. Ce geste fort libère tout le reste du site pour faire place à une réécriture des espaces publics qui accompagnent le jardin historique Alexandre 1er. Pour s’ancrer dans le tissu urbain, les concepteurs ont poursuivi la trame issue du tissu haussmannien avec ses 44 mètres entre voiries. 

Dans ce nouveau maillage, l’École supérieure d’art et de design a trouvé sa place. 

À l’extrémité nord-ouest du projet urbain, dans l’axe de la passerelle SNCF permettant de traverser les voies, sa forme annonce l’entrée du nouveau quartier, tel un totem iconique du renouveau du centre-ville de Toulon. 

Le pied du bâtiment s’efface pour inviter le passant à parcourir le cœur d’îlot. 

En connexion directe avec le parvis et la ville, le hall est vaste et devient un espace d’exposition où les étudiants peuvent présenter leur travail.
En connexion directe avec le parvis et la ville, le hall est vaste et devient un espace d’exposition où les étudiants peuvent présenter leur travail.

Bateau amiral

L’édifice, au volume simple, est composé d’un socle et d’un plot, qui s’élève et introduit le nouveau quartier. Le volume est sculpté dans la masse. Une alternance de pleins et de vides découpe les façades en lanières. Sa hauteur la plus élevée des bâtiments construits sur le site dialogue avec les tours voisines.

Jouant avec le soleil et la mer toute proche, la volumétrie s’élève, offrant à la vue une enveloppe solide faite de béton blanc, dont les granulats clairs proviennent de la carrière locale du Revest. Les fenêtres sont traitées comme des incisions qui auraient échancré la façade, filtrant la puissante lumière comme autant de lanières qui cadrent les vues lointaines du grand paysage toulonnais. Horizontales au sud, face à la mer, elles s’inclinent au nord dans un mouvement ascendant vers la belle silhouette du mont Faron. « Du mont Faron à la rade de la Méditerranée, le caractère toulonnais s’ancre profondément dans la permanence du rapport que la ville entretient avec son remarquable écrin naturel. Il conjugue aux fonds de scène montagneux du mont Faron, qui adossent et protègent la ville, celui des vastes horizons marins. C’est ce caractère que nous avons souhaité retranscrire dans le projet », explique Pascal Laporte, un des associés de Corinne Vezzoni.

Volumétriquement, le bâtiment se lit comme un prisme. Au fur et à mesure qu’il gagne en altitude, il semble se déhancher et se déformer. Ce mouvement permet à l’équipement d’épouser l’intégralité des directions imposées par les différentes rues périphériques. Il représente la synthèse des différentes trames urbaines qui bordent l’établissement. Dans l’angle extérieur, face à la gare, le soubassement s’efface, la façade s’infléchit pour inviter à pénétrer dans le nouveau quartier Chalucet et dessiner le parvis d’entrée de l’école. 

Un bâtiment, deux programmes

Au sein du bâtiment, deux programmes cohabitent ; l’École supérieure d’art et de design occupe les six premiers niveaux (5 370 m2), tandis que les deux derniers niveaux (1 400 m2) reçoivent le « TVT Innovation ». Le TVT Innovation est une agence de développement économique de Toulon Provence Méditerranée qui œuvre au développement de l’économie créative sur le territoire de la ville en offrant des espaces de coworking et des services aux entrepreneurs innovants. Avec cette nouvelle offre d’espaces et de cohabitation entre locaux d’enseignement et locaux innovants, l’objectif est de créer une pépinière de talents et de renforcer la dimension d’accompagnement en resserrant les liens existants entre les établissements de formation et le monde de l’entreprise. 

La circulation verticale est traitée en escalier monumental. Cet espace ouvert devient une « galerie verticale ».
La circulation verticale est traitée en escalier monumental. Cet espace ouvert devient une « galerie verticale ».

À l’intérieur, le fonctionnement proposé est à la fois simple et fonctionnel. Les deux premiers niveaux constituent un socle qui occupe la totalité de l’îlot. Plus importants en termes d’emprise que les niveaux supérieurs, ils sont destinés à recevoir les différents ateliers de matières, d’édition, d’image que les étudiants auront l’occasion de pratiquer pendant leur cursus. On retrouve des domaines aussi variés que la lithographie, la céramique, l’atelier fer, la photographie ou le design graphique. L’équipement de l’école est important, à l’image du dynamisme que Toulon Provence Méditerranée a souhaité insuffler pour cette école qui était jusque-là un peu à l’étroit dans les murs de l’ancien Arsenal de Terre qu’elle partageait avec le Conservatoire. 

À partir du troisième niveau, le plot émerge sur six niveaux supplémentaires. Un niveau correspondant à une année ou une des spécialités art ou design que comporte l’école. L’espace est flexible et équipé en tout point de suspente pour pouvoir installer des cimaises sans difficulté.

Pour avoir du béton en intérieur comme en extérieur, le bâtiment met en œuvre des doubles murs coulés en place avec isolant intégré.
Pour avoir du béton en intérieur comme en extérieur, le bâtiment met en œuvre des doubles murs coulés en place avec isolant intégré.

Des espaces d’exposition

Afin de maximiser les surfaces d’échange entre l’école et le TVT Innovation, la totalité des espaces d’entrée et de distribution sont mutualisés. Ils ont été pensés comme des lieux de « monstration », où les étudiants peuvent commencer à faire découvrir leur œuvre au public. Le hall en connexion avec le parvis et la ville devient un « show-off horizontal », les architectes ont poursuivi ce lieu dans un « show-off vertical », à la fois escalier et galerie, qui constitue un lieu ouvert et appropriable entre tous.

Afin d’avoir du béton en intérieur comme en extérieur, le bâtiment met en œuvre des doubles murs coulés en place avec isolant intégré. Ce matériau cher à l’agence Vezzoni et associés était idéal pour offrir une bonne résistance à l’air marin ainsi qu’un confort d’usage et une parfaite pérennité intérieure pour un équipement flexible et soumis à des accrochages multiples. 

Dans les niveaux supérieurs, l’espace est totalement flexible et équipé de suspente pour pouvoir installer des cimaises sans difficulté.
Dans les niveaux supérieurs, l’espace est totalement flexible et équipé de suspente pour pouvoir installer des cimaises sans difficulté.

La partie oblique de la façade a nécessité un coulage spécifique en deux temps en raison de la complexité et de la hauteur de l’inclinaison. Le voile extérieur a été coulé dans un premier temps, l’isolant mis en œuvre dans un second temps ; enfin, le voile intérieur a pu être réalisé. Pour éviter le report de charges des 4 niveaux concernés sur la partie inclinée de la façade, des poutres post-contraintes ont été positionnées dans la hauteur du plancher haut du R+2. Elles supportent des charges de l’ordre de 500 tonnes/m2

Ce système constructif du mur sandwich encore remarquable en France possède enfin l’avantage bioclimatique de tirer parti de l’inertie du béton pour améliorer le confort thermique à l’intérieur des locaux. Ce matériau participe ainsi activement au bon confort d’été, point de vigilance particulier dans la moitié sud du pays.

Localiser la réalisation

Fiche technique

Reportages photos : Lisa Ricciotti

  • Maître d’ouvrage : Toulon Provence Méditerranée 
  • Maître d’œuvre : Corinne Vezzoni et associés, Marie Lafond, chef de projet
  • BET structure : Ingénierie 84 
  • Entreprises : Travaux du Midi/Léon Grosse/Renaudat ; structure et enveloppe, charpente métallique, terrassements généraux 
  • Surface : 6 206 m2 SDP 
  • Coût : 15,2 M€ HT 

Programme : Esad TPM : École supérieure d’art et de design Toulon Provence Méditerranée – TVT Innovation : incubateur/pépinière d’entreprises du numérique.



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