Avec son enceinte de béton brut, le cercle scolaire La Franche-Montagne conçu par les architectes de BQ+A se coule dans la topographie du site.
Lové dans une dépression du terrain, le cercle scolaire La Franche-Montagne s’inscrit profondément dans le sol, au sens physique du terme. Il marque une entrée de la ville, par son architecture singulière – un bâtiment circulaire, en anneau, contenu dans de hauts voiles de béton –, ajoutant une dimension ludique à l’expression de son statut d’équipement public à vocation pédagogique et protectrice. Il remplace l’ancienne école du centre-ville de cette petite commune de moyenne montagne du massif du Jura située à une dizaine de kilomètres de la frontière franco-suisse, dont la capacité d’accueil est devenue insuffisante, difficile à étendre et à mettre aux normes.
Un bâtiment topographique
Précédé d’une « langue » de parking paysager associé à deux noues pour infiltrer les eaux de pluie à la parcelle et bordé par un champ, le bâtiment se déploie à partir d’une doline, une excavation circulaire généralement fermée, à fond plus ou moins plat. De plan circulaire, l’extension y est calée de manière à préserver la vue du bâtiment existant situé en partie haute du terrain, créant un étagement depuis l’entrée, avec la cour haute et la toiture plantée qui atténue l’effet de hauteur de ses murs courbes de 8 m.
Sa forme est dictée par le site. « Sans doute du fait de notre ancrage dans les territoires ruraux, dans la campagne, les projets que l’on pourrait qualifier de topographiques, ou de géographiques, ont toujours tenu une place importante dans mon imaginaire mais aussi dans mes références », souligne l’architecte Bernard Quirot. Il évoque l’immeuble de logement Talponia en arc de cercle construit à la fin des années 1960 à Ivrea près de Turin par les architectes italiens Roberto Gabetti (1925-2000) et Aimaro Isola (1928-) – « la référence qui m’aura le plus hanté », confie-t-il –, ou encore les architectures paysagères de l’architecte et designer argentin Emilio Ambasz (1943-). À Maîche, la progression depuis le niveau bas jusqu’à la petite barre que forme en surplomb le bâtiment existant, avec comme point culminant l’horloge qui émerge au-dessus de la cage d’ascenseur, traite le passage de l’espace champêtre à l’espace urbain, raconte différentes dimensions de ce paysage naturel et construit.
Un cercle pour accueillir
Le choix d’implantation du nouveau groupe scolaire permettait de réunir les écoles maternelle et élémentaire et d’intégrer dans le projet immobilier le projet pédagogique d’inclusion des enfants en situation de handicap mental pris en charge par l’institut médico-éducatif (IME) de la fondation Pluriel. Le programme a été élaboré conjointement par la municipalité de Maîche et la fondation Pluriel qui lui a rétrocédé le terrain. Au total, ce sont plus d’une quarantaine d’enfants et de jeunes pris en charge dans le cadre du Dispositif d’accompagnement médico-éducatif (Dame) ou dans l’Unité localisée pour l’inclusion scolaire (la classe Ulis) qui bénéficient de ce nouvel environnement.
Réhabilité et réaménagé pour accueillir les classes d’élémentaire, le bâtiment existant construit dans les années 1970 fonctionne avec le nouveau bâtiment où se trouvent, en plus des salles de classe de maternelle, toutes les salles communes au groupe scolaire comme le réfectoire, la bibliothèque et la salle polyvalente ainsi que l’accueil périscolaire. Visibles depuis le parvis de l’entrée commune traitée en porche avec ses arcades hautes, la cour des maternelles occupe le centre du cercle à rez-de-chaussée et, au-dessus, la cour haute en anneau et en balcon est celle des élèves d’élémentaire. Sans être mélangés, les élèves gardent un contact visuel et, sans doute, sonore. La cour haute, aménagée sur la toiture intermédiaire, est en partie protégée du soleil et de la pluie sur sa périphérie par le débord de la toiture en béton. Le bois du sol et des murs confère une intériorité à cet espace à ciel ouvert atypique où les enfants s’ébattent ou se posent et parfois, usage imprévu, l’utilisent en vélodrome.
Volume, surface, lumière
« La typologie des bâtiments scolaires semble figée avec son couple salles de classe et système de distribution. S’ajoute une tendance à réduire les surfaces et les volumes. Le lien entre architecture et pédagogie n’est pas pris en compte, pas plus que n’est réfléchie l’école de demain en dehors des outils, numériques surtout, qu’elle utilise », regrette Bernard Quirot. Cherchant à retrouver la qualité des établissements scolaires du XIXe siècle avec le couloir éclairant et la hauteur sous plafond, les architectes font la preuve ici que l’architecture autorise aussi une forme de liberté pédagogique en n’en figeant pas l’usage grâce à la générosité de ses volumes et leur agencement. Le large couloir, éclairé toute hauteur sur la cour maternelle qui distribue l’ensemble des salles, offre un espace intermédiaire chaleureux entre l’extérieur et l’intérieur des salles qu’il éclaire en second jour. Les vastes salles de classe, orientées sud et sud-est, bénéficient ainsi d’un apport de lumière naturelle à chaque extrémité – entre les ouvertures sur le couloir et la grande fenêtre qui ouvre sur l’extérieur, placée plus ou moins haut dans le mur suivant son degré d’enfoncement dans le talus. Des impostes vitrées ménagées dans le décrochage de la hauteur sous plafond qui devient double contribuent à éclairer le volume. À l’arrière des sanitaires, compris dans la même trame, se trouvent les salles les moins éclairées, réservées au sommeil. La générosité des espaces du bâtiment circulaire n’a pu être appliquée à la réhabilitation qui a néanmoins gagné en luminosité et en fonctionnalité.
L’unité du matériau
« Seul le béton pouvait lutter contre la poussée des terres », affirme l’architecte qui recherchait aussi une unité de matériau, comme la pierre pouvait l’apporter autrefois. Afin d’obtenir un béton brut de décoffrage à l’intérieur comme à l’extérieur, les murs périphériques courbes ont été réalisés grâce au procédé GBE. Ils sont formés d’un double voile de 20 cm d’épaisseur chacun qui enserre 15 cm d’isolant. Coulés toute hauteur de part et d’autre de cet isolant, selon des largeurs variables, les murs reposent directement sur les micropieux des fondations. L’efficacité thermique du GBE aide à faire de l’extension un bâtiment à énergie positive (Bepos). Selon l’entrepreneur, si cette technique ne nécessite pas une formule de béton particulière – en l’occurrence ici il s’agit d’un béton autoplaçant courant avec des agrégats clairs qui proviennent d’une carrière de calcaire du sud de Montbéliard –, le réglage des coffrages demandait une grande précision pour obtenir une qualité de finition à la fois lisse et homogène. Les pans les plus délicats à couler étaient ceux comprenant les baies en plein cintre et les arches du porche d’entrée, réalisés à l’aide de mannequins épousant les arrondis dans un sens et dans l’autre. Là encore, l’entreprise a fait preuve d’une grande précision. L’ensemble de la structure est en béton coulé en place et brut de décoffrage à l’exception de quelques éléments préfabriqués comme les casquettes greffées sur l’auvent, l’acrotère et les poteaux intérieurs. Le bois des menuiseries, des parquets et, par endroits, en parement de façade ou de plafond contribue à moduler les ambiances suivant la fonction des espaces.
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Reportage photo : © Luc Boegly
Fiche technique
- Maître d’ouvrage : commune de Maîche (25)
- Maîtres d’œuvre : BQ+A – Bernard Quirot, Alexandre Lenoble, Chloé Blache, Julie Vielle architectes associés
- BET structure : Batiserf
- Entreprise gros œuvre, démolition : Albizzati
- Surfaces : 2 165 m2 SDP (neuf), 1 562 m2 SDP (réhabilitation)
- Coût : 7,37 M€ HT
- Programme : groupe scolaire de 6 salles de maternelle et 9 d’élémentaire, salles polyvalente, d’arts plastiques, de motricité, bibliothèque, office et restauration ; institut médico-éducatif (IME) ; chaufferie.