Volume de béton brut, la médiathèque L’Animu, conçue par Dominique Coulon & associés en collaboration avec Amelia Tavella Architectes, se coule au milieu des oliviers.
La nouvelle médiathèque de Porto-Vecchio, ville portuaire de Corse-du-Sud, prend place sur un terrain jusque-là non construit, parsemé de gros rochers, de chênes verts et d’oliviers, proche de marais salants. Implantée en voisinage de logements sociaux, dans un quartier prioritaire de la politique de la ville – un dispositif national qui vise à « réduire les écarts de développement au sein des villes pour restaurer l’égalité républicaine » –, elle a pour vocation de faire lien avec son environnement et, au-delà, avec l’ensemble de la « Cité du sel ».
Un équipement qui insuffle du lien
Baptisée L’Animu, que l’on peut traduire par le souffle, allégorie de l’ambition du projet, la médiathèque participe à la redynamisation et à la revitalisation du quartier. En tant que nouvel équipement du pôle d’action culturelle, elle contribue à établir des relations entre les différents quartiers et s’intègre, à l’échelle de la ville, à un circuit créé entre le bastion de la ville haute et le port. Si, au départ, le programme se concentrait principalement sur la fonction de bibliothèque, il a été élargi à toutes formes de culture grâce à des espaces intérieurs et extérieurs pouvant accueillir des expositions, des conférences, de petits spectacles et des concerts, des cafés-citoyens ou associatifs, etc. De nombreux ateliers s’y déroulent pour les enfants comme pour les adultes qui ont ainsi accès à des outils informatiques, des jeux vidéo, une ludothèque, mais aussi des séances de lecture de contes et d’histoires. Son fonctionnement s’apparente à celui d’un tiers-lieu, où se fabrique et se consolide la cohésion sociale en croisant différents usages et fonctions, porteur d’émancipation par les contenus qu’il met à disposition et ouvert aux initiatives collectives grâce aux locaux qui le permettent.
Elle incarne la volonté municipale de développer la culture et de lui donner une place centrale, d’en faire un axe important de sa politique. Si elle est avant tout destinée aux habitants de Porto-Vecchio, qui bénéficient de conditions d’inscription favorables, elle est aussi ouverte aux résidents temporaires, présentant une alternative possible aux joies de la mer, offrant un havre protecteur et calme. Il faut dire que la troisième ville la plus peuplée de l’île, derrière Ajaccio et Bastia, compte près de 12 000 habitants à l’année mais voit sa population multipliée par dix en été.
Un rocher parmi les rochers
« Le principe du projet consiste à préserver le paysage, ce paysage sauvage au cœur de la ville. C’est un projet contextuel », pose l’architecte Dominique Coulon, qui évoque au passage comme référence une maison qui enserre un rocher à Rio de Janeiro, dessinée par l’architecte brésilien Oscar Neimeyer. « Il fallait que le projet trouve sa propre logique », ajoute-t-il. Le bâtiment se coule entre les rochers et les arbres, il les contourne et parfois les enveloppe. Sa matérialité donnée par le béton en fait un rocher parmi les rochers. Élément essentiel de l’architecture du bâtiment, le jardin qu’il contient dont la surface est équivalente à celle de l’intérieur. Ce jardin profite de la déclivité du terrain pour se glisser sous le bâtiment en partie soulevé. La médiathèque se pratique avec cet extérieur traité comme un espace à ciel ouvert, de retraite ou de partage autour d’événements collectifs qui peuvent profiter du bar d’été installé là. Il est accessible, y compris pour les personnes à mobilité réduite, par une rampe qui relie le niveau principal du rez-de-chaussée au rez-de-jardin. Cette rampe portée sur trois appuis seulement – deux poteaux et un mur courbe d’enceinte du projet – propose un cheminement qui donne le sentiment d’entrer plus profondément dans le bâtiment : le rapport à l’environnement immédiat se perd, reste celui au sol et au ciel. À cet endroit, le bâtiment fabrique de l’ombre et de la ventilation, particulièrement bienvenues durant la saison estivale.
« Le dessin induisait le béton. Il n’y a pas d’autre matériau ayant cette plasticité », affirme l’architecte, saluant la qualité d’exécution réalisée par des entreprises locales. Coulé en place, il est laissé brut, à l’exception du soubassement sur lequel l’ajout d’un produit anti-graffiti a été jugé nécessaire.
Le choix d’une isolation par l’intérieur a permis de laisser apparente la rusticité de cette peau. Certaines parois sont incrustées de morceaux de granit, une roche présente sur le site et que l’on retrouve fréquemment dans les constructions locales, faisant jouer la lumière et les transformant de manière impromptue (et interdite) en murs d’escalade. La singularité de son architecture de béton, minérale, et son implantation en avancée vers la route affirment la présence de l’équipement vis-à-vis de l’extérieur. Sa présence sera renforcée avec l’aménagement d’un vaste parvis piéton où le 1 % artistique a trouvé sa place – un rocher de bronze –, offrant un espace public comme préambule de la médiathèque.
Antre lumineux et spacieux
L’irrégularité de la trame structurelle, surtout perceptible à l’intérieur, accompagne au plus juste la forme du bâtiment.
Cylindriques, les poteaux sont là où ils sont nécessaires, laissant très libre l’organisation intérieure avec des salles de dimensions et de natures différentes. Les salles de lecture, segmentées entre enfants et adultes, prolongent l’espace d’accueil. D’immenses pans vitrés leur offrent autant de tableaux vivants du paysage extérieur, avec les arbres d’un côté, la ville de l’autre. Grâce aux raidisseurs en métal poli miroir, l’ossature de ces pans paraît évanescente. Les bureaux profitent également de baies vitrées toute hauteur, les tournant résolument vers l’extérieur et, paradoxalement, renforçant par là même leur retranchement par rapport aux salles accessibles au public. Des stores extérieurs protègent toutes ces surfaces des rayonnements solaires et de leur chaleur. Pas toujours facile à bien équilibrer d’une pièce à une autre, un système double flux régule l’ambiance thermique de l’ensemble du bâtiment ; il est ainsi chauffé et refroidi grâce à une centrale d’air. Les portes et les ouvrants de désenfumage placés en toiture offrent un appoint d’arrivée et d’évacuation d’air.
La recherche d’atmosphères et qualités différentes pour que chacun.e puisse y trouver sa place se réalise grâce à la variété des cadrages, des ambiances lumineuses, naturelle ou artificielle, des formes et volumes alloués suivant les fonctions programmées. Ainsi, une salle des contes entraîne les enfants à l’écart de la lumière, leur offrant un espace abstrait du reste du bâtiment, une autre bénéficie d’un éclairage zénithal plus approprié aux activités de jeux prévues là, etc. La traduction volumétrique de certains éléments du programme introduit des contrastes et permet de distinguer les espaces, comme ce cylindre fermé, réservé à la consultation de vidéos, qui marque le passage de la salle de lecture des adultes à celle réservée aux enfants. Il contient également l’escalier en colimaçon pour rejoindre le niveau inférieur.
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Fiche technique
Reportage photos : ©Eugeni Pons
- Maître d’ouvrage : ville de Porto-Vecchio
- Maître d’œuvre : Dominique Coulon & associés, architecte mandataire ; Amelia Tavella Architectes, associé
- Bureau d’études : SB ingénierie (structure) ; Batiserf ingénierie (consultant structure) ; Kubler (paysage) ; Lollier (VRD)
- Entreprise : Perez (gros œuvre, chape, revêtement extérieur pierre) ; Petroni (terrassement VRD)
- Surface : 1 060 m2 SU, 1 200 m2 SHON, 2 805 m2 SHOB
- Coût : 4,5 M€ HT
Programme : médiathèque, espaces de lecture, ateliers de formation, espace d’exposition, salle polyvalente, jardin/médiathèque à ciel ouvert, administration.