Dans un magnifique espace boisé, la mise en valeur d’un patrimoine existant par l’adjonction d’une extension semi-enterrée aussi moderne que discrète.
Installé dans le centre du bourg de Gradignan, le Repos maternel accueille depuis des dizaines d’années des femmes enceintes et des mères isolées majeures, avec un ou plusieurs enfants à charge et en rupture avec leur milieu familial. L’institution, gérée par le CCAS de Bordeaux, profite d’un cadre privilégié, particulièrement bien adapté au besoin de calme et de protection de ces femmes. Située dans un environnement boisé et classé EBC (espace boisé classé), elle occupe notamment le château Lafon datant de 1920 et quelques bâtiments annexes répartis dans le parc. Pour conserver une qualité optimale d’accueil et d’accompagnement, l’institution s’est engagée dans un programme de modernisation et d’extension des surfaces disponibles.
Conscients de l’image positive véhiculée par le « château » et de sa représentation dans l’imaginaire collectif, les architectes chargés de la rénovation et de l’extension de l’établissement ont pris le parti de la discrétion et de l’effacement pour mettre l’accent sur la valorisation de l’existant et son aspect patrimonial. Ils ont minimisé l’impact sur le parc en conservant le plus grand nombre d’arbres. Pour préserver l’intégrité architecturale du château, ils ont démoli les édicules accolés au fil du temps. Débarrassé de ces éléments parasites, le bâtiment retrouve sa position d’élément dominant.
Une insertion particulièrement réussie
Pour parfaire en toute logique ce parti pris de valorisation de l’existant, l’extension s’efface. Ancrée dans le sol du parc, on la perçoit à peine côté entrée, et ce grâce au modelage du terrain. Pour le reste, on la devine, enfouie sous une toiture végétalisée et agrémentée d’une corolle en béton. Semi-enterrée dans le prolongement du sous-sol existant, elle enserre le château sur trois côtés et fonctionne comme un socle sur lequel il serait posé – une habile façon de mettre en valeur ce bâtiment remarquable.
D’un point de vue programmatique, les architectes ont suivi la même logique. « Notre proposition architecturale vise à tirer pleinement profit de l’image qualitative d’un château dans son parc afin de participer à la reconstruction d’une estime de soi dont peuvent manquer les femmes en difficulté accueillies au sein de cette structure. »
Ainsi, après rénovation, la totalité des hébergements trouve place au « château » dans des appartements modernisés et redistribués. L’extension, directement reliée au bâtiment ancien, se développe autour d’un large patio. Elle comprend l’ensemble des surfaces dédiées à l’offre collective de services et accueille notamment les espaces de restauration et des salles d’activités.
Ces locaux, ouverts sur le patio entièrement vitré, profitent d’une belle lumière tout en étant protégés des regards extérieurs.
Les surfaces restantes, en périphérie de l’extension, bénéficient également d’un éclairement généreux de type cour anglaise et sont occupées par les salles de soin, des bureaux et les locaux du personnel.
Des matériaux qui s’adaptent aux besoins
En complément, le programme prévoyait un bâtiment supplémentaire destiné à l’administration. Construit à l’écart dans le parc, il affiche un volume simple de type « petite maison » dans les bois, avec un toit à double pente et une enveloppe en bardage, à l’image des dépendances gravitant autour du château. Son volume sobre et épuré se fond parfaitement dans cet environnement boisé et caractérisé par quelques arbres particulièrement remarquables.
Dans ce projet de rénovation, tout a été fait pour mettre en valeur le château Lafon, et notamment la corolle de béton qui borde l’extension semi-enterrée. Cette ceinture ajourée fonctionne sur deux côtés comme un large claustra posé en porte-à-faux. Rivetée à la dalle de couverture, elle se compose de bandes de béton coulées en place et espacées de 50 cm. Ces lamelles créent une ligne dentelée qui forme un socle graphique sur lequel le volume du château semble avoir été posé, à la manière d’un plateau dont la modénature, sobre et hors du temps, ne pouvait que mettre en valeur celle d’un bâtiment de 1920.
Le béton au service d’un dessein
Les façades du patio, entièrement vitrées, affichent ce même design au rythme répétitif et atemporel. Les montants des menuiseries ont été doublés, côté extérieur, de lames en béton non porteuses qui donnent du relief et tiennent lieu de brise-soleil, protégeant les vitrages du rayonnement solaire tout en offrant au patio une structure visuelle aussi intéressante qu’apaisante. Complétant la composition et le niveau de protection, des lames de bois horizontales habillent le haut des vitrages, proposant un duo bois-béton particulièrement efficace tant d’un point de vue esthétique que technique.
Ces différents éléments en béton, non porteurs, agrémentent l’extension d’une modénature résolument contemporaine, élégante et discrète qui dialogue parfaitement avec la typologie architecturale du château – une passerelle réussie entre passé et présent. À l’instar de la corolle périphérique, tous les ouvrages en béton ont été coulés en place. Si la structure porteuse de l’extension, de type poteaux-poutres avec voiles de contreventement, ne présente aucune difficulté technique, sa partition modulaire permet d’offrir des locaux qui sont facilement modulables et transformables en fonction des besoins de l’institution, toujours évolutifs.
Un écrin végétal préservé
La maîtrise d’ouvrage souhaitait mettre en place une démarche environnementale de type HQE®.
Pour relever ce challenge supplémentaire, le concept environnemental global du projet s’appuie sur différentes cibles que sont l’insertion dans un site classé, la gestion des déchets, de l’énergie et de l’eau, la maintenance et l’entretien des bâtiments, les conforts hygrothermique, acoustique et visuel, ainsi que les matériaux et la qualité sanitaire de l’air.
Un soin particulier a été apporté à l’insertion dans le site, notamment par la conduite d’un chantier à faible impact environnemental et une préservation du parc arboré par la mise en œuvre d’un projet paysager soucieux de mettre en valeur l’existant. Des arbres de haute tige ont été plantés le long de la nouvelle voie d’accès reprenant des essences existantes. Ces derniers font écho à l’allée de tilleuls qui marque l’entrée historique du château.
Par ailleurs, en recouvrant le sol d’une prairie fleurie en continuité avec l’existant, les modelés de terrain nécessaires à l’intégration de l’extension semi-enterrée se fondent dans le paysage, voire lui ajoutent une touche de poésie supplémentaire.
Tradition et modernité réunies avec efficience
Côté gestion des performances énergétiques, l’extension est conforme à la RT 2012 et le château à la RT rénovation élément par élément. Faire le choix d’une extension semi-enterrée répondait parfaitement à la volonté de discrétion du projet tout en présentant un autre avantage aussi intéressant. Elle profite ainsi de l’inertie du sol et de la toiture intensément végétalisée pour diminuer les déperditions thermiques. Cette stratégie passive apporte une grande inertie – à laquelle participe le béton –, renforcée par la mise en œuvre d’une isolation par l’extérieur qui permet de traiter la majorité des ponts thermiques. Le confort visuel n’est pas en reste avec une optimisation de l’éclairage naturel et une prédominance des surfaces vitrées. En plus des éléments d’architecture en béton faisant office de brise-soleil, des protections solaires mobiles équipent tous les locaux à occupation prolongée qui permettent de limiter les surchauffes en été et de profiter des apports gratuits d’énergie solaire en hiver. Finalement, ce projet global de rénovation et d’extension a réussi à prendre en compte les besoins spécifiques des utilisateurs tout en mettant en valeur le patrimoine existant servi par une architecture épurée et atemporelle, justement implantée et dimensionnée.
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Fiche technique
Reportage photos : Arthur Pequin et Philippe Caumes
- Maître d’ouvrage : CCAS de la ville de Bordeaux
- Maître d’œuvre : Marjan Hessamfar & Joe Vérons, architectes associés
- BET TCE : OTCE
- BET HQE® : Oasiis
- Paysagiste : Kaplan
- Entreprise gros œuvre : GTM
- Surface : 3 082 m2 SHON
- Coût : 4,3 M€ HT
Programme : rénovation du château et extension comprenant 26 logements regroupés dans le château, des espaces de vie commune et de restauration, des espaces administratifs et d’accueil, un secteur médical, des locaux pour le personnel et un bâtiment neuf dédié à l’administration.