Construit durant les années 1930, l’ouvrage de béton brut développe 130 m de façades le long du canal de l’ourcq.

Cinq étages, 30 m de hauteur, une emprise de 130 x 36 m… l’énorme ouvrage de béton brut est arrimé le long d’un canal comme un cargo à quai. Dessiné à la fin des années vingt par l’ingénieur architecte Louis Suquet, alors responsable du port de Paris, le monument a abrité les magasins généraux jusque dans les années cinquante avant de devenir un entrepôt des douanes. Désaffecté au passage du xxie siècle, il a ensuite subi les épreuves du temps que seule la sagacité des graffeurs parvenait alors à détourner. Il n’était pourtant pas question de voir disparaître cet édifice d’architecture industrielle, inscrit au patrimoine du xxe siècle d’île-de-France.

Pantin renouvelé

Dans le cadre de la reconversion du site, la ville de Pantin s’ouvre aujourd’hui sur le canal. Sous un plan d’Eva Samuel, l’ancienne zone industrielle et portuaire se transforme en associant la construction de quelque 600 logements à de multiples espaces d’activités (nautisme, bureaux, commerces, services). Sur 6,5 hectares, la nouvelle Zac multiplie les liaisons urbaines et offre de généreux espaces publics. L’association des traces du passé (pavés de grès, rails de chemins de fer,…) et d’un mobilier contemporain en béton blanc et acier Corten compose un paysage portuaire domestiqué au sein duquel on imagine encore aisément le ballet incessant des péniches, des wagonnets et des véhicules qui s’activaient hier ici pour alimenter la capitale.

Les éléments de programme et l’organisation spatiale

Installée durant seize ans dans le 10e arrondissement, BETC – première agence de publicité en France – a confié la réhabilitation de l’extraordinaire bâtiment à l’architecte Frédéric Jung. En y implantant son siège social et ses bureaux, elle se positionne dans une situation phare au sein de la dynamique d’expansion du Grand Paris. La générosité de l’édifice, les surcharges envisageables, les hauteurs sous plafond des premiers niveaux sont autant d’arguments qui ont motivé son choix pour y organiser un lieu de création, de réflexion et d’expérimentation. Les espaces désormais proposés aux 900 collaborateurs de l’agence, à leurs partenaires et à leurs clients sont multiples. Ils répondent aux besoins, aux envies et à l’organisation propres à chaque équipe qui peut les investir à tous moments de la journée : de grandes tables dans des espaces ouverts, des coins plus calmes et retirés de l’agitation, des petits cubes pour deux ou trois personnes avec vue sur l’extérieur, des lieux pour travailler à 4, à 6, à 12, à 25… en cultivant toujours des rapports de convivialité et de créativité.

L’équipement est organisé en deux parties reliées par un grand hall et des passerelles. Son rez-de-chaussée est ouvert sur la ville et à ses habitants. Trop contraignant pour être conservé, l’ancien quai de chargement a laissé place à un espace de plain-pied facilement accessible par le hall traversant. Partie intégrante de l’espace public, ce niveau accueille des commerces, de la restauration, des lieux culturels (brasserie, studios, hall expo, magasin bio…). Son statut est affirmé par le traitement du hall dont le revêtement en pavés s’inscrit dans la continuité du quai.

Situés de part et d’autre de l’entrée, deux noyaux en béton banché regroupent les principales circulations verticales. Les escaliers de secours s’y enroulent autour des poteaux d’origine sur toute la hauteur du bâtiment. Préservés comme des vestiges archéologiques, ces éléments matérialisent les descentes de charges en s’affinant au fur et à mesure de la progression dans les étages. Deux espaces majeurs sont installés au premier niveau ; un dans chaque bâtiment. Côté capitale, le Garage agglomère 1 800 m2 d’ateliers et de studios de production. Boîtes dans la boîte ou interstices valorisés, ils accueillent des aménagements d’échelles et de fonctions variées confiés par l’occupant à des équipes de jeunes architectes et designers. Ici, des gradins pour improviser une salle de projection, là, des serres agricoles pour les salles de réunion, là encore, des cabanes en tôle petites ondes… L’autre plateau est dédié à la Cantine – le restaurant de l’entreprise –, au cœur de laquelle est installée la documentation. On peut y déjeuner, petit-déjeuner, mais aussi travailler « comme à la maison », y tenir une réunion ou encore consulter des magazines ou des livres.

La lumière naturelle pénètre dans l’épaisseur du bâtiment par les façades extérieures, mais aussi par les puits de lumière du patio planté créé dans les niveaux supérieurs. Celui-ci a impliqué la déconstruction de près de 4 000 m2 de surface de plancher. Porté grâce à la relation de confiance qui lie BETC et Jung Architectures depuis quinze ans, ce « sacrifice » a permis la création d’espaces ouverts et lumineux où tout est fait pour encourager les rencontres spontanées. Ainsi, derrière des façades intérieures en mélèze, de multiples espaces permettent aux occupants de travailler ensemble dans l’environnement qu’ils souhaitent en multipliant les circulations et les points de convergence. Enfin, le cinquième étage a été en partie démantelé pour accueillir un jardin en pleine terre. Tout en assurant des refuges pour les insectes et les oiseaux, les poutres de structure forment aujourd’hui une immense pergola sous laquelle il fait bon travailler ou se détendre.

1 400 m de coursives ceinturent l’imposante structure sur ses quatre faces.
1 400 m de coursives ceinturent l’imposante structure sur ses quatre faces.
des places et une promenade agrémentées de jardins accompagnent le bâtiment.
des places et une promenade agrémentées de jardins accompagnent le bâtiment.
Des vues sur le grand Paris à tous les étages.
Des vues sur le grand Paris à tous les étages.
Au cœur de l’édifice, un patio triple hauteur, créé par la suppression de 4 000 m2 de planchers, assure une réponse environnementale en termes de ventilation, de rafraîchissement, de désenfumage et de lumière naturelle.
Au cœur de l’édifice, un patio triple hauteur, créé par la suppression de 4 000 m2 de planchers, assure une réponse environnementale en termes de ventilation, de rafraîchissement, de désenfumage et de lumière naturelle.

La préservation des bétons patrimoniaux

Le projet de réhabilitation a été mené en étroite liaison avec l’architecte des bâtiments de France. En premier lieu, la structure en béton armée, réglée selon une trame de 7 x 10 m, a été préservée et mise en valeur. La structure n’a pas nécessité d’intervention particulière pour assurer sa stabilité au feu.

Un travail technique approfondi a été réalisé pour préserver les qualités des bétons d’origine (passivation, ignifugation, ragréages, reprise des pathologies, mise en valeur architecturale…). À l’intérieur, les empreintes des coffrages à la planche sont restées apparentes, de même que les marques techniques originales (repérage des files, charges admissibles des plateaux...). À l’extérieur, elles sont recouvertes d’un enduit couvrant, comme à l’origine, complété par l’application d’un produit pelliculaire uniformisateur. Le deuxième point de la réhabilitation a concerné le maintien des façades historiques. Les allèges en briques de laitier et briques de terre cuite des élévations ont été préservées sauf en R+1 où les produits verriers ont été placés en retrait des poteaux tandis que les 1 400 m de coursives ceinturant le bâtiment sur toute sa hauteur étaient aménagées en terrasses et balcons extérieurs.

Répondant aux exigences de la RT 2012 et du label BBC rénovation, la réalisation a fait l’objet d’une démarche HQE® combinant eau chaude solaire, pompes à chaleur, traitement des ponts thermiques, jardins suspendus, toiture végétalisée…

Au-delà de la pénétration de la lumière naturelle, le patio triple hauteur situé au cœur de l’édifice assure une réponse environnementale aux exigences en matière de ventilation naturelle, de rafraîchissement et désenfumage. Quant aux répercutions énergétiques de la continuité des planchers béton de l’intérieur à l’extérieur, elles ont fait l’objet de différentes spéculations. Dans une première approche, le traitement des ponts thermiques a été envisagé par sciage des dalles au droit des coursives avant que la pertinence d’une isolation en fourreau soit démontrée. De fait, pour pallier l’effet « radiateur » des coursives, les dalles ont reçu une isolation renforcée en plafond et en sous-face, sur une profondeur de 2 m en partant du nu extérieur du bâtiment.

Enfin, le remplacement des menuiseries d’origine fer en T par des ouvrants double vitrage à l’anglaise, combiné à l’installation de stores extérieurs au nu des coursives, assure un confort d’usage sans climatisation.

Ainsi, autrefois pensés comme une plateforme logistique vouée au transfert des marchandises, les magasins généraux abritent aujourd’hui une activité humaine permanente. Abritée par l’imposante structure, une population nomade et connectée y officie en fonction de ses besoins et de ses occupations, en profitant du paysage de la périphérie en mutation. Dans vingt ans, on sera à Paris.

En partie démantelé, le dernier niveau accueille un jardin en pleine terre.
En partie démantelé, le dernier niveau accueille un jardin en pleine terre.
Au cœur de l’édifice, un patio triple hauteur, créé par la suppression de 4 000 m2 de planchers, assure une réponse environnementale en termes de ventilation, de rafraîchissement, de désenfumage et de lumière naturelle.
Au cœur de l’édifice, un patio triple hauteur, créé par la suppression de 4 000 m2 de planchers, assure une réponse environnementale en termes de ventilation, de rafraîchissement, de désenfumage et de lumière naturelle.
Au cœur de l’édifice, un patio triple hauteur, créé par la suppression de 4 000 m2 de planchers, assure une réponse environnementale en termes de ventilation, de rafraîchissement, de désenfumage et de lumière naturelle.
Au cœur de l’édifice, un patio triple hauteur, créé par la suppression de 4 000 m2 de planchers, assure une réponse environnementale en termes de ventilation, de rafraîchissement, de désenfumage et de lumière naturelle.

Reportage photos : Hervé ABBADIE

Maître d’ouvrage : Nexity – Maître d’œuvre : Jung Architectures – Paysagiste : Carolina Fois, paysagiste – BET structure : Khephren – BET HQE® : Greenaffair – Entreprise gros œuvre : GCC – Surface : 18 000 m2 SHON – Coût : 45 M€ HT – Programme : bureaux, restaurant d’entreprise, studio de communication, commerces, espace culturel.



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