Le Grand Paris Express est l’un des grands chantiers du XXIe siècle dédié au développement de la région capitale. La ligne 15 sud sera la première à être mise en service dès 2022.
Métro automatique de 200 km, dont 180 km de tunnels, pour relier les quartiers d’affaires, les pôles scientifiques, les aéroports et les gares TGV, 68 nouvelles gares à vocation de centralités urbaines… beaucoup plus qu’un réseau de transport, le Grand Paris Express (GPE) constitue l’ossature du développement économique francilien à l’horizon 2030. Redessinant les contours de la métropole, le GPE va contribuer à rééquilibrer les disparités spatiales grâce à la construction de nouveaux quartiers autour des gares. Le GPE, c’est aussi un symbole de la transition énergétique puisque ce métro automatique, écologique en soi, réduira d’autant la congestion automobile et la pollution qui en découle tout en simplifiant le quotidien de millions de franciliens. Les estimations chiffrent à deux millions le nombre de voyageurs qui emprunteront chaque jour ce réseau, avec des temps de trajet considérablement réduits grâce aux rocades et à une vitesse commerciale de 55 km/h.
En attendant, pour que ce gigantesque chantier profite au plus grand nombre, Philippe Yvin, président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP), rappelle l’importance de « l’empreinte économique et sociale du Grand Paris » : 20 % du montant des marchés sont réservés à des PME ; l’insertion doit représenter 5 % des heures travaillées ; les principaux éléments nécessaires à la construction du nouveau métro, par exemple les voussoirs en béton des tunnels, seront fabriqués en île-de-France.
Ligne 15 sud, entre Pont-de-Sèvres et Noisy-Champs
Les études de Génie Civil de la ligne et des gares ont été menées par Setec TPI et Ingérop sur le tronçon Pont-de-Sèvres – Villejuif Louis-Aragon et par Systra sur le tronçon Villejuif Louis-Aragon – Noisy-Champs. La ligne 15 sud sera la première à être mise en service fin 2022. Longue de 33 km, cette ligne souterraine dessert 22 communes, 16 gares entre Pont-de-Sèvres (92) et Noisy-Champs (93 et 77). À ces 33 km s’ajoutent 4 km de raccordement au site de maintenance des infrastructures à Vitry et au site de maintenance et de remisage du matériel roulant à Champigny. L’interconnexion avec les lignes radiales existantes est l’un des atouts de ce tracé : 15 des 16 gares qui la structurent sont en interconnexion directe avec le métro, le RER ou les Transiliens. La 16e, Vitry-Centre, se trouve à proximité immédiate du tramway T9. La ligne 15 sud facilite donc les déplacements de banlieue à banlieue tout en améliorant la desserte de grands équipements régionaux comme l’Institut Gustave Roussy à Villejuif, le musée d’art contemporain « MAC VAL » à-Vitry-sur-Seine ou l’hôpital Henri Mondor à Créteil...
Les gares, vecteurs d’aménités urbaines
Dans le cadre de ce développement global, les gares jouent un rôle urbain majeur. Plus que de simples stations, elles sont conçues comme des centralités emblématiques du Grand Paris : intégrées dans leurs contextes – géographique, urbain, social, économique –, accueillantes, ouvertes sur leur quartier, elles font également l’objet de projets immobiliers, logements ou bureaux, et d’aménagements, vecteurs d’une dynamique nouvelle.
Génératrices de quartiers mixtes et animés, elles privilégient l’innovation dans les modèles économiques, les procédés et les matériaux de construction ainsi que des conceptions énergétiques... La charte architecturale imaginée par Jacques Ferrier et Pauline Marchetti exprime l’idée de « gare sensuelle ». Ainsi, à mesure qu’il plonge dans les tréfonds de la terre, le parcours se doit d’être intuitif et sensoriel : séquençages de la descente, variations des volumétries spatiales, alternances d’éclairages, effets acoustiques, choix des matériaux sont les moyens dont disposent les équipes de maîtrise d’œuvre qui ont donc pour mission de dépasser la logique purement infrastructurelle et sa cohorte de contraintes techniques, commerciales et sécuritaires pour transformer ces gares souterraines en lieux de vie accueillants et connectés. Plusieurs architectes ont choisi le béton dont ils exploitent les textures pour développer des univers singuliers.
Forme organique à Vitry
S’inscrivant dans un tissu urbain dense, la gare de Vitry-Centre « égratigne » le parc du Coteau, espace vert très apprécié des riverains. Comme pour restituer cet emprunt, l’agence bordelaise King Kong crée un ruban de béton clair qui circule dans le parc, devient clôture, garde-corps ou banc avant de se soulever pour former une grande voûte où apparaît l’entrée de la gare. Végétalisée dans sa partie supérieure, cette forme organique semble une émanation du parc tout en assurant sa vocation de repère urbain. L’intérieur, tel un gouffre minéral, sera traité avec du béton.
Émergence d’un squelette aux Ardoines
Signée Valode et Pistre, l’architecture de la nouvelle gare des Ardoines s’inspire des mutations du quartier qui va se densifier et se tourner vers les biotechnologies. Le béton, repris dans les structures de la gare, est un élément contextuel fort. Depuis le fond de la gare émerge la structure constituée de voiles de béton perforés qui s’évident à mesure qu’elle s’élève. Son dessin biomorphique l’apparente à un squelette. La teinte du béton autoplaçant avec des granulats clairs sera proche de la couleur naturelle des os.
Grotte souterraine à Bagneux
La gare de Bagneux est l’une des plus profondes du GPE avec des quais à 33 m de profondeur. Marc Barani réalise en surface une gare épurée avec une structure en béton. À l’intérieur, une grande faille permet de faire descendre rapidement le voyageur dans une « grotte agréable » en béton clair. Insistant sur la fluidité des circulations et le rapport du corps à l’espace, Marc Barani s’inspire de l’approche phénoménologique de Bachelard pour créer une expérience sensorielle.
3 questions à Guillaume Pons, directeur de projet de la ligne 15 sud du Grand Paris Express
Que révèle la géologie du sous-sol et quelles sont les incidences sur le profil en long du tunnel ?
Au-delà des tissus urbains très contraints et de la traversée sous-fluviale entre Pont-de-Sèvres et Issy RER, l’ouest de la ligne se développe dans un substrat géologique particulièrement compliqué en raison d’une immense zone de carrières (5 à 6 km) entre Issy RER et Arcueil-Cachan. Son étendue est telle qu’il n’a pas été possible de l’éviter. Le tunnel va donc passer dessous, ce qui nécessite un comblement partiel des cavités pour garantir la maîtrise technique du creusement. La profondeur moyenne des gares se situe entre 25 et 30 m. Elle atteint 48 m à Villejuif en raison du passage du tunnel sous la vallée de la Bièvre au niveau de l’Institut Gustave Roussy, point le plus haut du Val-de-Marne, et 53 m à Saint-Maur-Créteil pour s’affranchir d’une géologie d’argiles particulièrement défavorable. Ces données géotechniques impactent le profil en long de la ligne qui doit être compatible avec les contraintes techniques du matériel roulant, tant pour les rayons de courbure que pour les pentes.
Où en sont les attributions des marchés et l’avancement des travaux ?
L’ensemble de la ligne et les huit marchés de Génie Civil ont été attribués, soit plus de 3 milliards d’euros. Ces marchés comprennent, selon les cas, la construction de gares, des tunnels forés, des ouvrages spécifiques – entonnements, arrière-gare – et des ouvrages annexes – accès de secours, puits de ventilation. En 2016, ont commencé les chantiers de la gare Fort d’Issy – Vanves – Clamart et les travaux de l’arrière-gare de Noisy-Champs. En 2017, 14 des 16 gares et 31 des 38 ouvrages annexes sont en travaux. Les chantiers de Pont de Sèvres et Châtillon-Montrouge commenceront en 2018.
Le GPE est entièrement conçu en BIM (Building Information Model). Quel est l’intérêt de la modélisation à cette échelle ?
L’innovation fait partie de l’ADN du GPE, qui est le premier métro du monde conçu en BIM depuis la conception jusqu’à la mise en service. Un partenariat étroit entre la Société du Grand Paris, les collectivités locales, les concepteurs et les entreprises a permis de réaliser une carte interactive qui modélise en 3D les territoires concernés par le futur métro. Les modélisations, obtenues à partir de vues aériennes, ont permis de reconstituer plus d’un million de bâtiments existants et donnent une représentation extrêmement précise des futures gares, des intermodalités ainsi que des programmes immobiliers connexes.
Chiffres clés
33 km
16 gares
38 ouvrages annexes
22 communes
4 départements : 92, 94, 93, 77
250 000 à 300 000 voyageurs/jour (en semaine) à la mise en service
Illustrations 3D : © Atelier d'architecture King Kong; Atelier Barani ; Valode & Pistre (ARCHI GRAPHI)
Maître d’ouvrage : Société du Grand Paris – Maître d’œuvre : Setec tpi, Ingérop, Systra, Egis ; 11 agences d’architecture – Allotissements et attribution des marchés de Génie Civil : cf.www.societedugrandparis.fr