L’école d’ingénieurs SeaTech, conçue par l’agence d’architecture Corinne Vezzoni et associés, se présente comme une grande masse de béton qui tourne le dos aux infrastructures pour reconquérir le paysage.
SeaTech est l’une des 210 écoles françaises habilitées à délivrer un diplôme d’ingénieur. Située à La Garde, commune limitrophe de Toulon, elle est spécialisée dans les technologies marines. Elle est née du regroupement en 2014 de l’ISITV et de Supméca Toulon. Entre laboratoires, amphithéâtre, bureaux et locaux de détente, l’école est comme une ruche, beaucoup de vie, de va-et-vient, pas de bruit.
À la reconquête du paysage
Au sein d’un futur pôle technologique, le contexte urbain de l’école est caractéristique des périphéries françaises. Entre La Garde et Toulon, le long de la voie rapide, des grandes surfaces s’égrènent de part et d’autre de l’infrastructure et ont petit à petit dégradé le paysage. Le terrain à construire s’implantait à mi-hauteur, juste au-dessus de la zone commerciale avec ses nappes de parkings et d’enrobés et en dessous d’une colline encore boisée. Corinne Vezzoni explique : « Avec sa végétation intacte de genêts et sa terre rouge, l’espace naturel de la colline était tel que devait être le site avant l’arrivée de l’autoroute, tapissé de plantes aromatiques, de chênes verts et d’arbustes méditerranéens et parcouru de sentiers. Depuis ces sentiers, le paysage était resté particulièrement qualitatif. La zone commerciale en contrebas disparaissait à la vue pour laisser la place au panorama lointain, le Coudon, le mont Faron. Cette qualité paysagère a été le point de départ de notre réflexion. » Elle poursuit « Au moment du concours et de la “prise de site”, c’est cette idée de reconquérir ce paysage initial qui nous a guidés. Pour ce faire, nous avons cherché à développer un bâtiment qui serait comme une strate soulevée du terrain. Un monolithe extrait de cette colline de bauxite et ancré dans la pente. »
Parti urbain
Ce parti est d’autant plus important que la communauté d’agglomération de Toulon Provence Méditerranée, maître d’ouvrage de l’opération, souhaitait que les candidats architectes développent au travers du projet de la future école une réflexion plus globale et à grande échelle pour offrir une « image valorisante » au pôle technologique. Partant de cette idée de mise en scène du paysage, l’agence d’architecture propose d’installer l’ensemble des futures entités à flanc de colline en s’appuyant sur les ondulations naturelles de celle-ci. L’ensemble forme un chapelet de bâtiments organisés dans une composition géométrique commune. Cette posture crée une homogénéité volumétrique pour l’ensemble du campus tout en permettant à chaque bâtiment d’avoir sa propre identité. Depuis l’autoroute, le pôle technologique offre un repère simple, efficace et visible : une « guirlande » de bâtiments qui serpente en pied de colline boisée. Les toitures de ces bâtiments ancrés dans la pente offrent des activités complémentaires sur les toits, comme des belvédères auxquels on accède depuis les sentiers existants pour profiter des paysages lointains.
Bâtiment sculpté
L’intelligence de ce parti a permis de séduire le jury. Aujourd’hui, quelques années plus tard, le pôle technologique est construit. Le volume bâti de l’école vient s’encastrer dans la pente de la colline. Il forme un R+2 en aval, le long du mail d’implantation générale. C’est la façade la plus imposante, celle qui accueille le visiteur et donne une lisibilité à cet équipement public d’enseignement supérieur. Compte tenu de son orientation plein nord, elle a pu être complètement vitrée, simplement animée d’une sérigraphie surdimensionnée au nom de l’école. Elle abrite des activités d’enseignement et laisse deviner les différents ateliers avec leur activité intérieure. Au crépuscule, elle joue un rôle de balise urbaine formant un repère lumineux depuis l’autoroute.
Pour renforcer le concept de socle extrait de la colline, la toiture plantée du bâtiment s’implante en continuité du point haut, laissant la place à des activités extérieures, loin des parkings et des surfaces commerciales, à proximité de la nature et du paysage. Les façades latérales du bâtiment ont été travaillées pour donner une impression de masse. Les ouvertures sont peu nombreuses et regroupées pour former des bandeaux horizontaux ou verticaux. Réalisé en béton architectonique, l’ouvrage a nécessité un travail minutieux pour que le matériau s’inscrive en continuité avec la terre rouge des collines environnantes. Des agrégats du site ont d’abord été joints à la formulation générale du béton. Comme la teinte ne convenait pas aux architectes, des pigments naturels de bauxite ont été ajoutés pour se rapprocher des rouges-bruns de la colline. L’aspect de surface a également été affiné, laissant apparaître des zones poncées et d’autres non pour renforcer l’aspect naturel de la matière.
Du plus public au plus privé
À l’intérieur, l’ambiance est tout autre. Un vaste patio central permet de faire entrer la lumière naturelle dans l’ensemble des locaux. Les façades du patio sont largement percées et reçoivent une isolation par l’extérieur recouverte d’un enduit RPE de teinte blanche. Ce positionnement de l’isolation à l’extérieur permet de profiter de la finition béton brut à l’intérieur des locaux.
Fonctionnellement, le projet s’organise à travers une première séquence allant du parvis d’accueil extérieur vers le hall d’entrée qui se développe le long du vaste patio intérieur. Ouvert en atrium sur trois niveaux, ce hall constitue un lieu convivial et à l’échelle de l’école. Au rez-de-chaussée, s’organisent l’amphithéâtre et les différentes salles de travaux dirigés. Bordant le hall, une vaste circulation verticale permet d’atteindre les niveaux supérieurs. Au niveau intermédiaire du R+1, s’implantent l’administration et le pôle recherche. Enfin, au-dessus, se trouvent les locaux les plus « intimes » de l’établissement, la bibliothèque et le foyer. Ces locaux, lieux de convivialité des étudiants, profitent d’un accès direct à l’extérieur côté colline.
À l’intérieur, le béton est omniprésent. S’il est teinté dans la masse à l’extérieur, il est gris à l’intérieur et offre un « fond » relativement neutre. Il est d’une grande pérennité pour cet équipement mis à rude épreuve notamment dans la partie laboratoire d’expérimentation. « Le béton est un matériau qu’on affectionne particulièrement à l’agence, explique Corinne Vezzoni, car il participe à notre volonté d’offrir une architecture à la fois forte et sobre. Le travail de la matière qu’il permet est pour nous une source importante d’inspiration et de recherche. »
Le budget limité a conduit les architectes à proposer des aménagements intérieurs d’une grande sobriété et laissant apparaître la structure du bâtiment, avec des faux plafonds partiels et des fluides qui circulent en chemin de câble apparent. Le bâtiment lui-même devient objet d’enseignement dans ce lieu qui forme les ingénieurs de demain.
La présence intérieure du béton participe également au parti bioclimatique du bâtiment. L’inertie y joue un rôle important, notamment pour assurer le confort d’été. Ici, la prise de site encastrée dans la colline, la toiture plantée ajoutée au béton intérieur offrent un bâtiment qui tire parti de sa masse et de son inertie pour préserver la fraîcheur des locaux pendant les journées d’été. Pour renforcer encore cette impression naturelle de fraîcheur et supprimer le recours à la climatisation, un puits provençal a été mis en place pour rafraîchir l’ensemble du bâtiment en saison chaude. L’édifice répond à la démarche Bâtiment Durable Méditerranéen.
Reportage photos : Lisa RICCIOTTI et David HUGUENIN
Maître d’ouvrage : communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée – Maître d’œuvre : Corinne Vezzoni et associés – Entreprise gros œuvre : Eiffage Construction Var – Surface : 5 200 m2 SDP – Coût : 7,3 M€ HT – Programme : bureaux, ateliers, salles de classe (15 salles dédiées à l’enseignement – cours, TD, multimédia, mécanique, ingénierie, matériaux, métrologie), amphithéâtre, bibliothèque, 4 laboratoires, foyers étudiants.