Quatre nouvelles stations de métro, un tunnel de 5,8 km qui les relie… le chantier destiné à prolonger la ligne 14, de Saint-Lazare à Mairie de Saint-Ouen, est de grande ampleur.
Avec 610 000 voyageurs chaque jour, la ligne 13 est l’une des plus chargées du réseau de métro parisien, surtout au-delà de Saint-Lazare. L’extension en cours de la ligne 14 vers le nord, qui ouvrira en 2019, doit réduire sa saturation : son objectif principal vise en effet à diminuer son trafic de 20 à 25 %. Mais le prolongement offrira aussi une meilleure desserte des territoires en développement et des projets urbains, grâce à la création de quatre stations. Pont Cardinet, Porte de Clichy, Clichy Saint-Ouen et Mairie de Saint-Ouen se trouveront au plus près des nouveaux quartiers : celui de Clichy Batignolles à Paris, les ZAC de Clichy-la-Garenne et le futur quartier des Docks à Saint-Ouen. Des secteurs qui réunissent quelque 96 000 habitants et 72 000 emplois. Outre un renforcement des correspondances avec le réseau de transports en commun actuel ou à venir, ce tronçon de la ligne 14 va aussi constituer la colonne vertébrale du futur réseau de transports du Grand Paris Express. Deux maîtres d’ouvrage portent le projet dont le coût est estimé à 1,4 milliard d’euros.
Le Syndicat des Transports d’île-de-France (STIF), autorité organisatrice des transports, veille au respect du programme, du calendrier et des coûts pendant la réalisation. Et la RATP, exploitante de la ligne 14 actuelle, est chargée de concevoir et de mener les travaux qui ont officiellement démarré le 11 juin 2014. Outre les classiques déviations de réseaux situés à l’aplomb du tracé, la première étape a concerné le gros œuvre des quatre futures stations. Compte tenu de la géologie du terrain constitué de sables de Beauchamp, de calcaires de Saint-Ouen, de marne et caillasses, la technique de la paroi moulée, aussi mise en œuvre pour certains ouvrages annexes, a été privilégiée. « L’opération évite les risques de déstabilisation des terrains et des bâtiments environnants, et apporte de la sécurité pour le chantier », explique Olivier Le Berre, chef de projet RATP. Des tranchées de 0,80 m à 1,50 m de large et de 40 m à 60 m de profondeur sont creusées pour atteindre le calcaire grossier. Des cages d’armatures métalliques sont disposées à l’intérieur de la cavité, puis les parois en béton sont coulées par panneaux de 7 m de large. Le volume intérieur de la « boîte » est ensuite évidé. Situées sur des terrains ferroviaires en friches, les futures stations Pont Cardinet et Porte de Clichy sont excavées à ciel ouvert.
Le principe est différent pour celles de Clichy Saint-Ouen et de Mairie de Saint-Ouen situées en milieu urbain dense. Pour préserver la vie locale et maintenir la circulation automobile, l’excavation correspondant au volume de la station est réalisée selon le principe de la tranchée couverte.
Long de 5,8 km, d’un diamètre interne de 7,75 m, le tunnel principal entre Saint-Lazare et Mairie de Saint-Ouen, est foré par deux tunneliers. « En utilisant deux tunneliers au lieu d’un, nous gagnons un an sur la durée du chantier », ajoute Olivier Le Berre. « Et cela procure du temps supplémentaire pour faire des injections de confortement de terrain à certains endroits, sous le passage du RER C par exemple, ou encore sous des ouvrages aux fondations sensibles. » Spécifiquement conçus pour le projet, avec une roue de coupe adaptée à la géologie des terrains, les deux tunneliers sont à pression de terre, une technique qui consiste à maintenir un front pressurisé favorisant la stabilité d’un terrain meuble, sableux, où il y a présence d’eau. Le tronçon sud, entre Clichy Saint-Ouen et Saint-Lazare, est mené par le groupement Eiffage et Razel Bec. Introduit dans la future station Pont Cardinet, « Magaly », le premier tunnelier, du constructeur Herrenknecht, a démarré en septembre 2015 son parcours en direction de la gare Saint-Lazare. Arrivé à destination, il sera démonté, transporté et remonté à son point de départ (Pont Cardinet) pour repartir jusqu’à la station Clichy Saint-Ouen, soit un linéaire total de 3 620 m.
Le tronçon nord est réalisé par Bouygues Travaux Publics/Soletanche Bachy France/ Soletanche Bachy tunnel/CSM Bessac. « Solenne », le tunnelier de ce groupement, fabriqué par NFM Technologies, doit réaliser 1 719 m de tunnel entre la future station Clichy Saint-Ouen RER et la rue Marcel Cachin, à Saint-Denis. Assemblé au fond de la « boîte » de l’ouvrage annexe place du Capitaine Glarner, à une trentaine de mètres sous la surface du terrain naturel, il a démarré son creusement en 2016 en direction de Mairie de Saint-Ouen. C’est aussi lui qui réalisera sur 501 m le raccordement souterrain au Site de Maintenance et de Remisage (SMR) des rames, seule une courte portion, dans le quartier des Docks de Saint-Ouen, étant effectuée en tranchée couverte depuis la surface. Enfin, « Solenne » reviendra à son point de départ et sera retourné pour creuser le tronçon rejoignant la station Clichy Saint-Ouen. Les deux tunneliers fonctionnent 24 heures sur 24, de cinq à sept jours par semaine, à raison de 12 m d’avancement moyen au quotidien, soit une cadence d’environ 250 m par mois. Chaque chantier occupe environ 70 techniciens répartis en trois postes.
Bonna Sabla – Capremib, 24 000 voussoirs béton à produire
La société Bonna Sabla, associée pour le lot 1 à Capremib, Razel-Bec et Eiffage et pour le lot 2 à Capremib, participe au prolongement de la ligne 14. À Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), elle produit et fournit les éléments préfabriqués pour environ 6 km du tunnel de diamètre intérieur 7,75 m. Soit 24 000 voussoirs représentant un volume de béton de 58 000 m3 et 5 300 tonnes d’armatures ! Pour répondre à ce défi, les installations de son site historique, créé en 1894 par Aimé Bonna, l’inventeur du tuyau en béton âme tôle, ont été rénovées et deux nouvelles centrales à béton ont vu le jour. La production industrielle a démarré en avril 2015, quelques mois avant que le premier tunnelier n’entame son creusement. Un laps de temps nécessaire pour constituer un stock suffisant de voussoirs afin d’alimenter en continu à Pont Cardinet le tunnelier du lot 1 et à Saint-Ouen le tunnelier du lot 2. La production des voussoirs est répartie sur deux ateliers pour fabriquer les anneaux composés de 7 voussoirs. La production effectuée sur postes fixes permet de réaliser environ 8 anneaux par jour pour le lot 1 et 6 pour le lot 2.
« Les voussoirs sont très techniques sur le plan dimensionnel, avec des tolérances géométriques strictes, de l’ordre du millimètre, et de fortes exigences sur la qualité du béton », explique Farida Maibeche-Caperon, directeur opérationnel Génie Civil/hydraulique chez Bonna Sabla. Un anneau de 1,80 m de long correspond à un volume d’environ 18 m3 de béton, un anneau de 1,50 m à environ 14 m3. Le béton de classe de résistance C35/45 correspond aux classes d’exposition XC3/XA2. Après séchage de quelques heures dans leurs moules, les voussoirs pesant près de 7 tonnes chacun sont démoulés, retournés, puis stockés en piles de sept, sur un parc de 20 000 m².
Une noria de camions – quelque 12 000 rotations au total ! – est nécessaire pour acheminer les matières premières à l’usine, puis livrer les voussoirs sur les sites du nord de Paris. Bonna Sabla, qui espère désormais se placer sur les autres chantiers du Grand Paris Express, imagine rénover les accès par le rail et par la Seine de son usine afin de minimiser l’impact environnemental du transport.
L’énergie du sol pour chauffer, ou rafraîchir, les stations Porte de Clichy et Mairie de Saint Ouen
La technique éprouvée depuis plusieurs années dans certains pays européens commence à se développer en France. Elle est notamment mise en œuvre pour les stations Porte de Clichy et Mairie de Saint-Ouen qui vont se chauffer, ou se refroidir, grâce à des fondations thermoactives. La technique utilise des tubes de captage insérés dans les cages d’armature des parois moulées des fondations des stations qui se trouvent dans un sol à une température constante d’environ 12 °C. Ces tubes, parcourus par un fluide caloporteur (eau-glycol) qui pare à tout risque de gel, sont associés à des dispositifs échangeurs couplés à une pompe à chaleur, dont le rôle consiste à effectuer les échanges thermiques entre le circuit primaire (réseaux géothermiques) et le circuit secondaire (réseaux de distribution de l’énergie). En fonction de la température ambiante, et selon un principe de réversibilité, les boucles de captage géothermique transmettent de la chaleur depuis ou vers le sol, et assurent ainsi une régulation climatique de la station : chauffage l’hiver, climatisation l’été.
Calendrier
2014 : début des travaux
2015-2018 : Génie Civil des stations, tunnels, site de maintenance des rames, ouvrages annexes
2017-2019 : aménagements
2018–2019 : essais, marches à blanc
2019 : mise en service
Chiffres clés
Longueur : 5,8 km, en souterrain
Matériaux à extraire : 360 000 m3
Volume de béton lots 1 et 2 (hors tunnels) : 195 000 m3
4 nouvelles stations
2 correspondances : avec la ligne 13 à la station Porte de Clichy, branche Asnières-Gennevilliers ; à Mairie de Saint-Ouen, branche Saint-Denis Université
Maître d’ouvrage : STIF, RATP – Maître d’œuvre : Systra – Coût du projet : 1,38 Md€ (conditions économiques 1/2012) – Financé par : la Société du Grand Paris (55 %), la ville de Paris (20 %), la région Île-de-France (13 %), le conseil départemental des Hauts-de-Seine (3 %) et celui de la Seine-Saint-Denis (3 %). Les 6 % restants entrent dans le cadre de la période de contractualisation – Matériel roulant : (619 M€ pour 35 nouvelles rames MP14) financé à 100 % par le STIF – Mise en service : 2019.