Saint-Ouen

La Zac des Docks à Saint-Ouen, commune jouxtant le nord de Paris, est un vaste territoire de 100 hectares, en pleine mutation, situé le long de la Seine et marqué par son passé de grand site industriel. Sélectionnée comme écoquartier par l’État et désignée comme nouveau quartier urbain par la région île-de-France, cette zone couvre un quart de la superficie de la commune et doit comprendre, à terme, pas moins de 860 000 m² de logements dont 40 % de logements sociaux. Le projet réalisé par l’agence Valéro Gadan n’en représente qu’une petite part, soit 69 logements, programme auquel s’est ajouté un gymnase multisport. La parcelle allouée au projet impliquait trois challenges. Située face et à quelques dizaines de mètres de l’usine de traitement des déchets Syctom et à ses cheminées, il convenait de gérer au mieux cette présence.

La position du terrain, implanté en lisière de la ZAC, imposait à la nouvelle construction une fonction de « fond de scène ». Enfin, il apparaissait comme primordial pour les architectes de tirer le meilleur parti de la relative petitesse de la surface à disposition. En effet, les différents îlots réservés aux immeubles de logements illustrent le choix qui a été fait de la densité. Ce parti pris, a permis de « libérer » et de consacrer plus de 10 % de la surface de la ZAC à la création d’un parc paysager de 12 hectares. Pour allier au mieux densité des constructions et vues sur le parc ou le paysage au lointain, les volumes des différents immeubles sont implantés suivant un dispositif en quinconce, de façon, également, à laisser pénétrer le soleil en cœur d’îlot.

Le volume des logements s’érige à la manière d’une tour totem de 11 niveaux.
Le volume des logements s’érige à la manière d’une tour totem de 11 niveaux.

Une combinaison réussie

Dans un tel cas de figure, toutes les façades ont la même importance, ce qu’illustre parfaitement la proposition de l’agence Valéro Gadan, laquelle déploie un ensemble cohérent, sans façade arrière ou secondaire. Le projet se décompose en deux grands volumes, l’un consacré aux logements et l’autre au gymnase multisport, lesquels s’emboîtent et forment un ensemble efficace et cohérent. Placé en bordure de la rue Ardouin, le parallélépipède du gymnase fait office de socle et de support à un jardin tenant lieu de tampon visuel pour les logements qui font face à l’usine Syctom. Le volume des logements s’érige à la manière d’une tour totem de 11 niveaux. Placé en retrait par rapport aux voies passantes, il déborde légèrement sur le gymnase, de façon à récupérer les mètres carrés nécessaires imposés par le programme.

Les différents accès aux halls d’entrée, définis par le projet paysager général de la ZAC, sont situés le long de mails piétons. Conçus comme un prolongement du parc voisin, ils desservent les cœurs d’îlôt – une façon « douce » et verte de rejoindre son appartement.

Dans cet esprit de confort et de qualité de vie, les architectes ont ici fait le choix de systématiser le placement des séjours dans les angles et de les accompagner de loggias, excepté pour quelques-unes des petites surfaces de type T1 ou T2. Ce principe qui consiste à creuser le volume construit et à créer un certain relief est devenu le fer de lance du projet.

Une modénature au relief subtil inspiré par les QR codes et repris comme motif pour signer l’identité de la réalisation.
Une modénature au relief subtil inspiré par les QR codes et repris comme motif pour signer l’identité de la réalisation.
Les deux halls d’entrée se déploient sur une double hauteur, à la manière d’un espace tampon entre extérieur et intérieur.
Les deux halls d’entrée se déploient sur une double hauteur, à la manière d’un espace tampon entre extérieur et intérieur.

Une identité forte

Pour accompagner leur première esquisse, la développer, la renforcer et lui insuffler un certain rythme, les concepteurs se sont inspirés du dessin d’un QR code et s’en sont servis comme trame, à plusieurs échelles, à la manière d’une identité visuelle, ici architecturale. Ce motif géométrique définit la modénature et le relief précis des différents panneaux de façade autant que le design des halls d’entrée. Plus globalement, il guide le dessin des volumes bâtis, lesquels semblent creusés de façon aléatoire, alors qu’ils sont le résultat d’un ordonnancement précis. Pour le mettre en valeur et le rendre plus signifiant, les jeux de contraste pleins/vides sont renforcés par l’utilisation de matériaux aux finitions différentes, appuyant l’organisation de ces pleins et de ces vides, et le décalage des loggias. Au final, le plus important, outre le travail des façades, concerne le confort des habitants qui profitent de logements à double orientation, de surfaces extérieures généreuses et d’espaces de vie lumineux. Ainsi, et afin de pouvoir augmenter sensiblement la surface des baies vitrées de la pièce à vivre sans augmenter le coût de réalisation, la majeure partie de la baie est fixe, associée à un ouvrant de 90 cm de large.

Le jardin installé sur le volume du gymnase crée un filtre entre les logements et l’usine qui leur fait face.
Le jardin installé sur le volume du gymnase crée un filtre entre les logements et l’usine qui leur fait face.
Jeu de contraste entre les panneaux de béton blanc et les panneaux de béton lisse recouverts d’une peinture métallisée.
Jeu de contraste entre les panneaux de béton blanc et les panneaux de béton lisse recouverts d’une peinture métallisée.

Le béton mis en valeur

L’ensemble de la construction a été majoritairement réalisé en béton, structures et façades. La plupart des éléments ont été coulés en place. Seuls les panneaux de façade en béton blanc autoplaçant ont été préfabriqués. Réalisés à l’aide d’une matrice sur mesure reprenant le dessin élaboré par les architectes sur la base d’un QR code, ils forment la peau des deux volumes, gymnase et logements, et en font l’une des principales particularités du bâtiment. Chaque panneau de 2,80 x 2,84 cm correspond à une hauteur d’étage, dalle comprise. De nombreux essais ont été nécessaires, d’une part, pour aboutir à la couleur souhaitée, en associant du ciment blanc à un colorant de teinte grise, et d’autre part, pour obtenir l’exactitude du relief recherché, de 1 cm de profondeur. Enfin, pour gérer au mieux le calepinage des panneaux et de tous les autres éléments, et surtout l’ensemble des détails de réalisation, un échantillon en vraie grandeur a été réalisé, représentant une hauteur d’étage sur 10 m de long avec raccord d’angle et plancher. Outre les garde-corps, il met en scène le contraste entre le relief de la peau en béton blanc et les panneaux de béton recouverts d’une peinture métallisée qui, tantôt accentuent l’effet de profondeur des « vides » (les fonds de loggias), tantôt participent à la composition des façades en jouant l’alternance avec les panneaux matricés.

Plan d’étage courant
Plan d’étage courant
Plan de situation
Plan de situation
Coupe: 1. Logements 2. Gymnase
Coupe: 1. Logements 2. Gymnase

Performances

La structure des logements est classique. Celle du gymnase est constituée de portiques (poteau-poutre). Elle devait supporter à la fois le jardin en pleine terre (1 m de haut) implanté sur son toit et une partie des logements le recouvrant partiellement. Avec une portée de 24 m et une trame de 5 m, les poutres mises en place font 1,80 m de haut. Le gymnase est conçu pour répondre aux critères du label HQE® (l’obtention du label est en cours), alors que l’ensemble de logements est certifié NF Logements démarche HQE® et H&E profil A. Concrètement, l’accent a été mis, notamment pour le gymnase, sur le confort acoustique. Il ne devait pas y avoir d’interférences sonores entre les activités dans le gymnase et les logements qui se situent juste au-dessus. En termes de confort thermique, une isolation par l’intérieur, associée aux structures en béton, a permis de répondre aux normes. S’y ajoute la toiture végétalisée de la tour de logements, laquelle reçoit un ensemble de panneaux solaires dédiés à l’eau chaude sanitaire du gymnase. Pour le reste, la dimension environnementale est dictée et, en grande partie, gérée par la ZAC. Chaque construction bénéficie du réseau de chaleur urbain avec une sous-station l’alimentant. Les parkings souterrains sont mutualisés pour chaque îlôt, permettant économie et rationalisation. Une mutualisation reprise pour la gestion des eaux pluviales, avec une répartition par îlot de noues et de bassins de rétention, selon un dispositif parfaitement intégré au projet paysager de la ZAC, plutôt réussi. Côté gestion des déchets, l’opération profite du réseau général de collecte pneumatique. Et, même si ce quartier en devenir peine à trouver son identité, ce n’est pas le cas du projet de l’agence Valéro Gadan qui a su s’imposer dans un paysage pour le moins hétéroclite.

Le gymnase respecte les dimensions réglementaires d’un espace d’évolution de22x44m et de 7 m de hauteur libre.
Le gymnase respecte les dimensions réglementaires d’un espace d’évolution de22x44m et de 7 m de hauteur libre.

Reportage photos : Hervé  ABBADIE

Maître d’ouvrage logements : Altarea Cogedim – Maître d’ouvrage gymnase : Sequano – Maître d’œuvre : Valéro Gadan architectes – BET : Berim – Entreprise générale : Sicra – Préfabricant : Naullet – Surface logements : 5 172 m2 SHON – Surface gymnase : 1 871 m2 SHON – Coût logements : 7,1 M€ HT – Coût gymnase : 2,9 M€ HT– Programme : 69 logements et un gymnase.



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