Insérée dans un environnement contrasté, cette opération de logements déploie, parmi les pins, ses ondulations de béton blanc.
Nichée dans le 9e arrondissement de Marseille, en lisière de la ville, cette opération de logements s’inscrit dans une frange urbaine assez hétéroclite, caractéristique des zones périphériques. S’y côtoient immeubles de logements des années 80, commerces, dont certains de type hangar, équipements publics et petits pavillons avec, en fond de scène, la montagne de l’Aigle annonçant le massif des Calanques qui a donné son nom à l’opération, « La Crique », celle de Sormiou se situant à moins d’un kilomètre. La parcelle dédiée à l’opération trouve sa place au pied de la montagne dans une partie boisée qui amorce la fin de la zone construite. Dans cet univers où codes urbains et images fortes de nature se télescopent, le parti choisi par l’agence Pietri respecte les particularités de ce paysage tout en offrant une image apaisante, à la manière d’une respiration. L’opération se compose de deux bâtiments formant quasi un anneau qui serpente avec douceur le long des limites de la parcelle.
Outre l’implantation respectant l’altimétrie – l’un des volumes est légèrement situé en contrebas pour limiter son impact visuel et s’adapter à la topographie –, c’est surtout le parti pris architectural qui donne sa force et sa justesse à l’ensemble. En faisant le choix de balcons filants aux formes sinueuses qui sertissent les bâtiments sur toutes leurs faces, l’agence Pietri offre à cet environnement protégé un paysage dans le paysage, en en reprenant les codes.
Au final, l’œil ne retient qu’une superposition de larges bandes qui ondulent et créent des variations dans leurs superpositions. Décrochements et gradins rappellent le massif montagneux avoisinant et, plus largement, les traditionnelles restanques.
La pertinence d’une organisation
Ce type de modénature, toute de blanc vêtue, prend vraiment sa mesure sous la lumière du Sud qui met particulièrement en valeur la douceur de ces vagues de béton, repérables de loin.
L’implantation des deux bâtiments, quasi circulaire, avait pour quadruple avantage de démultiplier le linéaire de façade disponible, d’optimiser l’accès à la lumière naturelle, de créer un vaste espace central aménagé en jardin et de minimiser les vis-à-vis en éloignant au maximum les façades se faisant face. À terme, les plantations de ce large patio offriront une intimité supplémentaire. De plus, les accès aux halls des deux bâtiments étant aménagés au centre de la parcelle, les habitants profitent quotidiennement de ce cœur végétal.
L’attraction de l’extérieur
Les larges balcons filants, se transformant parfois en terrasses très généreuses, sont le vrai point fort de ce programme d’accession, plutôt banal en termes de matériaux et d’équipements déployés dans les appartements. Cuisines non équipées, revêtements de sol neutres, peinture murale et sanitaires blancs laissent toute latitude à la personnalisation de cet habitat. Ce sont bien l’étendue de ses espaces extérieurs et la qualité de son environnement qui requalifient ici chaque logement pour en faire un espace privilégié. Chacun peut ainsi déambuler entre intérieur et extérieur, quelle que soit la pièce dans laquelle il se trouve, excepté les sanitaires et salles de bains.
Cette organisation offre à chaque occupant une promenade et un « effet maison », particulièrement intéressant dans un site où pins et montagne s’imposent et où l’envie d’être dehors prédomine. L’effet est d’autant plus fort pour les appartements bénéficiant des terrasses situées en proue. Ces dernières intègrent des jardinières pérennes en béton de belles dimensions. Plantées d’arbres, elles permettent d’augmenter la présence végétale, de renforcer l’effet d’environnement boisé et d’accroître le phénomène d’intégration de l’opération dans l’écosystème qui l’accueille. Dans le même esprit, le principe de séparation entre chaque balcon terrasse vient symboliser la présence de troncs tortueux, dévoilés par séquences au passant. Réalisés en bois, ces paravents, composés de deux panneaux dépliés selon des angles variables, rythment d’une touche chaleureuse les lignes horizontales en creux séparant chaque niveau de rambarde.
Le béton pour la forme
L’ensemble des structures et la majorité des pièces composant les balcons filants sont en béton coulé en place. Seuls quelques éléments ont été préfabriqués in situ, à commencer par les parties arrondies des balcons qui ont été réalisées en utilisant des moules sur mesure confectionnés sur place par un menuisier. Par souci de rationalisation, la courbe développée est toujours la même, l’effet de variation étant obtenu par le décalage de position des arrondis. Même scénario pour les jardinières en béton positionnées sur les plus grandes terrasses, elles ont été préfabriquées sur le chantier à l’aide de coffrages sur mesure conçus sur site par le menuisier.
En termes de construction, ce sont les façades et les refends entre logements qui sont porteurs. La seule difficulté a consisté à gérer les porte-à-faux des balcons filants qui sont en moyenne de 2,5 m en partie courante. Les efforts étant repris en façade, ils ont nécessité d’ajuster le positionnement des ouvertures. Dans quelques cas, pour les plus grandes terrasses situées en proue, lorsque le porte-à-faux atteint 3,80 m, un poteau vient compléter le dispositif.
La juste mesure
En termes de conception, on peut souligner l’équilibre des garde-corps, composés d’une partie pleine en béton de 80 cm de hauteur, comprenant la hauteur de la dalle, et d’une bande en tôle perforée de 40 cm ajoutée en partie supérieure à la manière d’un couronnement. Pour arriver à ces mesures, de nombreux essais ont été menés de façon à obtenir les proportions les plus justes et à créer l’effet désiré, soit une superposition de bandes qui ondulent librement.
La légèreté, apportée par les perforations de la bande de tôle, permet d’alléger l’ensemble et d’éviter un effet d’enfermement. Un blanc immaculé vient unifier les différences de matières et accentuer la pureté du dessin. Si les façades sont recouvertes d’un enduit, les éléments en béton des garde-corps n’ont reçu qu’une simple peinture, eu égard à leur qualité de surface.
Un écosystème préservé
L’opération est certifiée H&E et respecte les normes en vigueur, à savoir la RT 2012. Quant au traitement de l’air, il se fait par une VMC simple flux. Les logements n’étant pas équipés de climatisation, le confort d’été sera assuré par les balcons filants et les terrasses formant une large casquette protectrice, abritant toutes les ouvertures d’un ensoleillement direct. Pour gérer les eaux de pluie, qui peuvent provoquer un afflux très important en cas d’orage, un grand bassin de rétention évite de surcharger le réseau de la ville. Les points notables en matière de respect de l’environnement concernent surtout l’eau chaude sanitaire et la végétalisation de la parcelle.
Des panneaux solaires à eau ont été déroulés en toiture et assurent 65 % de la production d’ECS, l’électricité prenant le relais pour le reste. L’opération se situant à l’entrée d’un site protégé, le parc national des Calanques, elle impliquait le respect de l’écosystème local. Avant le démarrage des travaux, une étude phytosanitaire a été menée pour analyser les plantations existantes, le but étant de replanter les éléments arrachés par nécessité en cours de chantier, tout en respectant la flore locale.
La pinède environnante étant l’un des points forts du site, chaque pin disparu a été remplacé pour recréer, à terme, un environnement boisé aussi dense qu’à l’origine. Reste à espérer que cette opération influence, à terme, la carte d’identité architecturale du quartier et que cette zone préservée devienne un lieu de référence en termes de confort de vie, où nature et construction s’unissent pour rimer avec réussite.
Principaux Intervenants
Auteur : Béatrice Houzelle – Reportage photos : Luc Boegly
Maître d’ouvrage : Constructa/Eiffage Immobilier – Maître d’œuvre : Pietri Architectes – BET structure : ICES BTP – BET études thermique et acoustique : BET Yves Garnier – BET ingénierie : Sol-essais – Paysagiste : Thomas Gentilini – Entreprise générale : Eiffage Construction Provence – Surface : 8 574 m2 SDP, 7 871 m2 SHAB – Coût : 13,1 M€ HT – Programme : 145 logements collectifs.