Au cœur de Séoul, dans le quartier de Gangnam, un méga projet souterrain va changer la vie dans la capitale sud-coréenne par son gigantisme et son ambition urbanistique. Le futur Pôle multimodal de Gangnam s’imposera en 2023 comme le plus gros nœud de transports de la capitale, coiffé en surface d’un parc monumental et mêlant sous terre infrastructures de transport, lieux de loisirs, de commerce et d’activités. Le béton y sera en majesté et constituera le squelette de cette ville sous la ville.
En Corée du sud, Gangnam est l’un des quartiers les plus denses et fréquentés de Séoul, immense capitale de 10 millions d’habitants. Congestionné, Gangnam est traversé par une autoroute urbaine de deux fois cinq voies et souffre d’un manque criant d’espaces verts. Arrivés aux limites de l’étalement urbain avec une conurbation de 25 millions d’habitants, les autorités de Séoul mènent une politique active pour améliorer la qualité de vie de leurs concitoyens. Ainsi est né le Gangnam Intermodal Transit Center, un projet souterrain qui devrait remodeler le paysage urbain en créant la plus importante gare multimodale de la ville, autour de laquelle graviteront espaces de vie et d’activité pour les habitants.
Sous le parc, une ruche humaine
En surface, sur un tissu très dense, le projet Gangnam se propose de créer un espace vert et piétonnier en lieu et place de l’autoroute urbaine. Un parc rectangulaire de 500 mètres de long sur 50 de large, sorte de poumon vert dans l’esprit du Central Park new-yorkais, verra le jour. Mais ce cadre paisible et aéré ne sera que la partie visible d’une bouillonnante activité humaine. En effet, sous le parc, sur cinq niveaux et jusqu’à 50 mètres de profondeur, le Gangnam Intermodal Transit Center abritera le premier nœud de transports multimodal de la capitale.
« Cette nouvelle gare marquera la naissance d’un véritable downtown (1), une ville sous la terre au sens propre du terme », s’enthousiasme Dominique Perrault, architecte de renommée internationale et directeur de l’agence française d’architecture DPA en charge du design de la future gare, « le pôle de Gangnam va changer la vie, les usages et apporter de la valeur à tout le quartier. »
Comme souvent, les grandes opérations de requalification urbaine naissent autour de projets de transports publics, les plus à même de remodeler l’environnement des villes sur une large échelle. Ainsi, à Gangnam, c’est un consortium public rassemblant l’État, la mairie de Séoul, des ministères mais également les administrations et services publics municipaux, qui est à l’origine du projet. La gare changera la physionomie du quartier en libérant 60 000 m² de sol et en y inscrivant 167 000 m2 en souterrain.
Le plus gros hub du pays
La gare de Gangnam comptera une nouvelle gare ferroviaire, une gare routière, des stations de métro, des parkings et des stations de taxi. La gare ferroviaire desservira la banlieue avec deux lignes du futur Great Train eXpress, sorte de super RER circulant à 200 km/h ; et également une plus grande échelle territoriale, avec une connexion aux grandes lignes dont celle du KTX, le train à grande vitesse national.
La force de ce hub, outre la multiplicité des lignes, tient dans l’optimisation des déplacements par une organisation verticale des réseaux et une modélisation poussée des flux piétonniers. Les divers modes de transport seront répartis sur chaque niveau. En surface, les entrées vers la gare jouiront d’une signalétique adaptée créant un chemin de lumière qui guidera les habitants et voyageurs autant à l’extérieur que dans l’enceinte du complexe. Avec 600 000 personnes attendues chaque jour, la gare de Gangnam s’imposera dans cinq ans comme la première gare du pays.
Lumière au centre de la terre
Une gare est un lieu de passage mais le hub de Gangnam ambitionne de devenir un véritable lieu de vie avec une ambiance proche de celle rencontrée en surface. Le travail sur l’ambiance lumineuse y est essentiel. Avec le Lightbeam, puit de lumière sous forme de faisceau lumineux, capable de reporter la lumière naturelle jusqu’à 40 mètres sous terre, la gare de Gangnam disposera à cet effet d’un dispositif d’éclairage inédit. Le Lightbeam (rayon lumineux en anglais) sera alimenté en surface par une promenade de verre déployée au centre du parc sur toute sa longueur.
« Le Lightbeam sera une technologie innovante en ce sens que jamais n’ont été rassemblés autant de dispositifs dans un même objet », décrit Dominique Perrault, « il se présente en surface comme une galerie de 800 mètres de long, constituée de parois de cristaux qui réfracteront et difracteront la lumière vers le sol ; galerie qui accueillera également les systèmes d’aération et de climatisation. »
Le travail sur l’atmosphère lumineuse va encore plus loin. « Amener de la lumière naturelle en profondeur n’est pas le plus gros défi, l’important est de susciter un sentiment de confort lumineux, sensible et modulé », poursuit l’architecte, « pour cela, nos travaux s’orientent vers l’implantation de gradins qui diffuseront la lumière à l’horizontale. »
Consommer, travailler, se divertir
Sous la lumière du Lightbeam, à 40 mètres sous terre, se déploie le cœur piétonnier du complexe. Cette immense promenade de 800 mètres de long s’inscrira comme un reflet du parc au-dessus, avec une large variété d’espèces et d’ambiances. En sus de la lumière naturelle et artificielle, il sera agrémenté d’éléments et de matériaux chaleureux évoquant la vie en surface : végétaux, éléments aquatiques, parements de bois. Un cadre idéal qui abritera des cafés, des restaurants, un musée, un lieu d’exposition, une galerie commerciale, des ateliers, des bureaux et espaces de co-working. Point important, la structure de chaque niveau a été placée sous le signe de la modularité pour permettre une évolution facile des usages et des volumes. Employé en structure ou apparent, le béton sera omniprésent.
Le béton en majesté
Malléable, résistant et durable dans le temps, le béton s’est imposé immédiatement comme le matériau structurel approprié pour l’édification de cette cathédrale souterraine. Pour Dominique Perrault, les raisons de ce choix tiennent autant à des considérations techniques qu’économiques. « Avec ses caractéristiques de résistance et de stabilité mais aussi de légèreté, le béton est le plus à même de créer la carcasse tout en occupant le moins de volume possible en termes de sections, mais aussi de cloisonner les espaces modulables », explique-t-il, « de plus, il possède de belles qualités de finition que nous souhaiterions mettre en valeur avec des éléments architectoniques préfabriqués au milieu du bois, de l’eau et des végétaux. »
Séoul change et la nouvelle gare de Gangnam y contribuera fortement. En termes de qualité urbanistique, de développement durable ou de mobilité, l’exemple de cette ville souterraine devrait rayonner bien au-delà de la Corée pour inspirer d’autres mégalopoles en Asie et à travers le monde.
(1) A ne pas confondre avec l’acception anglo-saxonne du terme qui caractérise le centre-ville.