Un bâtiment existant possède souvent une empreinte carbone résiduelle. Évaluer cette empreinte, via une méthodologie standard en cours d’élaboration par le Ministère de la Transition écologique, va permettre de déterminer systématiquement s’il vaut mieux réhabiliter un ancien bâtiment, ou déconstruire et reconstruire. Entretien avec Philippe Osset, fondateur de Solinnen, qui travaille sur cette méthodologie clé.
Quelle est la logique derrière votre méthodologie d’évaluation ?
Philippe Osset. Valoriser un parc existant de bâtiments, en lui apportant une seconde vie, permet de réduire les émissions annuelles de gaz à effet de serre du secteur de la construction et le service rendu est équivalent !
Pour ce faire, on valorise l’investissement carbone réalisé initialement à la construction, avec une notion d’amortissement. C’est à dire que l’on étudie les différents scénarios de vie du bâtiment et les résultats vont permettre de réaliser des choix éclairés. On tient compte de l’état actuel du bâtiment suite à son usage et de sa Durée de vie résiduelle (DVR) : la différence entre la Durée de vie estimée (DVE) du bâtiment et le nombre d’années écoulées depuis sa construction.
Notre méthodologie permet en effet de dépasser la simple intuition d’un architecte, en calculant notamment précisément la durée de vie résiduelle du bâtiment, la consommation d’énergie nécessaire pour la démolition de certains éléments et la reconstruction d’autres. Nous apportons des éléments de quantification et des preuves.
Sur quels outils existants vous appuyez-vous pour cette méthode ?
Nous utilisons des briques élémentaires, permettant d’évaluer l’impact environnemental d’un bâtiment complet, comme BETIE (Béton ET Impacts Environnementaux), un outil développé par le SNBPE (Syndicat National du Béton Prêt à l’Emploi) pour les analyses du cycle de vie du BPE.
Nous sommes partis des normes européennes existantes, en appliquant des règles et des coefficients d’amortissement sur des cas d’étude approfondis. Le but est de dresser des recommandations pour une méthode de calcul, dans le cadre du futur texte « Performance Environnementale des Bâtiments Neufs », et de celui concernant la rénovation du Ministère de la Transition écologique et solidaire et de sa Direction de l’Habitat, de l’urbanisme et des paysages qui fasse l’objet d’un consensus.
Quelles sont les perspectives plus larges offertes par ce type de méthodologie ?
Cela ouvre de nombreuses possibilités, comme le calcul de la part d’un parc immobilier de bâtiments en béton qu’il faudrait rénover et celle qu’il faudrait démolir et reconstruire, d’un point de vue purement environnemental. D’autres considérations, notamment sociales et financières, entrent, bien-sûr, aussi en ligne de compte lors de la prise de décision.
Quels sont les éléments de fond allant dans le sens de plus de rénovation ?
Comme la grosse part de l’impact environnemental du bâtiment concerne sa structure existante, la rénovation peut s’avérer de plus en plus pertinente. A La Défense, par exemple, il est très rare que l’on démolisse entièrement une tour : on en garde en général la structure.
Les bétons sont des produits à longue durée de vie. On est souvent certain de pouvoir valoriser ces produits après un premier usage, ce dont on n’est pas forcément sûr avec d’autres matériaux. A l’inverse, si on démolit un bâtiment en béton, on risque de perdre un capital.