Conçu par l’architecte Christophe Gulizzi, le campus Georges Méliès, réalisé en béton, est aussi un signal fort dans cette partie ouest de la ville en plein renouvellement urbain.
Inaugurée le 4 octobre dernier, l’Université du cinéma accueille mille étudiants sur le site de la Bastide Rouge dans le quartier de La Bocca, à l’entrée ouest de Cannes. Ce nouvel établissement d’enseignement supérieur est une pièce supplémentaire dans un projet global visant à conforter la position de ville du 7e art de la Cité des festivals. Projet financé par la ville de Cannes (70 %), par la communauté d’agglomération Cannes Pays de Lérins (30 %) et géré par l’université Côte d’Azur, ce sont 35 formations de niveau bac à bac + 8, pour la plupart uniques en France et en Europe et majoritairement dédiées aux métiers de l’écriture, de l’image et du son qui sont ici proposées. Cette vocation en faveur du développement de la filière de l’économie créative sur le bassin cannois prolonge une histoire initiée en 1939 par le ministère de l’Éducation nationale et des Beaux- Arts du gouvernement Léon Blum lorsqu’il fonde le prestigieux Festival du film international. Cannes se démarque alors grâce à ses nombreuses infrastructures de villégiature. Depuis 2016, la ville a engagé la stratégie de développement « Cannes On Air », dont l’objectif est de doter le territoire de tous les maillons de la chaîne de conception de contenus audiovisuels et de faire de Cannes la capitale européenne des métiers de l’écriture et de la créativité.
Au sein du technopôle de la Bastide Rouge, en pleine mutation, s’implante le bâtiment réalisé par l’architecte Christophe Gulizzi. Hier, banlieue périurbaine jouxtant l’aéroport, le site doit devenir la nouvelle entrée ouest de la ville, quartier de pointe dédié à l’image et aux industries créatives, première vision de la ville à l’arrivée à l’aéroport.
Carrefour mondial de la création
Au sein de ce nouveau quartier de 4 ha s’installent un multiplexe cinématographique de 2 400 places conçu par Rudy Ricciotti, une résidence étudiante de 172 appartements et enfin l’université qui a ouvert ses portes en septembre 2021. Elle constitue la clef de voûte du nouveau quartier où les étudiants viennent se former aux métiers de l’écriture, de l’image et du son tout en étant directement en contact avec les entreprises du secteur.
En effet, et c’est bien là la particularité de l’équipement, pour favoriser la synergie entre l’enseignement, la recherche et la création d’activités innovantes, le campus Georges Méliès abrite non seulement l’université, mais aussi une cité des entreprises. Celle-ci héberge 13 sociétés et start-up dans le domaine de l’audiovisuel bénéficiant d’un accompagnement au développement économique de l’agglomération Cannes Lérins. La particularité du projet confié à l’architecte aura été de répondre à la spécificité des contraintes de chacun des programmes tout en permettant la rencontre des différents publics accueillis.
Chacune des deux entités reçoit des programmes qui répondent à des contraintes et des exigences spécifiques auxquelles l’architecte a brillamment répondu, tout en offrant des lieux conviviaux favorisant l’échange et les rencontres. Le bâtiment met ainsi à disposition des étudiants et des jeunes professionnels des espaces dédiés, mais aussi des parties communes, des points de rencontre entre le monde de l’université et celui des entreprises.
Christophe Gulizzi a proposé une stratification organisationnelle alternant locaux d’enseignement, entreprises et bureaux administratifs pour favoriser la mixité et les rencontres. Dans cet enchaînement, le rez-de-chaussée rassemblé autour de son agréable patio joue un rôle particulier. C’est un lieu de mise en scène du projet. Il permet de percevoir la véritable échelle de l’établissement avec l’étagement de ses quatre niveaux.
Le jeu de décalage des terrasses permet, par ailleurs, d’accueillir des espaces plantés pour les agrémenter visuellement et créer un véritable îlot de fraîcheur afin de renforcer le rôle de cet espace clé pour favoriser le confort d’été dans les architectures méditerranéennes.
Au rez-de-chaussée, la cafétéria est également un lieu important, complètement ouverte sur l’espace du hall, elle devient un point de passage et peut se développer sur des espaces en mezzanine qui constituent autant de lieux de rencontre, de partage et d’échange entre université et entreprises, dans un espace baigné de lumière naturelle.
La mixité opérée au rez-de-chaussée se poursuit aux niveaux supérieurs, avec un premier niveau destiné à l’université, un deuxième niveau dédié à la cité des entreprises.
Le dernier niveau, pour sa part, reçoit les locaux destinés à l’administration ainsi qu’aux labos de recherche de l’université.
Architecture et prouesse technique
À l’extérieur, le bâtiment s’inscrit dans son site en tenant l’alignement sur la voie au rez-de-chaussée et en se décalant de niveau en niveau, comme si d’étage en étage un glissement s’était opéré pour libérer des espaces extérieurs. Les façades sont traitées en béton gris architectonique.
C’est une succession de meneaux réalisés en béton coulé en place qui composent la façade. Le rythme soutenu de ces meneaux, avec un plein pour un vide, efface le plan de la façade pour faire ressentir l’idée d’un exosquelette qui jouerait non seulement le rôle structurel, mais également le rôle de protection solaire sur des vitrages disposés au nu intérieur de la façade. La succession de ces meneaux qui sont autant de poteaux permet d’intégrer les percements, tout en jouant un rôle de brisesoleil, ou même d’abriter les descentes d’eau pluviale. Christophe Gulizzi commente : « Non alignées verticalement entre les différents niveaux, les façades, composées de l’ensemble des poteaux et des poutres biaises en tête et en pied, sont porteuses d’un niveau à l’autre. Par la redondance de ces éléments, le bâtiment devient hyperstatique dans un contexte où le risque sismique est important. »
Sur la façade d’entrée, au dernier étage au-dessus de l’entrée principale, un volume en pont relie les ailes latérales par un franchissement de 17 m. Il est suspendu à 19 poteaux rattachés aux poutres postcontraintes, dissimulées en toiture. Ce dispositif souligne l’entrée principale du bâtiment et participe à son allure élancée.
Dalle acoustique en BFUP
À l’intérieur, le concepteur a fait la part belle au béton, en l’utilisant non seulement en sol avec une dalle de béton quartzé, mais également en plafond pour gérer le confort acoustique dans le vaste espace monumental du rez-de-chaussée.
Une dalle acoustique comme un faux plafond a été suspendue à la dalle structurelle. Elle a été réalisée en BFUP (Bétons Fibrés à Ultra hautes Performances) armé avec des fibres synthétiques pour alléger ce complexe qui mesure au final 7 cm d’épaisseur. Plus de 29 000 trous formés par des écocups et des pots de popcorn en clin d’oeil au cinéma auront été nécessaires pour cet ouvrage remarquable. Vissés un à un sur les planches de coffrage puis décoffrés, c’est un véritable travail d’orfèvrerie d’un concepteur amoureux du béton !
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Fiche technique
Reportage photos : © Stéphane Aboudaram – We are Content(s) ; © Lisa Ricciotti
- Maître d’ouvrage : ville de Cannes (campus universitaire), agglomération de Cannes Lérins (cité des entreprises)
- Maître d’oeuvre : Christophe Gulizzi
- Surface : 7 000 m2 SDP
- Coût : 22 M€ HT
Programme : 21 salles de cours ; 2 amphithéâtres ; 5 salles informatiques ; 14 salles techniques ; 1 plateau de tournage à double usage ; 1 plateau multiusage ; 1 plateau polyvalent avec fond vert ; 1 studio de radio ; 1 studio d’enregistrement musical ; 3 salles de montage image ; 1 salle d’étalonnage ; 2 cabines son ; 1 learning center.