Avec deux barrettes de béton parallèles, légèrement décalées et décollées du sol, l’opération de logements signée Agapé architectes marque la transition entre deux bâtis.
Au cœur du quartier résidentiel Haut-Graville, dans un faubourg de la ville haute du Havre, l’opération les Hallates remplace une ancienne résidence pour personnes âgées qui a dû être démolie. « Le projet se trouve à la charnière entre l’individuel et le collectif, le dense et le diffus, le logement social et les maisons particulières », mettent en avant les architectes. Il s’inscrit sur une parcelle en pente, bordée au nord et à l’est d’un tissu pavillonnaire constitué principalement de petites maisons du début du XXe siècle et, au sud et à l’ouest, par de grands ensembles de logements sociaux des années 1960-1970.
Établir une continuité
Dans une continuité programmatique, les vingt-six logements – des T1bis, T2 et T3, de 46 et 64,5 m2 – sont tous réservés à des seniors et adaptés à la baisse de mobilité qui accompagne souvent le vieillissement : des aménagements simples qui favorisent le maintien à domicile (douche à l’italienne, barres d’appui, toilettes rehaussées). Outre les appartements, un local associatif et un cabinet médical complètent le programme.
Jouer de la topographie
« On est dans une valleuse, sur le coteau sud, et on regarde vers le coteau ouest et le cimetière Sainte-Marie », précise l’architecte Antoine Pélissier, l’un des associés du projet. « Le parti architectural était de montrer la topographie, de jouer sur le dénivelé de 8 m qui caractérise le terrain, en créant un patio ouvert autour duquel s’organise le projet. » Comme il le retrace, le projet, qui faisait l’objet d’une commande directe, s’est construit avec la maîtrise d’ouvrage, le bailleur social Alcéane, afin de l’adapter au terrain qui s’est révélé particulièrement compliqué. « Dans un contexte d’appel d’offres favorable, nous avons pu étudier plusieurs alternatives », précise-t-il.
L’implantation en U du bâti ouvre l’ensemble sur son environnement et permet des percées visuelles relativement lointaines suivant les orientations.
Reliées par un bâtiment de plain-pied, deux barrettes de quatre niveaux, ancrées au nord sur le haut de la parcelle, du côté des maisons, s’étendent vers le sud à l’horizontale, perpendiculairement aux barres de logements situées en contrebas. Elles s’élancent partiellement en porte-à-faux pour absorber la pente ; le jardin coule entre les deux.
Toujours en lien avec la pente, les deux entités sont légèrement décalées en hauteur et en longueur. Chacune présente deux faces différentes, fabriquant une alternance entre une façade est en brique et une façade ouest en béton brut de décoffrage, avec une assise différente : la brique accompagne les parties du bâtiment qui se posent au sol, le béton marque l’horizontale, il accompagne le soulèvement. Ce décrochage qui se réalise autour des couloirs apporte une légèreté et une diversité à l’ensemble.
Bien que résidentialisée, l’opération est traversée par un mail est-ouest qui relie les rues au patio, passant en porche sous les deux barrettes et le long du local associatif. Encastré dans la pente, un niveau semi-enterré accueille les locaux poussettes et vélos et des locaux techniques occupent le niveau le plus bas. C’est là qu’est notamment placée la sous-station, l’immeuble étant raccordé au réseau de chaleur urbain. En toiture, pas d’émergence mais un revêtement gravillonné étanche.
Une architecture en lumière naturelle
Les appartements qui occupent les deux niveaux supérieurs sont répartis de part et d’autre d’un couloir d’une largeur généreuse de 1,68 m, pourvu d’un faux plafond acoustique. Outre l’intention esthétique, le traitement des pans de mur – béton brut d’un côté, peinture blanche de l’autre – offre un repère visuel simple aux usagers.
Vitré à chaque extrémité, le couloir s’ouvre côté sud sur une loggia accessible à tous les résidents. Sa porte vitrée éclaire naturellement cette circulation, comme le sont également les escaliers, apportant une qualité qui incite à les emprunter. Mono-orientés donc, les appartements profitent soit du levant soit du couchant, et d’une vue sur le jardin, la place ou la ville, sans vis-à-vis proche. Le positionnement des grandes fenêtres dépend de la pièce qu’elles éclairent.
Au niveau des séjours, les châssis en aluminium sont placés au nu extérieur, prolongé à l’intérieur par une banquette. Un cadre en bois habille les fenêtres en creux qui correspondent aux chambres ; ces châssis « balcons » préservent l’intimité et leur donnent une épaisseur pouvant servir de tablette. Les logements situés dans les niveaux inférieurs profitent d’espaces extérieurs dans la continuité du jardin.
Avec le même souci d’exploiter au maximum la lumière naturelle, la façade ouest du cabinet médical est constituée de baies vitrées toute hauteur qui éclairent les salles d’attente et l’accueil, qui profitent ainsi de la vue sur jardin. Sa façade opposée sur rue, singularisée par un large bandeau de vitrage translucide, protège les six salles de consultation des regards extérieurs. Un bandeau vertical du même vitrage laisse deviner la circulation verticale.
Placé sous le porte-à-faux et entièrement vitré, le hall d’entrée bénéficie d’un rapport à l’extérieur très ouvert. Le soin apporté à cet espace d’accueil, jusque dans la mise en valeur des boîtes aux lettres comprises dans un cadre en béton, lui confère une qualité spatiale propice aux échanges.
Entre moderne et vernaculaire
Le choix de façades différenciées – parement brique d’un côté, béton brut de l’autre – ménage la transition d’une typologie à l’autre, tout en affirmant une modernité claire par la forme du bâti à la géométrie simple et le mode constructif.
La structure de l’ensemble est réalisée en béton gris coulé en place avec des façades porteuses, des refends au niveau des couloirs et un système poteaux-poutres dans les équipements recevant du public afin de pouvoir les aménager plus librement. Les escaliers assurent le contreventement.
Seuls les poteaux inclinés – dits « brésiliens » en référence à l’architecte d’Oscar Niemeyer –, qui supportent le porte-à-faux de 3,5 m, sont préfabriqués.
À l’endroit des planchers – constitués d’une dalle, recouverte d’un isolant et d’une chape acoustique et thermique – sont placés des rupteurs de pont thermique qui, avec l’isolation par l’intérieur et le jeu des orientations comme de l’inertie des matériaux, assurent des performances estimées à moins 20 % par rapport à la réglementation thermique 2012. Accentuant l’horizontalité du projet, dans la continuité des fenêtres, un parement de bois est incrusté dans la paroi en béton grâce à un léger décaissé ménagé dans la banche. Ce bois grisé naturellement apporte une variation discrète sur la façade.
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Fiche technique
- Maître d’ouvrage : Alcéane
- Maître d’œuvre : Agapé architectes (Antoine Pélissier et Benoît Andrier)
- BET structure : EVP (structure) ; Augereau (VRD)
- Entreprise générale : Bouygues Bâtiment Grand Ouest
- Surface : 1 740 m2 SHAB
- Coût : 3,6 M€ HT
- Prix : Arche d’or 2020 du Geste d’or
- Programme : 26 logements sociaux pour seniors, un local municipal à vocation associative, un cabinet médical.