Articulant jeu de niveaux et précision de l’implantation, le projet d’Emmanuelle Colboc et Associés – Architectes trouve une juste échelle et redonne de l’urbanité au lieu.
Le projet conçu par l’agence Emmanuelle Colboc et Associés – Architectes se caractérise par sa mixité programmatique. Il associe 50 logements en accession sociale, une crèche et un équipement culturel dénommé la « Libre Usine ». Fonctionnant en lien avec le Lieu Unique* et la ville de Nantes, cet équipement n’accueille pas de public. Il est consacré à la création artistique et à la production dans le domaine des arts vivants comme le théâtre, la danse, la musique.
Un quartier en renouvellement
Le nouvel ensemble se situe dans le quartier Malakoff à Nantes, fortement marqué par l’urbanisation des années 1960. Ce sont, en effet, 1 658 logements sociaux qui y ont été construits entre 1967 et 1971. La cité HLM créée alors se compose de 11 tours de 16 étages d’une cinquantaine de mètres de hauteur chacune et de 5 barres incurvées de 10 étages, hautes de 30 m, appelées les « bananes » par les habitants. Bien que proche du centre de Nantes et de la gare, le nouveau quartier est enfermé entre la Loire et des voies ferrées.
Dans le cadre du Grand projet de ville (GPV), la ville de Nantes engage, à partir de 2001, une démarche de renouvellement urbain qui englobe sur 164 ha le quartier d’habitat social Malakoff et le secteur de la gare baptisé « Pré-Gauchet ». L’enjeu de cette opération, planifiée jusqu’en 2025, est d’ouvrir le quartier vers le centre historique, la gare Sud et l’île de Nantes, de rénover le parc des logements sociaux existants, de diversifier l’offre de logements pour favoriser la mixité sociale et de renforcer son attractivité économique. Inscrit dans cette démarche et répondant à la fiche de lot de l’Atelier Ruelle en charge de l’ensemble du projet urbain « Malakoff-Pré-Gauchet », le projet imaginé par l’agence Emmanuelle Colboc et Associés – Architectes prend place sur l'îlot Eriol, précédemment occupé par le centre commercial de Malakoff. Le terrain est bordé au sud par le boulevard de Sarrebruck, longeant la Loire, la rue d’Angleterre au nord et la rue de Hambourg reliant ces deux voies à l’ouest. Le paysage du lieu est ici fortement marqué par la présence du bâti conservé et réhabilité de l’ancienne cité HLM, deux tours sur la rue d’Angleterre et une barre incurvée de l’autre côté de la rue de Hambourg.
En bord de Loire
« Notre projet s’élève en bordure de la Loire, dans une ambiance extrêmement contrastée », explique l’architecte Emmanuelle Colboc. « Il profite au sud de la présence du fleuve, de ses vues et de ses lumières. Il doit aussi composer avec l’urbanisme typique des années 1970 d’un quartier dont la rénovation est engagée depuis dix ans. On se devait d’établir la transition entre ces deux échelles, l’horizontalité de la berge et la verticalité du bâti environnant, et notamment avec les 2 tours existantes de 16 étages qui surplombent la parcelle. Les logements le long du boulevard forment un front parallèle au bâti existant afin de stabiliser l’ensemble de la composition. En revanche, le plot situé à l’arrière pivote pour se détacher de la géométrie du quartier et s’ouvrir sur la Loire et l’île de Nantes. »
Emmanuelle Colboc a imaginé un ensemble architectural articulant différents niveaux. Dans la même géométrie que l’existant, un front bâti à R+2 se développe sur le boulevard de Sarrebruck. À son extrémité est émerge un plot vertical de 10 étages (tour A). En retrait, un autre plot de même hauteur (tour B) se dresse à l’angle de la rue d’Angleterre. Il est disposé en pivot par rapport à l’ensemble de la composition, en direction du cours de la Loire. Une crèche occupe une partie de son socle à rez-de-chaussée à l’angle de deux rues. Les volumes verticaux du projet dialoguent avec les tours existantes et en atténuent la présence dans le paysage.
Sur le boulevard un bandeau continu en béton blanc et un rythme régulier de poteaux rectangulaires donnent à lire un portique qui souligne le rez-de-chaussée. Il est surmonté par une série de logements en duplex dont les loggias en double hauteur constituent le volume horizontal qui, avec la verticalité de la tour A, composent le front urbain de l’ensemble sur le boulevard de Sarrebruck et en bord de Loire. À l’exception du hall d’entrée commun aux duplex et aux logements de la tour A, le rez-de-chaussée de cette partie du projet abrite les locaux de la Libre Usine. Espace majeur de cet équipement culturel, la salle de création présente une configuration et des dimensions en tous points identiques à la scène du Lieu Unique qui la gère. Elle accueille des compagnies qui viennent y créer et répéter leurs spectacles, dont la plupart sont destinés à être présentés au public sur la scène du Lieu Unique. Le studio de répétition, dont la ville de Nantes assure la gestion, est une salle plus petite permettant de recevoir des artistes locaux, des compagnies d’amateurs, des associations. Deux loges d’artistes, des bureaux et un local de stockage du matériel technique complètent le programme. Enfin, derrière les grandes parois vitrées donnant sur le boulevard, le foyer de vie est un lieu à l’ambiance lumineuse offrant de belles vues sur la Loire et devenant une sorte de lanterne urbaine la nuit. Les artistes y prennent leurs repas et peuvent s’y retrouver le temps d’une pause ou hors des répétitions.
Lumière et vues
Les logements sont tous traversants et pour certains d’entre eux ont trois, voire quatre orientations. Ils possèdent presque tous un séjour orienté au sud avec vue sur la Loire. Les séjours s’ouvrent sur de grands balcons ou des loggias pour les duplex qui offrent un généreux et agréable prolongement extérieur aux résidents. On peut ainsi aux beaux jours y profiter du soleil et de belles vues sur le paysage. À chaque fois que cela était possible, l’architecte a créé avec le balcon ou la loggia un cellier extérieur protégé visuellement qui permet de disposer d’un espace de rangement supplémentaire. Dans la tour B, la moitié des logements décline une typologie atypique. Leur plan est organisé autour d’un noyau qui regroupe les WC, la salle de bains ainsi que les éléments humides de la cuisine. On peut en faire le tour. Situé entre les chambres et le séjour, il partitionne, dans l’espace de vie fluide et ouvert en U, d’un côté la cuisine, le séjour et un troisième lieu qui peut être aménagé par les habitants en bureau, coin bébé, coin lecture/bibliothèque, etc., en fonction de leur mode de vie. Deux portes coulissantes permettent d’isoler les chambres du reste de l’appartement.
Le projet est entièrement réalisé en béton gris, coulé en place pour l’essentiel et revêtu d’une peinture blanche en façades. La structure est classique par voiles de refend et planchers porteurs, repris en rez-de-chaussée par des portiques poteaux/poutres quand cela est nécessaire. Le bâtiment est isolé par l’intérieur. Des rupteurs de pont thermique sont disposés au niveau des balcons. Pour l’enveloppe de la salle de création, des panneaux préfabriqués de type murs à coffrage intégré ont été mis en œuvre. Portant le grill technique, le plafond de la salle est composé de dalles alvéolées précontraintes de 17 m de long et 40 cm d’épaisseur. La boîte massive en béton de l’espace de création ne laisse échapper aucun son vers l’extérieur, assurant ainsi une cohabitation harmonieuse entre les activités artistiques et la vie résidentielle.
* Le Lieu Unique est un centre de culture contemporaine labellisé Scène nationale, créé à Nantes le 1er janvier 2000 et installé dans les anciens locaux de la biscuiterie LU, dont les initiales sont aussi celles du centre. Il propose des spectacles, concerts, événements, expositions, conférences.
Localiser la réalisation
Reportage photo : © Sergio Grazia
Fiche technique
- Maître d’ouvrage : Coopérative GHT-MFLA
- Maître d’œuvre : Emmanuelle Colboc et Associés – Architectes ; Laurent Dominique, chef de projet
- BET structures : IBA
- Entreprise gros œuvre : André-BTP
- Préfabricants : CGM (dalles alvéolées salle de création) ; KP1 (prédalles, murs à coffrage intégré) ; LG Béton (balcons) ; Préfa Services (bandeaux boulevard de Sarrebruck) ; Soriba (escaliers)
- Surface : 4 888 m2 SDP
- Coût : 7,55 M€ HT dont 6,3 M€ pour les logements
- Programme : 50 logements sociaux, local crèche, salles de création et de répétition.