Une silhouette en 3 volumes superposés mise en valeur par deux niveaux atypiques et entièrement vitrés, le RDC et le R+4.

Faire le choix de la réhabilitation prend plus que jamais tout son sens et s’inscrit dans une démarche responsable de décarbonation. Pour un bâtiment reconnu patrimoine du XXe siècle, ce choix s’impose, même s’il implique un nombre non négligeable de défis à relever, tant budgétaires que techniques ou réglementaires. Pari réussi par les lauréats du concours lancé par l’ancien propriétaire du bâtiment, Adoma, en partenariat avec la Ville de Paris, pour convertir un immeuble de grande hauteur (IGH) tertiaire en un programme mixte incluant coworking, coliving et espaces ouverts au public. L’équipe de maîtrise d’œuvre regroupait entre autres deux agences d’architecture, CALQ et Bond Society. L’immeuble en question, construit en 1974 par Marcel Roux, témoigne d’une époque et symbolise l’œuvre de cet architecte. Acteur incontesté du mouvement moderne, il défendait la rigueur formelle. La géométrie répétitive des façades en témoigne. Composées de panneaux en béton préfabriqué rythmés d’alvéoles, elles offrent au bâtiment une identité forte que toutes les parties impliquées dans cette rénovation souhaitaient préserver et mettre en valeur.  

Logique d’une répartition

Outre la modénature particulière de son enveloppe, le bâti présente une autre spécificité formelle, sa composition en trois volumes superposés distincts dans lesquels s’est réparti, en toute logique, le programme tripartite. La partie supérieure, « la tour », abrite les logements en coliving. Juste en dessous, les surfaces dédiées au coworking trouvent leur place dans un long volume horizontal, « la barre ». Le socle légèrement saillant sur la rue accueille les activités ouvertes au public. En plus du hall et des accès aux étages supérieurs, il comprend un local associatif et un café, ouverts aux habitants du quartier. Pour accentuer cet effet d’ouverture sur la ville et inciter à pénétrer dans l’immeuble, un parvis incliné relie le trottoir au rez-de-chaussée surélevé. Dans le même esprit, les sous-sols ont été transformés pour accueillir des activités en double hauteur que l’on peut deviner depuis la rue. À l’origine du projet, ces surfaces étaient destinées à la pratique du e-sport. Ce qui explique le nom donné à l’immeuble, Pong étant l’un des premiers jeux vidéo d’arcade, commercialisé par Atari en 1972. 

Les plateaux de coworking sont reliés au passé du bâtiment par la mise à nu des poteaux et plafond béton.

Adaptation aux nouveaux usages

Occupant « la barre », les trois premiers niveaux dédiés au coworking, du R+1 au R+3, sont des espaces à aménager, livrés décloisonnés. Pour élargir les perspectives, des vitrages toute hauteur ont été intégrés dans les circulations, résolvant les problèmes de sécurité tout en offrant des vues sur l’extérieur depuis les paliers. Afin de libérer au maximum les surfaces, toutes les contraintes techniques verticales ont été regroupées autour du noyau central ou, pour la distribution horizontale, entre plafond et allèges transformées en coffres astucieux. Avec ses grandes baies vitrées, le niveau R+4, atypique, fait écho au rez-de-chaussée. Il en rappelle la transparence et joue le rôle de joint creux entre la barre et la tour, façon taille de guêpe. Également dédié au coworking, il intègre des salles de réunion et une large terrasse à partager. 

Plus innovants en termes de programme sont les étages supérieurs de coliving. Destinés aux jeunes actifs, ils s’inspirent des expériences de colocation et proposent 8 appartements en duplex composés de 12 chambres de 16 à 32 m2 et d’un espace de vie à partager. Le concept général imaginé par les architectes de Bond Society se fonde sur leurs recherches en matière d’évolution du mode d’habiter. Le principe de définir et de matérialiser des strates d’intimité permet de passer progressivement de l’espace partagé au chez-soi. Concrètement, certains équipements sont ouverts à tous les locataires – halls, salle de sport, laverie ou toit-terrasse. Semi-privée, la pièce à vivre commune de chaque logement comprend une cuisine, un espace repas, un salon et une loggia. Suivent les chambres privées, toutes équipées d’une salle d’eau, voire d’un coin cuisine garantissant à certains résidents une parfaite autonomie.  

Matière économisée, peau réparée

L’un des défis à relever résidait dans le changement de destination de cet immeuble de grande hauteur (IGH) afin d’y intégrer un programme mixte dans la verticalité. Sa superposition impliquait la prise en compte simultanée de multiples réglementations et l’obtention de dérogations pour rendre le projet possible, notamment en termes de sécurité incendie. Autre défi majeur, celui de réduire les démolitions au strict nécessaire, soit 13 % du bâti, tout en réutilisant et revalorisant la matière existante. Comment ? En répartissant au mieux le programme dans les volumes à disposition et en conservant façades et points porteurs. Ainsi, les interventions sur la structure béton se limitent au renforcement de certains éléments, à la refonte des circulations verticales au sein du noyau de contreventement, au passage des gaines, au percement de trémies pour placer les escaliers des duplex et à la création de doubles hauteurs au niveau du socle et des loggias. Le béton, ancien et nouveau, est laissé apparent dès que possible. Il devient l’élément transverse et le lien entre les programmes, témoin du passé et mémoire de l’histoire du bâtiment. 

Pour optimiser espace et fonctionnalité, les appartements partagés intègrent du mobilier sur mesure.

Dans le même esprit, les façades ont été rénovées au plus près de la forme originale, faisant ressortir plus clairement les alvéoles. Les panneaux en béton préfabriqué composant l’enveloppe présentaient de nombreux désordres qui ont été diagnostiqués puis traités – un réel travail d’orfèvre, compte tenu de leur multiplicité et des atteintes plus ou moins profondes. Purge des maçonneries, passivation des fers corrodés, rebouchage, ponçage et dépoussiérage se sont enchaînés afin de retrouver un support sain et joliment profilé. Peinte à l’origine en bleu, la façade affiche aujourd’hui un blanc éclatant qui met en valeur sa dimension sculpturale. Pour restituer l’esthétique de l’œuvre de Marcel Roux, l’agence CALQ a dessiné un nouveau châssis se rapprochant au plus près du dessin d’origine tout en intégrant les performances thermiques actuelles. Particulièrement discrètes, les 800 menuiseries installées s’effacent, laissant la vedette aux alvéoles de béton. Elles présentent un clair de vitrage optimisé qui offre des vues élargies et augmente l’apport de lumière naturelle. 

Camouflées derrière les façades béton, les 8 loggias double hauteur sont un vrai plus pour chaque appartement.

Connexion à l’environnement

Autre point fort du projet, le développement des espaces extérieurs. Complètement minéral à son origine, le bâtiment présente désormais une surface importante de végétalisation d’environ 2 000 m2. Outre le parvis incliné, le rez-de-chaussée intègre des espaces verts accessibles à tous les usagers. Au R+4, l’aménagement de la terrasse offre un lieu de travail et de détente aux coworkers. Plus originales, les loggias intégrées à chaque appartement, dont la surface relativement réduite est compensée par leur double hauteur transformée en terrain vertical pour la croissance des végétaux. S’y ajoute, au R+13, un toit-terrasse dédié aux locataires du coliving, avec vue imprenable sur Paris. Cette végétalisation permet une meilleure gestion des eaux de pluie. Elle s’inscrit dans une démarche environnementale plus globale qui suit les recommandations du plan Climat air énergie de la Ville de Paris. Des efforts qui ont abouti à l’obtention de labels mesurant à la fois la performance environnementale du bâti (BREEAM RFO niveau Very Good) et son niveau de connectivité (WiredScore niveau Silver), un atout devenu indispensable pour un immeuble tourné vers le futur. 

Au R+13, les locataires du coliving profitent d’une toiture-terrasse aménagée avec vue sur les toits de Paris.

Localiser la réalisation

 Reportage photo : © 11H45

Fiche technique

  • Maître d’ouvrage : Covéa Immobilier 
  • Maîtres d’œuvre : CALQ agence d’architecture, mandataire ; Bond Society, architecte associé
  • AMO environnement : Zefco 
  • BET : S2T (structure et fluides) ; ECMH (diagnostic et méthodologie des réparations du béton) 
  • Entreprises : LBC, réparations structure et façade ; Sopribat et Bechet, réparations plus ponctuelles en façade
  • Surface : 7 950 m2 SDP 
  • Coût : NC 
  • Programme : immeuble mixte comprenant 3 500 m2 de coliving, 2 700 m2 de coworking (300 postes de travail), 1 100 m2 d’activités ouvertes au public (ERP 3e catégorie), 150 m2 commerce et 1 local associatif. 



0 commentaires
CAPTCHA
Voir aussi
  • Les COV : origines et pathologies liées
    Formaldéhyde, benzène, toluène, éthylbenzène, 1,2,4-triméthylbenzène, m-xylène, p-xylène, p-dichlorobenzène, trichloroéthylène, tétrachloroéthylène, n-undécane… la liste des composés organiques volatils est longue.
  • Construction Moderne
    La maison japonaise depuis 1945
    "La maison japonaise depuis 1945", écrit par Naomi Pollock et préfacé par Tadao Ando, est un livre de 400 pages, publié le 20 octobre 2023 par Parenthèses Editions, dans sa collection Architectures. Ce livre explore l'évolution de l'architecture de la maison japonaise depuis 1945.