Semblable à de la pierre blanche, un béton autoplaçant lisse ou matricé sculpte les façades des 63 logements de « La Rose des vents » conçus par l’architecte Vincen Cornu.
En une dizaine d’années, de part et d’autre des voies ferrées du pôle multimodal de Massy, des quartiers neufs se sont développés. Vers l’ouest, le pittoresque d’un style néoclassique prévaut. À l’est, sur l’ancien plateau industriel, un style plus contemporain a été recherché. Ce nouveau paysage urbain manque globalement de relief.
Inscription dans le site et contexte urbain
L’immeuble de logements de « La Rose des vents » construit par Vincen Cornu apporte une heureuse transition avec la texture minérale de ses façades en béton blanc et sa volumétrie d’immeuble d’angle urbain. À l’extrémité de la Zac Ampère et en son point le plus haut, en limite de Palaiseau, il occupe une position stratégique où des qualités plastiques et matérielles irréprochables étaient attendues par la ville et Paris Sud Aménagement. Le bâtiment dessine une figure de proue sur une parcelle située à l’angle des rues Émile Baudot et Jean-François de La Pérouse, marquant ainsi une des entrées du quartier.
L’emplacement ayant orienté l’implantation et l’épannelage, deux volumes en R+6, séparés par une brèche, dessinent un front bâti au sud le long de la rue Baudot en accentuant un effet d’angle aigu. En contrebas, sur la rue La Pérouse, un ensemble en R+5 accompagne les constructions existantes en offrant des vues lointaines vers Paris et la banlieue. Le plan en U des constructions étant décalé par rapport au soleil, la blancheur des façades reflète la lumière dans les appartements. Les accès s’inscrivant dans la pente du terrain, une rampe et des emmarchements mènent à la cour haute qui chapeaute le parc de stationnement au niveau du rez-de-jardin. En partie basse, le jardin tire parti de l’ensoleillement du sud. Rythmés par ces variations de niveau, tous ces lieux façonnent un cœur d’îlot animé qu’un vaste porche met en relation avec la rue et les trois halls des immeubles.
Logements et prolongements extérieurs
Tout en s’appropriant les contraintes du PLU, il creuse les volumes pour offrir des vues et instaure de subtils décalages dans les angles pour faire entrer la lumière. Il concilie très habilement densité et intimité. Ceci se traduit par une très grande diversité dans la typologie des logements qui échappe à toute standardisation d’un plan d’étage courant et optimise partout l’espace et les vues pour compenser les limites de surfaces qu’imposent des programmes en accession. La lumière naturelle a été favorisée pour l’ensemble des escaliers collectifs, les locaux communs situés en rez-de-chaussée et les logements. Aux trois angles de la cour, chacun des escaliers dessert trois ou quatre logements par niveau et 85 % de ces appartements disposent de plusieurs orientations. Si les séjours des plus grands, tous traversants, sont tournés vers le sud avec des prolongements extérieurs d’une profondeur de 2 m dont certains s’apparentent à des jardins d’hiver, l’architecte valorise également les vues sur Paris au nord. Les logements des niveaux supérieurs sont agrémentés de très grandes terrasses résultant des retraits successifs du plan d’épannelage et les toitures sont l’occasion d’offrir des surhauteurs dans les séjours sous rampant (jusqu’à 4 m de haut) et des éclairages zénithaux. Les toitures des derniers niveaux abritent un étage technique permettant d’intégrer au sein du volume bâti des équipements comme les moteurs d’ascenseur ou de VMC, etc.
Une grande variété de typologies
Des cuisines sont en premier jour avec des baies d’angle donnant sur des loggias. Des entrées de logement et des salles de bains sont elles aussi éclairées naturellement. Les petits logements (T2 et T3), implantés dans les angles, y trouvent des loggias et des baies pour les vues. En limite de mitoyenneté, sur la rue Émile Baudot, une petite maison gratifiée d’un patio plein sud abrite un trois pièces.
La transparence des rez-de-chaussée et des locaux communs, les finitions soignées de tous les éléments de second œuvre et de serrurerie, l’intégration de carreaux de céramique faits main par une artiste avec un motif unique pour chacun des logements se mêlent au béton dans une harmonie qui ajoute à la qualité des lieux. La recherche de pérennité, le désir d’une forme monolithique et d’une unité de ton ont conduit à l’utilisation d’une palette limitée de matériaux qui fait la part belle aux parois extérieures traitées par ce béton blanc autoplaçant. Ce matériau qui garantit l’uniformité d’un épiderme lisse sans nécessiter d’autre parement s’avère ici totalement compatible avec l’économie d’un projet. Des granulats issus des calcaires parisiens lui donnent un aspect comparable à la pierre et l’assise est soulignée par un béton matricé dont le motif a été dessiné par l’architecte pour ce seul projet.
La fluidité du béton autoplaçant a permis de réaliser sans vibreur des voiles de 18 à 20 cm d’épaisseur et d’autres légèrement incurvés pour laisser glisser la lumière. En choisissant ce matériau très malléable pour ses aspects structurels et fonctionnels, l’architecte en fait aussi un élément esthétique majeur qui donne du corps à son architecture, notamment par le relief du socle matricé qui intègre des motifs de feuilles et de coquillages. Cet effet sculptural apporte du lustre au bâtiment, joue avec la lumière et dessine selon les heures des effets d’ombres géométriques.
L’art des artisans au service du béton
Tout en renouant avec un aspect artisanal du métier qui transparaît dans la qualité des finitions, la matrice élargit la palette de teintes, de textures et d’aspects. Pour la mettre en œuvre, un premier module de 16 x 26 cm (dimension correspondant au rectangle d’or), en pointe de diamant inversée avec des empreintes de coquillages, a permis de fabriquer une matrice en résine de 80 x 234 cm constituée de 45 modules.
Celle-ci a servi de moule pour préparer les matrices de chantier en polyuréthane insérées dans les banches de coulage du béton. Experte dans la mise en œuvre de ce type de béton, l’entreprise a très soigneusement suivi le calepinage précis dessiné par les concepteurs, élément essentiel pour le fini soigné de cette architecture. À l’approche des angles et de l’extrémité des façades, la matrice est arrêtée par des modules pleins. Certains murs sont matricés à mi-hauteur, d’autres en double face, d’autres en double hauteur comme en façade nord, d’autres encore se prolongent à l’intérieur des parties communes.
Ailleurs, ce sont des trumeaux matricés intégrés entre les baies… La mise en œuvre des parties non matricées étant tout aussi soignée, le calepinage des sous-faces en pointe de diamant des balcons vaut d’être mentionné, de même que les séparatifs incurvés, nécessaires çà et là pour préserver l’intimité sans perte de lumière.
L’approche environnementale
Ce bâtiment répond à la RT 2012. Il est isolé par l’intérieur. À l’extérieur, le béton blanc autoplaçant présente une surface lisse résistante aux salissures et pérenne dans le temps. Les loggias transformables en jardins d’hiver sont dotées d’éléments pivotants-rabattants. Elles favorisent l’intimité des habitants et participent à l’inertie thermique d’un bâtiment où des rupteurs de ponts thermiques sont aussi mis en œuvre. Les eaux pluviales sont intégralement récupérées depuis les toitures, pour assurer l’arrosage du jardin central.
Reportage photos : Martin ARGYROGLO
Maître d’ouvrage : First Avenue – SCI Massy IV – Maître d’œuvre : Vincen Cornu, architecte ; Pierre Farret, chef de projet – Paysagiste : Charles Dard – BET : Progerep – Bureau d’études structure, fluides, économie, maîtrise d’œuvre d’exécution – Céramistes : Maddy et Anne-Marie Cornu – Entreprise gros œuvre : Legendre île-de-France – Surface : 4 477 m2 SDP – Coût : 7,2 M€ HT – Programme : 63 logements en accession privée et un local d’activité.