Le cœur d’îlot et les maisons de l’îlot Truillet avec leur jardin minéral protégé.

Entre Bayonne et Biarritz, l’incessant mouvement de la voie routière du BAB (Bayonne Anglet-Biarritz) et son chapelet d’emprises commerciales ont joué leur rôle dans l’urbanisation d’Anglet, caractérisée par une densité relativement faible sur un territoire très étendu. Lotissements, habitat collectif et maisons individuelles se côtoient au fil de quartiers morcelés, pas toujours bien identifiés. L’opération Jouanicot Truillet portée par Habitat Sud Atlantic, qui réunit 72 logements locatifs et 13 logements en accession sociale, vient conforter un quartier proche du BAB.

Dans l’alignement des immeubles de l’îlot Jouanicot, le traitement des loggias évite les vues en vis-à-vis.
Dans l’alignement des immeubles de l’îlot Jouanicot, le traitement des loggias évite les vues en vis-à-vis.
Variation sur le monolithe blanc ancré dans la végétation.
Variation sur le monolithe blanc ancré dans la végétation.

Une géométrie fragmentée

Le site étant marqué par une hétérogénéité entre la densité d’un habitat collectif sur l’îlot Jouanicot et le tissu pavillonnaire plus distendu de l’îlot Truillet, la notion de couture s’imposait pour recréer un petit centre urbain en équilibrant le respect des droits de vues et d’ensoleillement des résidents d’origine et la qualité de vie des nouveaux habitants. Transcrire dans une écriture contemporaine la volumétrie de monolithe blanc propre à l’architecture basque est un exercice où Leibar & Seigneurin excellent depuis leurs débuts. Dans cet ensemble, le béton sert leur dessein en introduisant ici une géométrie élégante et fragmentée, où les masses, les décrochements, les biais et la légèreté d’un jeu d’escaliers jouent dans la lumière et la végétation. L’ancienne municipalité étant attachée à la qualité paysagère des lieux, le choix du projet, son intégration, sa composition et la densité du programme rejoignaient une démarche « habitat, environnement et développement durable ». Bien que le plan local d’urbanisme alors en vigueur ait autorisé des constructions en R+3, les architectes ont délibérément limité la hauteur à R+2 et ils ont su créer une trame verte qui remodèle le dessin des voiries pour insérer harmonieusement les constructions dans l’existant.

« Ici, les choix urbains, architecturaux, structurels et paysagers découlent de la même logique », dit Xavier Leibar. « Construire des logements R+2 et non R+3 ou 4 dans un programme social tient certes de l’exploit mais cela nous permet de nous couler, avec une échelle juste, entre la ligne de faîtage d’un immeuble collectif existant et le tissu des maisons individuelles. Cette option ayant pour corollaire une forme urbaine fragmentée peu économique, l’écriture architecturale n’en était que plus importante. Pour y apporter la qualité que nous souhaitions et soigner les détails en respectant le budget du logement social, une logique constructive très simple et économique s’imposait. Hormis le soin apporté à la mise en œuvre, c’est donc un projet sans réelle complexité constructive. »

Implanter un parking de 120 places était une autre question fondamentale car un parking aérien aurait mis à mal les ambitions paysagères. « Faisant du sous-sol l’ouvrage le plus complexe de cette opération, le parking est donc sous le jardin », poursuit l’architecte. « Sa trame différant de celle des logements, il est coiffé par un plancher de reprise, intégrant des poutres en béton très surdimensionnées, qui offre un sol aux logements et supporte la terre du jardin. »

Le graphisme des escaliers en béton préfabriqué.
Le graphisme des escaliers en béton préfabriqué.
Le relief des biais et des saillies anime les pignons des immeubles de l’îlot Jouanicot.
Le relief des biais et des saillies anime les pignons des immeubles de l’îlot Jouanicot.

Le quartier, l’îlot, l’intime et le partagé 

En s’appuyant à la fois sur l’échelle du quartier et celle de l’îlot, les architectes parviennent à préserver les vues et l’ensoleillement pour tous. La très grande attention portée aux transitions entre l’espace public et l’espace privé facilite le potentiel de rencontre au niveau de l’espace public. À l’échelle du quartier, c’est en s’appuyant sur les voiries existantes pour gérer les accès aux maisons que les architectes optimisent les surfaces paysagères en modelant l’espace public. Libéré pour une approche entièrement paysagère, l’espace vide entre les constructions apporte aux riverains l’agrément de vivre au cœur d’un parc scandé de « coulées vertes ».

Comme autant d’espaces poreux et perméables, visibles de la rue Jouanicot, elles donnent à l’ensemble une relation fluide avec l’environnement. Respect des percées visuelles, îlots traversants et sentes, jardins collectifs agrémentés d’un mobilier en béton où se délasser ou partager un repas…, tout, jusqu’à l’émergence soignée de l’ascenseur du parking, concourt à dessiner un cadre de vie plaisant et convivial où l’articulation des espaces publics et privés et l’attractivité des logements se conjuguent.

Plan étage courant
Plan étage courant
Plan de situation
Plan de situation

L’art de la masse et des découpes 

L’îlot Jouanicot, voué aux logements collectifs, était le plus sensible en raison de sa position en premier plan avec une vue dégagée sur les contreforts pyrénéens. Au contact avec la rue, des immeubles de faible hauteur (R+2) introduisent une échelle intermédiaire, entre l’habitat collectif de la résidence et les maisons individuelles. Dans l’îlot destiné à l’habitat groupé, le fractionnement des emprises bâties, sur les rues Truillet et Jouanicot, instaure des relations entre pleins et vides compatibles avec celles du tissu existant.

À l’échelle des îlots, la finesse du travail sur la typologie des logements est complétée par l’attrait des espaces partagés. La quiétude des riverains et les vues qui leur sont offertes se conjuguent avec l’ambition de réaliser une opération exemplaire en termes de « qualité de l’offre de vie » et de favoriser le vivre ensemble. Dans l’habitat collectif, où tous les accès sont individualisés, les logements sont traversants et disposent de doubles loggias sur les pièces à vivre, et le dispositif des loggias arrière qui échappent aux regards ménage l’intimité des appartements. Grâce à leur relation aux pièces de vie, la dimension assez restreinte des espaces privés extérieurs qui communiquent avec le vaste jardin de cœur d’îlot n’exclut en rien une grande qualité d’usage. La notion traditionnelle de jardin privatif, très consommatrice de foncier, fait ainsi place à celle de jardin clos plus en accord avec les modes de vie contemporains. Dans les maisons en bande en retrait par rapport à la rue, on trouve ainsi, à l’arrière des espaces de vie, un jardin minéral et une terrasse qu’une paroi en béton intimise. Ce lieu que les habitants peuvent s’approprier à leur gré pour divers usages (pièce en plus, lieu de détente, etc.) s’ouvre sur le jardin partagé aux dimensions généreuses et les sentes végétalisées. Très simples mais dessinées, les maisons individuelles de l’îlot Truillet se déhanchent.

Pour construire en béton gris la quasi-totalité des logements et les murets des jardins clos, le matériau a été coulé en place, ragréé et peint, les loggias saillantes et les escaliers étant préfabriqués en usine.

« Pour travailler la masse en phase avec cette idée de monolithe blanc empruntée aux maisons basques néo-régionalistes, le béton est un matériau idéal. Il permet de sculpter l’architecture en s’inspirant, dans une certaine mesure, du travail du sculpteur Chillida », précise Xavier Leibar. Travailler sur un monolithe découpé apporte, en façade, une tension entre la masse du béton et des épaisseurs qui se traduisent par des ensembles saillants et un jeu de superpositions sur les angles. Résultant de coffrages soignés, des biais en partie haute et sur les pignons donnent, en plan comme en coupe, ce sentiment d’épaisseur.

Les découpes des fenêtres et des avancées, les loggias saillantes en béton préfabriqué, les murets et la légèreté graphique des escaliers, tout s’anime ici sous les ciels changeants du Pays basque. Dans l’îlot Truillet, où les creux des biais formés par les portiques en béton préfabriqués donne du relief aux façades, les maisons tournées vers la terrasse en béton préfabriqué du jardin clos prennent la lumière.

Sur le plan structurel, voiles de refend et planchers sont en béton coulé en place. Une attention particulière a été apportée à la suppression des ponts thermiques. Le principe général consiste à créer une rupture entre les éléments structurels en béton et les façades en créant un vide qui est rempli avec un isolant thermique. Les bâtiments sont isolés par l’intérieur. Ceci préserve, à l’extérieur, l’aspect du matériau, choix plastique qui donne une unité et une belle uniformité aux façades peintes en blanc. Cet ensemble est labellisé Bâtiment Basse Consommation (RT 2005).

Conjuguant la quiétude et la recherche des vues, les maisons se déhanchent.
Conjuguant la quiétude et la recherche des vues, les maisons se déhanchent.
Découpe des fenêtres et des avancées.
Découpe des fenêtres et des avancées.

Reportage photos : Patrick MIARA

Maître d’ouvrage : Habitat Sud Atlantic – Maître d’œuvre : Leibar & Seigneurin architectes – BET structure : Eccta – Entreprise générale et préfabrication : Eiffage – Surface : 6 269 m² SHON – Coût : 8,54 M€ HT – Programme : 85 logements des îlots Jouanicot et Truillet ; îlot Jouanicot : 60 logements collectifs en location (10 T1, 32 T2, 12 T3, 6 T4) ; îlot Truillet : 12 logements collectifs en location ; 4 logements collectifs en accession (4 T2, 6 T3, 6 T4) plus 9 maisons individuelles en accession (7 T4, 2 T5).



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