L’obligation pour les collectivités, établie par un décret du 2 décembre 2011, de mesurer progressivement la qualité de l’air de l’ensemble des bâtiments scolaires et l’exigence imposée aux sociétés industrielles, définies dans les arrêtés du 30 avril et du 28 mai 2009, de faire figurer les émissions de COV de leurs produits de construction ou de revêtements de parois amenés à être utilisés à l’intérieur des locaux, ainsi que les produits utilisés pour leur incorporation ou leur application, sont les premières pierres du cadre réglementaire sur la qualité de l’air.
Mesurer les polluants dans les écoles
La loi Grenelle 2 de juillet 2010 a rendu obligatoire la surveillance de la qualité de l’air intérieur (QAI) de certains établissements recevant du public. Les décrets des 2 décembre 2011, 17 août 2015 et 30 décembre 2015 en ont fixé les modalités.
Les établissements concernés sont notamment ceux accueillant des enfants :
- les établissements d’accueil collectif d’enfants de moins de 6 ans (crèches, haltes garderies…) ;
- les centres de loisirs ;
- les établissements d’enseignement ou de formation professionnelle du premier et du second degrés (écoles maternelles, élémentaires, collèges, lycées…).
Les enfants peuvent en effet être exposés dans les écoles et les lieux d’accueil à plusieurs polluants émis par le bâtiment, le mobilier, les produits d’entretien, les fournitures scolaires, etc. Les concentrations en polluants mesurées dans l’air des écoles peuvent être parfois plus élevées que dans d’autres lieux de vie, du fait aussi de la densité d’occupation des locaux et d’un renouvellement de l’air souvent insuffisant.
Le décret n° 2015-1000 du 17 août 2015 a fixé les échéances suivantes, le 1er janvier 2018 pour les écoles maternelles, élémentaires et les crèches, le 1er janvier 2020 pour les accueils de loisirs et les établissements d’enseignement du second degré, et le 1er janvier 2023 pour les autres établissements.
Le dispositif réglementaire encadrant la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans ces établissements, comporte une évaluation des moyens d’aération qui peut être effectuée par les services techniques de l’établissement, ainsi que la mise en œuvre, au choix :
- d’une campagne de mesures de polluants (formaldéhyde, benzène, CO2 pour évaluer le confinement et éventuellement de perchloréthylène pour les établissements contigus à un pressing) par un organisme accrédité.
En cas de dépassement des valeurs limites, il est demandé à l’établissement de réaliser des investigations afin de déterminer les causes de ces dépassements.
- d’une autoévaluation de la qualité de l’air au moyen du « Guide pratique pour une meilleure qualité de l’air dans les lieux accueillant des enfants », permettant d’établir un plan d’action pour l’établissement.
Ce guide pratique a pour but de fournir une aide opérationnelle aux différentes catégories d’intervenants (équipe de gestion, responsable des activités dans la pièce occupée, services techniques et personnel d’entretien) dans les établissements qui accueillent des enfants, afin d’engager une démarche proactive et coordonnée d’amélioration de la qualité de l’air intérieur.
Son utilisation vise à identifier rapidement des actions favorables à la qualité de l’air intérieur via des grilles d’autodiagnostic des pratiques observées et d’identification préliminaire des sources potentielles présentes dans ou autour de l’établissement.
Les établissements concernés sont alors invités à apposer une affiche informant les usagers de la démarche engagée par l’établissement. Dans le cadre de la mise en œuvre de ce guide et selon certaines situations, les établissements recevant des enfants peuvent avoir recours à la réalisation de mesures indicatives de la qualité de l’air permettant de mesurer les polluants ciblés par le dispositif réglementaire.
Étude de cas : une crèche pour grandir à l’abri des COV
La crèche Virginia Woolf à Toulouse, qui accueille depuis le printemps 2012 les enfants du quartier Borderouge, a été distinguée en 2013 par l’association Architecture et Maîtres d’Ouvrage (AMO) qui lui a remis un prix récompensant à parts égales le maître d’ouvrage et l’architecte pour une réalisation remarquable.
« Dans l’appel d’offres, la ville imposait des exigences sur la consommation énergétique de la crèche. Nous avons été retenus, car nous y avons ajouté un travail sur la qualité des ambiances à travers un jeu sur la lumière et les couleurs et une vigilance particulière sur la qualité de l’air », explique l’architecte de l’agence Projet 310, Christophe Balas, concepteur du bâtiment.
« Construire avec des blocs en béton cellulaire de 42 cm nous a permis d’éviter de recourir à un isolant et ainsi d’éviter une source d’émission de composés organiques volatils (COV) », note Christophe Balas qui, avec l’équipe de maîtrise d’œuvre, avait établi un référentiel fixant des seuils en termes d’émissions de polluants auquel les entreprises devaient se conformer dans le choix de leurs produits de second œuvre. Ainsi, les peintures sont minérales, le sol en caoutchouc recyclé et le mobilier en chêne massif.
Ventiler au-delà des débits réglementaires
Le maître d’œuvre ne s’est pas contenté de réduire les sources de polluants, il a veillé à ce que la ventilation mécanique contrôlée double flux
(avec échangeur permettant de transmettre les calories de l’air vicié évacué à celui entrant) permette d’assurer un renouvellement d’air suffisant pour prévenir l’accumulation de COV dans le temps. Car le bâtiment, performance énergétique oblige, se doit d’être très étanche. En l’absence de fuites d’air (défauts permettant d’assurer dans les constructions médiocres sur le plan énergétique un renouvellement d’air) la ventilation est ici le seul garant de la qualité de l’air.
« Pour les pièces humides où l’on rencontre le plus de microbes nous avons mis en place un système de ventilation distinct qui tourne en continu. Dans les autres pièces, elle s’adapte à l’occupation, explique l’architecte du projet. La réglementation encadrant la ventilation imposant des débits plus faibles dans les crèches que dans les bâtiments occupés par des adultes, nous avons choisi d’établir des niveaux de débit situés au-dessus de ce qui nous est imposé dans les textes de loi. »
Sans pénaliser la performance énergétique
Néanmoins, la volonté d’offrir un environnement sain se heurte à la recherche d’une consommation énergétique basse et à l’intention architecturale. « Augmenter encore les débits de ventilation aurait nécessité des tuyaux au diamètre plus important, difficiles à intégrer architecturalement, et des ventilateurs plus puissants, donc plus énergivores », remarque Christophe Balas. Or, dans ce bâtiment où les besoins de chauffage sont assurés par le couplage de la VMC double flux à une pompe à chaleur géothermique, et l’éclairage optimisé, le poste ventilation représente déjà un quart des consommations énergétiques du bâtiment.
L’architecte a également intégré dans son travail de conception la future exploitation de la crèche. « La VMC double flux nécessite d’installer des longueurs conséquentes de gaines qui peuvent avec le temps devenir des nids à champignons. Le travail de l’architecte doit donc également consister à faciliter les interventions de maintenance et d’entretien de ces réseaux. »
Mais le rôle du maître d’œuvre s’arrête à la livraison et ce dernier n’est pas à même de garantir que la qualité de l’air obtenue ne s’estompe pas durant la vie du bâtiment. « Nous avons mesuré les concentrations en COV à l’inauguration du bâtiment et elles étaient très faibles. Une nouvelle campagne menée après plusieurs mois d’occupation a donné pour un de ses composés une valeur nettement plus importante. Cela montre l’influence du mobilier et des produits utilisés au quotidien », constate Christophe Balas. Alors à quand des contrats de performance sur la qualité de l’air, à l’image des contrats de performance énergétique, qui garantiraient des concentrations faibles de COV en exploitation ?
Étiquetage sanitaire des produits
Depuis septembre 2013, tous les produits de construction ou de revêtement de parois amenés à être utilisés à l’intérieur des locaux, ainsi que les produits utilisés pour leur incorporation ou leur application, doivent disposer d’une étiquette indiquant leur niveau d’émission de COV. Sont ainsi concernés : cloisons, revêtements de sols, isolants, peintures, vernis, colles, adhésifs, etc., dans la mesure où ceux-ci sont destinés à un usage intérieur.
Cet étiquetage obligatoire complète l’interdiction, suite aux arrêtés du 30 avril et du 28 mai 2009, de mettre sur le marché des produits de construction et décoration contenant des substances dites CMR, Cancérogènes, Mutagènes ou Reprotoxiques (perturbant la reproduction), de catégories 1 et 2, soit le trichloréthylène, le benzène, le phtalate de bis (2-éthylhexyle) et le phtalate de dibutyle.
Conformément aux orientations du deuxième Plan national santé-environnement, l’étiquetage intègre l’émission de formaldéhyde et l’émission totale de COV. Mais d’autres polluants sont également pris en compte, car les enquêtes de l’OQAI - ont montré leur forte présence dans les logements : l’acétaldéhyde, le toluène, le tétrachloroéthylène, le xylène, le triméthylbenzène, le dichlorobenzène, l’ethylbenzène, le butoxyéthanol, et le styrène.
Le niveau d’émission du produit est indiqué par une classe allant d’A+ (très faibles émissions) à C (fortes émissions), selon le principe déjà utilisé pour les étiquettes énergie.
Le recours à des produits étiquetés A+ réduit les risques de pollution de l’environnement intérieur mais ne suffit pas à garantir un bâtiment sain ; la prise en compte de l’influence du climat sur les matériaux et le respect des règles de l’art pour la mise en œuvre sont également déterminants.
Les étiquettes A+ ne font pas un bâtiment sain
« Un revêtement de sol et des colles A+ installés quand la chape n’est pas encore sèche peuvent émettre des composés organiques volatils durant des mois. »
Suzanne Deoux, spécialiste en oto-rhino-laryngologie et fondatrice du bureau d’études Medieco, spécialisé dans les problématiques de santé appliquées au bâtiment.
De plus, les polluants d’une pièce ne sont pas la somme des émissions de chacun des matériaux. Les interactions entre les différentes émissions des matériaux et leur environnement sont complexes et difficiles à prendre en compte. C’est pourquoi le CSTB travaille à une nouvelle version de son logiciel d’évaluation environnementale « Élodie », de manière à ce qu’il puisse, demain, permettre de calculer, de manière simplifiée, les concentrations théoriques en COV des pièces d’un projet. L’ambition est d’en faire un outil d’aide à la conception, dont le fonctionnement se basera sur les informations contenues dans la base de données nationale Inies, renseignée par les syndicats professionnels et les entreprises elles-mêmes.
Simuler la qualité de l'air intérieur
Octopus Lab a créé un logiciel de prévision de la qualité de l’air intérieur d’un bâtiment avant sa construction. Il exploite le moteur de calcul de chimie de l’air intérieur INCA-Indoor® développé lors du projet national MERMAIS financé par l’ADEME. Le logiciel INDALO simule la qualité de l’air intérieur en tenant compte des matériaux mis en œuvre dans le bâtiment, du système de ventilation, de l’occupation des locaux, de la pollution extérieure, du mobilier, ainsi que des interactions photochimiques et surfaces/polluants.
Une réglementation sur l’aération à mettre à jour
La réglementation française relative à l’aération n’a pas été mise à jour ces trente dernières années. Les arrêtés du 24 mars 1982 et du 28 octobre 1983, relatifs à l’aération des logements neufs, sont basés sur le principe de ventilation générale et permanente de l’arrêté du 22 octobre 1969. Ils fixent des exigences de débits d’air extraits minimum en pièces de service, et autorisent la modulation des débits.
En ce qui concerne les bâtiments tertiaires, c’est le Code du travail qui définit les débits de ventilation à respecter.
Un cadre réglementaire à faire évoluer
« La réglementation encadrant la ventilation comporte un certain nombre d’incohérences. Par exemple, alors que dans un collège le débit minimum est de 15 m³ par heure, le code du travail impose pour un professeur 18 m³/h. Si ces débits sont de toute façon largement trop faibles pour assurer une bonne qualité d’air, du côté de la rénovation, on ne trouve tout simplement pas d’obligation réglementaire de débit. »
Emmanuelle Brière, responsable ventilation et traitement d’air au sein du syndicat d’entreprises thermiques et aérauliques Uniclima.
Vers une nouvelle profession de ventiliste
« Il faut que la montée en puissance de la VMC double flux soit accompagnée de l’émergence d’une nouvelle profession : “ventiliste”. Ce néologisme pourrait regrouper tous les professionnels capables de concevoir un système de ventilation dans son intégralité (entrée, sortie, conduits, ventilateurs…). Des professionnels qui devraient toujours avoir en tête des règles de base comme l’idée que l’on ne peut pas rentrer plus d’air qu’il n’en sort, notion triviale trop souvent ignorée aujourd’hui sur les chantiers. »
Suzanne Deoux, spécialiste en oto-rhino-laryngologie et fondatrice du bureau d’études Medieco, spécialisé dans les problématiques de santé appliquées au bâtiment.
Actuellement, le cadre réglementaire n’exige aucune mesure sur site et ne permet donc pas de garantir des débits de ventilation « réels » satisfaisants. Pour cela, il faut se tourner vers des démarches de labellisation comme le label « Effinergie + » qui impose de mesurer, à la livraison du bâtiment, les débits effectifs du système d’aération.
ESSOC : Vers un « Droit à expérmenter »
L’article 49 de la loi pour un Etat au service d’une société de confiance (ESSOC) a pour objectif de faciliter la réalisation de projets de construction et de favoriser l’innovation, définissant « les modalités selon lesquelles les maîtres d’ouvrage des opérations de construction de bâtiments peuvent être autorisés à déroger à certaines règles de construction », afin de recourir à des solutions à « caractère innovant, d’un point de vue technique ou architectural ».
L’aération fait partie des 9 domaines concernés par la dérogation, qui s’appliquera aux travaux de construction neuve et également à ceux « qui, par leur nature et leur ampleur, sont équivalents à une telle opération ». Suite aux textes officiels, la DHUP a publié en mars 2019 un Guide de leur application, à consulter !
Vers un label bâtiment responsable
Dans sa « Lettre de cadrage pour la transition écologique » de janvier 2013, le Premier ministre demande au Ministère de l’Égalité des territoires et du Logement d’« accompagner la rénovation énergétique d’une vigilance particulière sur la qualité de l’air intérieur pour laquelle l’amélioration et la valorisation des connaissances comme la sensibilisation des différents acteurs doivent être amplifiées » et demande de « définir pour fin 2013 début 2014, un label de performance énergétique et environnementale ».
Le Plan Bâtiment Durable, structure ayant vocation à organiser la concertation nécessaire dans l’élaboration des textes législatifs et réglementaires, a chargé Christian Cléret, Directeur Général de Poste Immo, et Bernard Boyer, Président de SUN BBF, de piloter un groupe de travail sur « le bâtiment responsable ».
Dans son rapport d’étape rendu public en juillet 2013, le groupe de travail
« Réflexion Bâtiment Responsable 2020-2050 » propose d’expérimenter, à partir de 2014, un label « bâtiment responsable ». Sous forme d’étiquette, il permettrait d’identifier les maisons, les logements collectifs et les immeubles tertiaires « responsables » via des indicateurs de performances spécifiques portant sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments, les effets induits sur les ressources et sur les rejets à l’échelle de la planète (énergie, émissions de CO2, consommation d’eau, production de déchets) ainsi que la qualité des ambiances intérieures (confort d’été, acoustique, qualité de l’air). Le rapport indique que ce label devrait être opérationnel en 2018 de manière à ce que l’État puisse s’en servir pour y adosser ses politiques fiscales.
Ainsi, d’ici quelques années, les concentrations en COV d’un bâtiment pourraient conditionner l’obtention d’aides fiscales.
Réorienter les labels vers une obligation de résultats
« Sur cinquante démarches internationales de certification répertoriées, seules douze exigent, à la livraison, une mesure de la qualité de l’air intérieur. Et lorsque les labels demandent des obligations de résultat, ils semblent le faire de manière excessive et peu pragmatique. Le Sentinel-Haus (label allemand, un peu diffusé dans l’Est de la France), par exemple, demande de mesurer plus d’une centaine de COV. »
Claire-Sophie Coeudevez, ingénieur au sein du bureau d’études Medieco, spécialisé dans les problématiques de santé appliquées au bâtiment.
Trois parties prenantes de la qualité dans la construction font notamment exception à ce constat.
ECRAINS® est un engagement à construire responsable pour un air intérieur sain, une démarche de qualité développée par l’ADEME. Destinée à satisfaire une approche préventive de la santé dans le bâtiment, elle vise à limiter durablement les émissions de polluants à la source et à pérenniser la qualité des ambiances intérieures. ECRAINS® concerne les projets neufs et en réhabilitation et vise tout type de bâtiments résidentiel et tertiaire (bureau, santé, enseignement, petite enfance, sport, culture…).
La démarche couvre l’ensemble des étapes d’un projet, depuis le diagnostic qui précède la phase programmation, jusqu’à la réception de l’ouvrage. Le déploiement de la démarche est construit sur un partage des objectifs du projet et intègre toutes les dispositions facilitant une collaboration entre les corps de métier. Pour ce faire, la méthode traite des étapes clés liées à l’établissement des contrats de travaux ou de prestations.
Les résultats sont validés au moyen de mesures effectuées à réception et lors du premier hiver.
INTAIRIEUR® est le label développé par IMMOLAB, pour répondre aux enjeux de la qualité de l’air intérieur dans la construction de logements neufs. Il valorise les opérations pour lesquelles le Maître d’Ouvrage a suivi une démarche visant à améliorer la qualité de l’air des espaces de vie. Cette démarche volontaire s’applique durant toutes les phases du projet, de l’avant, au pendant, puis à l’après construction.
Elle se traduit notamment par la sensibilisation des intervenants et des usagers, par des préconisations de techniques et de matériaux performants, par l’accompagnement et les suivis chantier, mais également par des mesures obligatoires de QAI réalisées par des structures indépendantes sur la base d’un protocole spécifique au Label INTAIRIEUR®.
Qualitel Certification, enfin, a développé un référentiel pour accompagner les maîtres d’ouvrage dans la prise en compte la qualité de l’air intérieur des logements. Le Système de Management de la QAI (SMQAI), service associé à la certification NF Habitat – NF Habitat HQE, est une méthode globale qui tient compte des enjeux QAI à chaque phase d’un projet. Elle a été construite à partir du guide pratique « Mesurer la Qualité de l’air Intérieure des bâtiments neufs et rénovés » de l’Alliance HQE-GBC dont Cerqual est membre. Cette démarche présente des règles de bonnes pratiques à appliquer de la conception jusqu’à la livraison du bâtiment par différents intervenants du projet. L’ensemble du processus est validé par des mesures de qualité de l’air à la réception des logements.