À Nancy, la rue Raugraff, dédiée aux transports en commun, enregistre un important trafic de bus. Quatre ans après sa précédente rénovation en pierre naturelle, la voie présentait déjà de nouvelles dégradations. Cette fois, la métropole du Grand Nancy a opté pour une solution robuste et durable : le béton armé continu (BAC).
Le constat du Cerema-Laboratoire de Nancy
« Visuellement, les dégradations se répartissaient en trois zones,rappelle Olivier Perez, responsable de l'activité Gestion et Maintenance des infrastructures et réhabilitation au Cerema-Laboratoire de Nancy. Dans les 40 premiers mètres, la rue Raugraff présentait une fissuration et un faïençage importants au niveau des joints, avec délitement des pavés. Ces dégradations étaient accompagnées de flaches et d’orniérages prononcés. Une deuxième zone d’une vingtaine de mètres était relativement préservée. Une troisième section, également d’une vingtaine de mètres, présentait de nouveau des joints fissurés et faïencés, mais avec peu de déformations. »
Problématique et enjeux de la réhabilitation
Longue de 82 m sur 4,10 m de large, la rue Raugraff cumule plusieurs spécificités.
- En plein centre-ville, dans un quartier animé et commerçant, elle est dédiée aux transports publics. En plus d’un trafic important, elle accueille un arrêt long de 48 m qui lui fait subir les freinages et les accélérations de tous les véhicules.
- Englobée dans un périmètre historique, elle fait l’objet de l’attention particulière des Bâtiments de France. Ainsi, pour préserver son esthétique, sa précédente rénovation a été réalisée en pierre naturelle. Mais, comme en témoigne l’apparition d’orniérages, ce revêtement – habituellement limité à 150 PL par jour – s’est révélé inapte à résister à un trafic plus important.
- Enfouis dans la chaussée à une faible profondeur, plusieurs réseaux structurants (électricité, télécoms…) traversent perpendiculairement la voie.
- Un passage et un parking souterrains existent sous une partie de la chaussée (à – 19 cm), ce qui explique l’impossibilité d’enfouir les réseaux profondément.
Les carottages réalisés par le Cerema-Laboratoire de Nancy ont révélé une couche de forme hétérogène, composée d’une grave traitée en mauvais état dans une zone et de sable stabilisé dans les deux autres. La composition de la couche de fondation varie également, avec cependant deux zones en très bon état constituées de pavés reposant sur un sable stabilisé.
Les solutions proposées
Deux options ont été envisagées par le Cerema-Laboratoire de Nancy :
- La réalisation de dalles de béton ferraillées ou goujonnées dans les zones les plus dégradées, pour résister aux sollicitations provoquées par l’arrêt et le redémarrage des bus. Mais cette option a soulevé des questions de confort et de « roulabilité » à cause des joints. Selon les Bâtiments de France, leur présence dessert également l’esthétique de l’ouvrage.
- La création d’une structure en béton armé continu (BAC) sur l’ensemble de la voie, avec la réalisation de dalles de transition au niveau des jonctions avec l’ancienne chaussée. C’est finalement cette dernière solution qui est retenue par la métropole du Grand Nancy.
Le choix du Béton Armé Continu
« Caractérisé par la présence d'une armature continue et par l'absence de joints transversaux, le béton armé continu est réputé pour sa robustesse et sa portance,explique le technicien en charge des travaux à la maintenance des voiries, pour la métropole du Grand Nancy. La chaussée BAC est reconnue pour avoir un excellent comportement à long terme et ne nécessitant que peu d’entretien. »
Le choix esthétique du revêtement
Attachés à l’aspect esthétique de la chaussée, les architectes des Bâtiments de France souhaitaient rester dans l’esprit de la précédente rénovation en privilégiant un aspect minéral naturel.
Pour obtenir l’aspect pavé souhaité, il a été envisagé de recourir, en surface, au béton imprimé. Mais ce choix présentait des inconvénients du point de vue de l’adhérence et de la durabilité des motifs, soumis à l’usure provoquée par le passage des véhicules.
Finalement, le choix s’est arrêté sur un béton coloré avec des effets de texture, en l’occurrence une alternance de surfaces poncées et bouchardés reprenant le concept et les motifs déployés sur la place Charles-III, la teinte beige clair (avec traitement de surface et utilisation d’un fixateur) se rapprochant le plus possible de la coloration des pavés situés sur la place. Les Bâtiments de France ont donné leur feu vert.
Réseaux affleurants et aménagements souterrains
Comme l’indique Valentin Gobetti, le conducteur de travaux de l’entreprise LOR TP, en charge de la réalisation de l’ouvrage, la présence de nombreux réseaux structurants et affleurants — ne pouvant être déviés — a contraint à adapter et à renforcer le ferraillage au droit des passages de câbles. Un dispositif particulier (plaque métallique) a été posé pour protéger un réseau sensible électrique HTA.
Préparation, couche de forme et ferraillage
Dans la zone la plus dégradée « le matériau granulaire entre la couche de fondation et le pavé » a été remplacé. Après un fraisage d’une profondeur allant de 25 à 30 cm (sauf au-dessus du tunnel où il a été limité à 21 cm), la chaussée a été reprofilée « par un enrobé pour obtenir un support propre à la cote – 21 cm ».
Des armatures longitudinales de diamètre 16 mm, espacées de 14 cm, ont été posées en milieu de dalle dans l’épaisseur et liaisonnées sur des distanciers posés en diagonale.
Les extrémités des dalles ont été renforcées par la mise en place de chaînage 15 x 15 cm et constituées de 4 barres d’acier haute adhérence de 16 mm de diamètre. Dans les zones potentiellement les plus sollicitées et pour lutter contre la fissuration, un treillis de 20 x 20 cm sur 1 m a été créé au-dessus des armatures longitudinales.
Au niveau des réseaux, un treillis de 20 x 20 cm et dépassant de 25 cm de part et d’autre des réseaux a été mis en place sous les armatures longitudinales (cf. le « point fort » évoqué plus haut par Valentin Gobetti).
Ciment et béton
À base de ciment Vicat, le béton choisi provient de la centrale Vicat de Chavigny, située à côté du CHU de Nancy-Hôpitaux de Brabois, à une demi-heure de trajet du chantier. « Il s’agit d’un béton routier, de type BC5 (C35/45)dosé à 370 kg de ciment, avec une classe de consistance S2,commente le conducteur de travaux de LOR TP. Notre partenaire Vicat, représenté par Loïc Dilos, du bureau qualité de Vicat, et par Daniel De Col, technico-commercial, nous a accompagnés et conseillés dès la phase de conception des travaux, puis lors de la phase de préparation. Des planches d’essais ont été réalisées préalablement et ont permis de valider l’aspect esthétique (teinte et texture) et les performances mécaniques de la formulation du béton afin de satisfaire à la demande de la métropole du Grand Nancy et des Bâtiments de France. »
Une cure pour assurer la bonne prise du béton
Une fois le béton lissé, un produit de cure (Pieri Easy Cure) est immédiatement pulvérisé à sa surface.
« L’utilisation de ce type de solution aqueuse est indispensable en toutes circonstances pour éviter la dessiccation ou l'évaporation trop rapide, tout en assurant une bonne prise du béton, insiste le conducteur de travaux de LOR TP.C’est d’autant plus nécessaire aujourd’hui, car il fait très beau avec une température estivale de 31 °C ce matin et de 33 °C prévue cet après-midi. » Un géotextile humidifié pour renforcer la cure.
11 h 17, le 19 juillet. La dernière des 11 toupies mobilisées pour le chantier BAC de la rue Raugraff arrive. Il reste moins de 10 mètres linéaires à couler et à lisser. À l’autre bout de la voie, un géotextile a commencé à être déployé pour recouvrir l’ensemble de la nouvelle chaussée. But de cette couverture : limiter l’évaporation et renforcer l’effet du produit de cure alors que le beau temps règne sur Nancy. Cette « couverture » sera humidifiée toutes les heures jusqu’au soir.
Réouverture à la circulation
Après 28 jours de séchage et à l’issue d’essais de résistance à la compression et de fendage du béton, la rue Raugraff a été rouverte à la circulation des six lignes de bus qu’elle accueillait avant les travaux. Depuis le 22 août, le carrousel des 394 bus quotidiens a repris pour longtemps. Finis les ornières et les pavés disjointés. Place à 82 m de BAC parfaitement profilé. Signes particuliers : silence et confort pour les usagers.
Principaux Intervenants
Maîtrise d’ouvrage : Métropole du Grand Nancy - Maître d’œuvre : Métropole du Grand Nancy - Entreprise : LOR TP – Béton : Vicat – Ciment : Vicat