Rationalité, géométrie et flexibilité, tels sont les atouts mis en avant dans le bâtiment en béton poncé livré au groupe IDF Habitat pour accueillir son siège social.
L’immeuble est construit à Champigny-sur-Marne, sur l’emprise des anciens ateliers de la société Air Liquide. Adossé au talus des voies SNCF, il est implanté à l’alignement, face à l’emplacement du parvis projeté au centre du nouveau quartier qui doit relier le centre-ville aux bords de Marne. Ancré solidement dans le sol, il ne répond pas moins aux impératifs du plan de prévention des risques d’inondation. Ainsi, le parc de stationnement est-il aménagé en rez-de-chaussée, sous les pilotis, et dissimulé derrière des éléments ajourés en béton clair permettant l’écoulement des eaux en cas de crue.
Ouvrir le bâtiment sur l’espace public
Au nord, une façade largement vitrée, prolongée par un système de loggias accessibles, s’ouvre sur l’espace public. C’est de ce côté que sont implantées les fonctions majeures. L’entrée des usagers s’y effectue par un large escalier menant au R+1 où sont aménagés l’accueil et les espaces de formation. Dans les étages supérieurs, de larges dégagements desservent les bureaux. Les salles de réunion donnent également sur le futur parvis, tout comme la salle du conseil d’administration, située au dernier niveau, et dont la double hauteur caractérise la skyline du bâtiment. Les vues panoramiques qui y sont dégagées sur trois faces nord-est-ouest répondent à celles du restaurant aménagé sur les toits.
Les autres façades ouvrent sur la rue et sur le cœur d’îlot où un jardin crée une continuité avec les haies et les bosquets qui bordent la voie SNCF.
Répondre aux attentes de flexibilité d’IDF habitat
Conçu sur un plan en L, libre de tout élément de structure intérieur, le projet garantit la complète réversibilité des aménagements attendus par le maître d’ouvrage, au point de pouvoir théoriquement répondre indifféremment à des programmes de bureaux, d’équipement ou de logements. Les planchers en dalles alvéolaires préfabriquées portent ainsi de façade à façade sur 13 m sans supports intermédiaires. Les seuls éléments inamovibles sont les noyaux regroupant les circulations verticales, les sanitaires et les réseaux.
Conçu dans la même optique de flexibilité, le système de chauffage-rafraîchissement par pompe à chaleur est alimenté depuis la toiture par une colonne unique, qui irrigue ensuite les étages par le plénum des faux planchers. Épais de 35 cm, et facilement accessibles, ces derniers distribuent l’ensemble des réseaux, ce qui a permis une grande souplesse dans le positionnement des postes de travail, mais aussi la réalisation de faux plafonds en plaques de plâtre acoustiques non démontables.
Dans la configuration livrée à IDF Habitat, les aménagements s’organisent systématiquement autour des halls d’étage situés au croisement des deux ailes. Ainsi desservis, les services sont structurés par un couloir central de part et d’autre duquel sont disposés les bureaux. L’interface avec les circulations est assurée par des cloisons épaisses intégrant des armoires ouvrant des deux côtés. Cette disposition participe de l’isolation phonique des espaces de travail tandis que les entrées, disposées en retrait, confortent le traitement convivial du couloir.
Rationaliser les composants
Les composants de second œuvre répondent au même souci de rationalité. Identiques quel que soit le statut des espaces, les portes, cloisons, boutons et appareillages électriques confèrent une unité à l’ensemble tout en simplifiant la maintenance. C’est également le cas des matériaux et des solutions constructives mis en œuvre dont le nombre limité participe de la réduction des coûts de construction et d’entretien : béton clair poncé pour les façades structurelles, aluminium thermo-laqué pour les fenêtres et les baies vitrées, caoutchouc pour le revêtement de sol et « terrazzo » à la vénitienne à base de marbre noir dans le hall d’accueil.
Rationaliser la structure
Formé à Turin puis à Madrid, le maître d’œuvre, Stefano Sbarbati, revendique une approche rationaliste tout en prétendant « ne pas être un architecte de génie mais un pragmatique soucieux d’organiser l’espace pour donner une plus grande flexibilité au bâti ». S’appuyant sur la réalité des chantiers et les impératifs du système économique actuel, il exploite la rigueur du plan et la répétitivité des modules en ce sens. La simplicité de mise en œuvre qui en ressort lui permet aussi de concentrer ses exigences sur les éléments porteurs de l’identité de ses projets ; en ce qui concerne le siège social d’IDF Habitat : le respect de la trame, la façade-loggia, les volumes en attique, la qualité du béton…
L’ouvrage est donc construit en béton armé sur une géométrie réglée par une trame de 0,675 m. Révélatrices du principe modulaire développé dans le projet, les façades porteuses ont été réalisées à base de ciment blanc et de granulats locaux, dans des coffrages métalliques standards de 1,20 m, complétés par des éléments de 15 cm de large permettant de rattraper le calepinage général. L’enveloppe du bâtiment est constituée d’une seule paroi en béton poncé coulé en place et isolée par l’intérieur. Les poteaux de la façade nord ont étés coulées en place comme le reste de la façade.
Les dalles alvéolaires de plancher impliquant un clavetage complet avec les porteurs verticaux, les ponts thermiques horizontaux sont traités par retournement de l’isolant en plancher et en plafond sur 1,50 m de profondeur.
Tout en respectant la RT 2012, le percement des façades garantit un éclairement uniforme des espaces intérieurs, en cohérence avec leur exposition.
À l’est, au sud et à l’ouest, l’alternance des ouvertures et des parties pleines protège les espaces intérieurs du rayonnement solaire et du vis-à-vis avec la voie ferrée. Au nord, vers la place, la masse du béton est réduite au minimum par l’alignement des poteaux supportant les loggias tandis que la façade située en retrait est largement vitrée.
Exploiter la minéralité du béton
Satisfait de l’aspect général du bâtiment, le maître d’œuvre revient sur la technique mise au point pour la finition des façades. « Le béton brut est un matériau génial qui permet d’atteindre des qualités plastiques extraordinaires mais sa mise en œuvre n’est pas simple, explique-t-il. À moins de s’appeler Tadao Ando, et de pouvoir prétendre à une finition magnifique, elle fait peur aux entreprises et inquiète les concepteurs et leurs clients. À Champigny-sur-Marne, l’idée a été de trouver un moyen simple et efficace pour régler les désaffleurs et les aspérités qui peuvent être considérés comme négatifs tout en révélant la vraie nature de ce matériau, sa nature pierreuse, ses granulats, sa composition. »
L’aspect mat et régulier des façades est ainsi dû à un ponçage au disque diamant appliqué sur des épaisseurs variant de 2 à 10 mm. L’opération a été réalisée à la nacelle grâce à un système de contrepoids inspiré des blanchisseries qui a permis d’effacer la charge de la machine afin qu’un seul ouvrier puisse s’en occuper sans fatigue. Un imperméabilisant incolore, projeté en fin de ponçage, en a garanti la pérennité.
Au final, pour un coût de l’ordre 30 ¤/m2 (ponçage + hydrofuge), l’opération a permis de proposer un bâtiment en béton brut mis en œuvre sur site en évitant toute solution de parement complémentaire. Autant d’économies utilisées pour proposer des aménagements intérieurs de qualité.
Reportage photos : Sergio GRAZIA et Martin ARGYROGLO
Maître d’ouvrage : IDF Habitat – Maître d’œuvre : Stefano Sbarbati, architecte mandataire ; Piuarch, architecte associé – BET TCE : Incet ingénierie – Entreprise générale : Colas Bâtiment – Surface : 3 000 m² SDP – Coût : 7,1 M€ HT (hors dépollution) – Programme : construction d’un immeuble de bureaux ; parking couvert de 57 places.