Les Écoles européennes (EE) font partie d’un réseau européen ayant pour philosophie la conception d’une «école idéale», dont les principes et la pédagogie sont communs à tous les établissements fondés sous cette appellation. Ils sont gérés par la Commission européenne et accueillent principalement les enfants des fonctionnaires européens. Celle de Strasbourg est la première de son genre construite en France.

Deux particularités de programmation ont conduit les architectes dans leur réflexion sur l’organisation spatiale du bâtiment : la cohabitation des trois niveaux scolaires – maternelle, élémentaire et secondaire (collège + lycée) – sur un seul site, ainsi que la pédagogie fondée sur un tronc commun d’enseignement (pas de fraction mathématiques/littérature), avec des options multiples et variées – en quelque sorte un enseignement à la carte...

Parvis de l’entrée : la façade comprend deux ailes inclinées, l’une vers le ciel, l’autre vers le sol.
Parvis de l’entrée : la façade comprend deux ailes inclinées, l’une vers le ciel, l’autre vers le sol.

D’un côté donc, une mixité d’âges à prendre en compte (1 200 élèves allant de 3 à 18 ans), et de l’autre, le travail en classes complètes, mais également en petits groupes, impliquant la création d’une variété de locaux d’enseignement.

Il fallut aussi prendre en compte les multiples interlocuteurs aussi bien du côté de la maîtrise d’ouvrage que de l’équipe pédagogique – Commission européenne, ville, département (Bas-Rhin), région (Alsace Champagne Ardenne Lorraine), et quatre chefs d’établissement... – ayant chacun son point de vue à différents niveaux de conception. Le dialogue fut complexe mais enrichissant.

L’école se situe dans le quartier de la Robertsau, situé dans la deuxième couronne de Strasbourg (la ville se développant en cercles concentriques), proche du Parlement – « les élèves ont une vue directe sur leur avenir », plaisante Vivien Burton, architecte – et à proximité du quartier résidentiel des fonctionnaires européens, très bien desservi par les transports en commun et les voies de circulation. 

Cour centrale : les bandeaux de béton brut cernent des parois en métal et verre.
Cour centrale : les bandeaux de béton brut cernent des parois en métal et verre.

L’idée directrice du projet était de concevoir un seul et même bâtiment accueillant tous les établissements scolaires sous le même toit. Contrairement à la plupart des réponses des autres architectes lors du concours, qui proposaient trois ou quatre édifices distincts posés sur le terrain, les agences associées Auer Weber Architekten BDA (allemande) et drlw architectes (française) ont délibérément développé leur bâtiment à R+2 à plat sur toute la surface du site.

Son implantation autour d’une cour centrale permet des relations visuelles permanentes entre les élèves et les équipes pédagogiques, et des interpénétrations qui favorisent le contact.

Façades graphiques

La répartition des différents établissements se fait en trois ailes, chacune abritant un niveau scolaire. La maternelle à l’ouest, en avancée, ménage un parvis sur lequel sont aménagés sa cour de récréation, ainsi qu’un abri à vélos – véritable ouvrage architectural en béton. Dans son prolongement, se trouvent les trois restaurants scolaires, distincts, mais implantés dans une continuité spatiale. L’aile nord abrite les classes du secondaire et la partie est celles de l’élémentaire.

Les matériaux et les teintes créent un jeu de contrastes, entre masse et légèreté.
Les matériaux et les teintes créent un jeu de contrastes, entre masse et légèreté.

L’accès principal, situé en façade est, donne sur un hall commun à l’élémentaire et au secondaire. Il présente des circulations surdimensionnées, où le béton brut, le verre et le bois dialoguent et créent une atmosphère fluide et lumineuse, formant un lieu privilégié de rencontres et de communication. Au centre de l’édifice, une grande esplanade est partagée en deux, dans le sens de la hauteur. Dans la partie du rez-de-chaussée, se trouve la cour des élémentaires, et un niveau au-dessus, celle des secondaires, avec toujours ce souci du lien visuel et architectural.

Le bâtiment est très présent au sein du quartier dans lequel il s’inscrit. Ses façades sont toutes différentes, très graphiques, comme soulignées par un «trait de béton». Ici, le béton est omniprésent, employé comme l’affirmation d’un geste architectural contemporain. Il est coulé en béton in situ pour la structure et met en œuvre des panneaux préfabriqués pour les éléments de façade et les murs intérieurs.

Les vastes circulations sont propices à la rencontre entre les différents niveaux scolaires.
Les vastes circulations sont propices à la rencontre entre les différents niveaux scolaires.

Jeu de contrastes

Les étages supérieurs sont marqués par d’épais acrotères et des bandeaux de béton brut clair, entre lesquels sont prises, soit des séries de baies horizontales noires placées en retrait, soit des parois rideaux métalliques, sombres également, constituées de vitres et de panneaux sandwichs. Ainsi se crée un jeu de contrastes, ombre et lumière, sombre et clair, masse et légèreté, retrait et avancée. Jeu de contrastes que l’on retrouve également dans la présence du socle habillé de bois, et des larges baies vitrées du rez-de-chaussée, qui allègent l’effet de masse du bâtiment et en même temps l’ancrent sur son site. Certaines parois sont inclinées vers le ciel ou vers le sol selon leur orientation par rapport à la ville. Au nord, il s’agissait d’atténuer la présence de la façade tournée vers une zone pavillonnaire,l’inclinaison est donc dirigée vers le ciel. À l’ouest, elle est orientée vers le sol pour faire écran face à une importante voie de circulation.

Dilatation verticale de l’espace à travers les trémies décalées.
Dilatation verticale de l’espace à travers les trémies décalées.

Fluidité et confort

À l’est, côté accès à l’établissement, la partie gauche de la façade se tourne vers le ciel, comme une invitation, une ouverture, et la partie droite (celle qui abrite l’entrée) vers le sol pour former une protection. Du béton autonettoyant a été utilisé pour éviter la présence de mousses sur les façades inclinées.

Partout à l’extérieur du bâtiment, les éléments de béton se retournent, engendrent une continuité et créent un rythme commun à l’ensemble des façades, qui souligne l’effet d’horizontalité et d’étalement souhaité par les architectes.

À l’extérieur comme à l’intérieur, les panneaux préfabriqués sont quasiment tous différents en termes de dimensions, comme en termes de formes. Pour mettre en valeur cette extraordinaire diversité, un gros travail sur les joints creux et sur le calepinage a été réalisé afin de rompre l’effet de continuité des lignes de béton. Dans les trémies d’escaliers, par exemple, les architectes ont veillé à ce que tous les joints se trouvent dans l’alignement d’un étage à l’autre, quitte à créer des faux joints ! Les vastes zones de circulation sont conçues comme des coursives éclairées zénithalement. Que ce soit en plan ou en élévation, les angles sont rarement droits, les garde-corps ne sont pas superposés et certains voiles sont inclinés, formant un jeu de décalages d’un niveau à l’autre. Tout ceci confère d’ailleurs à l’espace toute sa singularité.

Les panneaux préfabriqués sont tous différents ; un gros travail sur les joints a été réalisé.
Les panneaux préfabriqués sont tous différents ; un gros travail sur les joints a été réalisé.

Ici, le moindre détail est étudié avec soin : le parfait encastrement des portes dans les murs, les niches pour les radiateurs ou les horloges, les flux de lumière naturelle dans les salles de classe et dans les circulations, le rapport harmonieux des matériaux entre eux, les codes couleur, l’aménagement des restaurants scolaires (une série de lavabos est installée dans la file d’attente du self par exemple), l’agencement de chaque salle en fonction de son usage (général, scientifique, artistique...). Il en ressort une impression de fluidité et de confort, opulent mais sobre, où les élèves, les enseignants et le personnel sont au cœur de la réflexion architecturale.

Ainsi donc, une conception fonctionnelle qui ne néglige rien, tant dans sa dimension humaine que matérielle… Du point de vue énergétique, les architectes ont exploité au mieux les caractéristiques du site. En effet, à cause de la présence d’eau en sous-sol (l’Ill est toute proche), un vide sanitaire a été créé sous l’ensemble du bâtiment (qui sert de bassin de rétention en cas de forte inondation). De plus, la géothermie a été choisie comme source principale de chauffage (une chaudière à gaz vient en appoint en cas de grand froid), d’une part car le terrain gorgé d’eau le permettait, et d’autre part pour des raisons d’économie d’énergie. Toutes les toitures sont végétalisées, ce qui participe à la bonne inertie thermique de l’équipement et crée un véritable confort d’hiver comme d’été. Ajoutons que les performances du bâtiment sont 20 % supérieures aux exigences de la RT 2012.

Le béton et le bois se répondent : la pureté de l’un à la chaleur de l’autre.
Le béton et le bois se répondent : la pureté de l’un à la chaleur de l’autre.

Reportage photos : Aldo AMORETTI

Maître d’ouvrage : Ville de Strasbourg, département du Bas-Rhin et la région Alsace – Maître d’œuvre : Auer Weber, architecte mandataire ; Stefan Niese, associé (Munich) ; Éric Frisch, chef de projet ; architecte associé drlw architectes, Denis Dietschy et Christian Weinmann, associés (Strasbourg) ; Vivien Burton – BET TCE, VRD, SSI : SNC Lavalin – Paysage : Atelier Villes et Paysages – Acoustique : ESP Acoustique – Entreprise : Demathieu et Bard – Préfabricant : BCS – Surfaces : 11 770 m2 SHOB ; 7 480 m2 SU – Coût : 29,77 M€ HT – Programme : ensemble scolaire de la maternelle à la terminale, avec réfectoire, bibliothèque centrale et salle multifonctionnelle.



0 commentaires
CAPTCHA
Voir aussi
  • Béziers
    Palais de justice pour quatre juridictions
    Sculpté par des blocs en béton blond entre lesquels s’infiltre la lumière, le nouveau palais de justice est un édifice protecteur et pérenne où règne une ambiance sereine.
  • REVUE
    Construction Moderne n°103
    Ce numéro paraît dans une période riche en événements : ● Jean-Carlos Angulo prend la succession d’Antoine Gendry à la présidence de Cimbéton et Frédéric Velter est nommé au poste de directeur général où il succède à Michael Téménidès. ● Les relais qui sont pris interviennent dans un moment marqué par la parution simultanée du livre Construire avec les bétons et de l’annuel spécial Ouvrages d’art de Construction moderne.