L’hôtel de police des Mureaux s’inscrit dans un environnement très urbain, au cœur d’une zone de sécurité prioritaire. Il conjugue la compacité et l’élégance.
L’hôtel de police des Mureaux se situe dans la zone de sécurité prioritaire (ZSP) la plus importante des Yvelines, ce qui confère à l’équipement un statut particulier aux yeux de la population. Bâti à un carrefour de voies de circulation très passantes, il est environné d’un tissu urbain hétérogène en mutation, associant des bâtiments tertiaires, des logements collectifs et des pavillons, un équipement culturel et une mosquée en construite sur la parcelle voisine.
Ce sont ces différents éléments qui ont conduit les architectes de l’agence Ameller et Dubois à octroyer à cet édifice une identité forte et claire, rendant perceptible depuis l’extérieur la fonction du bâtiment. Cependant, il n’était pas question de concevoir une sorte de « bunker » destiné à la sécurité, mais de répondre aux contraintes du programme d’un lieu protégé tout en le rendant accueillant et élégant.
« Nous avons déjà réalisé plusieurs commissariats. Nous avons bien conscience du fait que le programme est toujours un peu le même, mais nous essayons de donner à chacun son identité propre, de les mettre en lien avec la ville, avec les habitants et avec leurs attentes », précise Philippe Ameller.
Un bâtiment ouvert/fermé
Ici, l’implantation se fait sur une parcelle d’environ 3 000 m2, elle comprend le bâtiment avec une emprise au sol de 1 260 m2, un parking pour les visiteurs et un parvis extérieur, qui marquent l’importance de l’accueil du public et symbolisent ainsi « l’idée républicaine ». En intérieur de clôture, une zone de stationnement est aménagée en evergreen, ainsi qu’une zone de manœuvre pour les engins de police et de secours.
L’hôtel de police des Mureaux s’élève à R+2, le plus compact possible pour limiter au maximum les déplacements du personnel, mais aussi ceux des personnes plaignantes et des détenus. Au rez-de-chaussée, se trouvent le hall d’accueil du public, les bureaux de commandement et l’unité judiciaire, des locaux techniques ainsi qu’une aile en retour abritant la zone de détention. Au premier étage, se trouvent les bureaux des enquêteurs et au second, une salle de sport, des vestiaires hommes et femmes, des locaux de stockage et des locaux techniques. Un parking souterrain de soixante-quatre places occupe le sous-sol. L’architecture du bâtiment se devait donc d’affirmer sa fonction au sein de la cité. Le béton s’impose d’emblée aux architectes comme le matériau protecteur et pérenne par excellence. Le système structurel est en béton coulé en place, poteaux-poutres avec refends au centre, offrant ainsi une grande souplesse dans l’agencement intérieur. Le rez-de-chaussée se présente comme un soubassement continu orienté d’est en ouest, assez fermé, et pas tout à fait orthogonal.
Il est traité comme un mur d’enceinte très « actif », car lieu d’entrées et de sorties visibles et invisibles. Il est constitué de murs à coffrages intégrés isolés (MCII). Le parement extérieur de ces panneaux de béton préfabriqués est matricé et présente un motif en forme de bambou. Une lasure sombre, légèrement mordorée, renforce l’impression d’assise et d’ancrage au sol, ce qui confère une certaine légèreté à toute la partie supérieure. Une série de fenêtres verticales s’ouvrent sur la rue en façade est. Une aile abritant la zone de détention, peu visible de l’extérieur car complètement aveugle (éclairée par des sheds), se retourne vers l’ouest. L’espace d’accueil du public est largement ouvert sur le parvis, il est le seul lien direct de l’équipement avec l’extérieur, la ville. Celui-ci est doté de baies vitrées en verre sérigraphié qui rappellent le motif de bambou du béton.
« Un hôtel de police a une double fonction, d’accueil des victimes et de détention. Le bâtiment en est bien sûr le reflet, avec ce jeu que nous avons voulu constant entre l’ouvert et le fermé, la lumière et l’ombre, le clair et le sombre », explique l’architecte. Pour les deux niveaux supérieurs, un volume décollé – parfaitement orthogonal celui-ci – semble se glisser sur le socle. L’ajustement des deux blocs empilés forme de légers retraits ou avancées, notamment en façade ouest, adoucissant la géométrie de l’ensemble. Un porte-à-faux marque l’entrée du commissariat. Il remplit le rôle d’auvent, mais aussi de signal urbain – un geste architectural qui exprime le caractère public de l’édifice. Mais ce qui frappe lorsque l’on s’approche du bâtiment, ce sont ses délicates façades décorées. Côtés est et nord, elles sont composées, comme celles du rez-de-chaussée, de murs à coffrages intégrés isolés (MCII) habillés de panneaux préfabriqués de béton composite ciment verre couverts de motifs végétaux (voir encadré). Des lames inclinées en béton, ornées elles aussi, permettent d’ouvrir le bâtiment sur l’extérieur tout en constituant une protection contre les éventuelles agressions. Elles forment deux lignes horizontales striées qui structurent véritablement la façade, en répondant au rythme vertical du motif de bambous du rez-de-chaussée.
Les façades sud et ouest sont constituées de parois entièrement vitrées devant lesquelles est apposée une résille métallique perforée présentant le même graphisme que celui des panneaux préfabriqués. Cette seconde peau sert de protection aux éventuelles agressions extérieures tout en filtrant la lumière naturelle. À l’ouest, une sorte de bow-window habillé de lames métalliques marque la présence de la salle de sport. Il forme un élément saillant qui rompt avec le reste de la paroi tant par son relief que par le rythme vertical imprimé par les lames.
Adoucir la fonction
L’organisation intérieure du bâtiment est fonctionnelle, avec des circulations courtes et simples. Les bureaux et espaces de travail sont disposés autour d’un noyau central de locaux de service (sanitaires, locaux techniques, etc.), distribués par un couloir circulaire. Un patio central laisse pénétrer la lumière du jour au cœur de l’édifice et crée un petit havre de verdure. Tous les bureaux sont ouverts sur l’extérieur tout en maintenant la confidentialité et la sécurité grâce aux dispositifs d’habillage des façades. L’ensemble des menuiseries est traité pare-balles, y compris le vitrage et les précadres des fenêtres dotés de cornières en acier.
Les architectes ont fait un bâtiment vertueux, et ont retenu les objectifs les plus appropriés à son fonctionnement, répondant à la RT 2012. Toutes les toitures sont végétalisées, le système ouvert/fermé des façades permet de réguler les apports de lumière et de chaleur, de même que des systèmes d’éclairage Led « gradables ». Les vitrages sont isolants et la gestion de l’eau se fait par un bassin de rétention installé sur la parcelle. « Nous avons particulièrement étudié les façades et employé des matériaux adaptés, tels que le béton, le métal et le verre sur lesquels nous avons créé un décor. Le travail sur la volumétrie légèrement décalée nous a permis d’alléger l’ensemble et de sortir de l’image parfois dure que peut renvoyer ce type d’équipement », conclut Philippe Ameller.
Motif végétal sur béton
Il s’agissait donc d’atténuer le contexte un peu « rigide » du bâtiment et d’offrir au public un équipement attrayant, mais qui réponde aux exigences de sécurité. Le béton s’est donc imposé comme le matériau le plus approprié, en structure comme en surface. L’agence Ameller et Dubois a mené un gros travail collectif de réflexion et de recherches, au sein de l’agence et avec le fabricant (qui a fourni des échantillons au fil de la conception), sur la peau du bâtiment et sur les techniques permettant de créer un graphisme en façade. Ce sont des panneaux composite ciment verre (CCV) sérigraphiés qui ont été retenus.
Pour contrebalancer l’environnement très minéral et urbain dans lequel l’équipement venait s’intégrer, c’est un motif végétal, organique, qui a été travaillé à partir d’une photo ancienne retouchée, sans pour autant qu’il soit vraiment figuratif. En effet, celui-ci devait également être reproduit sur plusieurs trames sans créer de ruptures. Il devait aussi s’adapter aux deux dispositifs constructifs du béton en façades est et nord et de la résille métallique au sud et à l’ouest.
Pour les panneaux de béton, le motif est imprimé en épaisseur sur un papier kraft déposé en fond de coffrage. L’impression est constituée d’une multitude de points formant le dessin, composés d’un désactivant. Au décoffrage, le béton est lavé, le motif apparaît ainsi en creux. De nombreux essais ont été nécessaires au fabricant qui, jusque-là, n’avait utilisé ce système qu’avec des bétons classiques pour des panneaux plus épais. Le résultat est apparu ici tout à fait satisfaisant.
Les plaques ont une largeur de 3,15 m, une hauteur de 4,94 m et une épaisseur d’environ 2 cm. Elles sont renforcées sur les bords, aux angles et sur l’arrière pour les rigidifier. Décliné dans les deux matériaux, le motif forme un jeu intéressant de négatif/positif selon qu’il est imprimé sur le béton, ou perforé dans le métal.
Reportage Photos : Sergio GRAZIA
Maître d’ouvrage : préfecture de police de Paris – Maître d’œuvre : Ameller, Dubois et associés – BET structure : Technis, liquidé en cours de chantier et repris par le BET Betherm – Entreprise générale : Léon Grosse – Préfabricant : Béton CCV imprimé avec le procédé Graphic Concret (motif végétal) ; Betsinor – Béton matricé couleur anthracite (soubassement RDC) : Soribat – Surface : 2 450 m² SDP – Coût : 8,7 M€ HT – Programme : hall d’accueil du public, bureaux et salles de réunion, locaux de sécurité et de garde à vue, salle de sport, locaux de détente, archives et locaux techniques divers.