La médiathèque Montaigne est l’équipement majeur de l’écoquartier des Pielles à Frontignan-la-Peyrade (Hérault), une Zac de 8,8 hectares qui accueillera à terme près de 500 logements et plus de 1 500 habitants.
Sur une emprise au sol de 900 m2, elle émerge à 12 m de hauteur tel un bloc de roche monumental taillé dans la masse. L’ensemble du bâtiment est réalisé en béton blanc architectonique coulé en place, laissé brut et apparent, à l’intérieur comme à l’extérieur. « Nous souhaitions revenir à une fabrication à l’ancienne qui permet d’obtenir un aspect massif », explique Dominique Delord, associée de Tautem architecture. En façade, sa couleur claire et son aspect rugueux donné par l’empreinte des matrices en bois font écho à l’aridité de l’environnement.
Un écoquartier sur une friche industrielle
Frontignan, autrefois banlieue industrielle de Sète, fait partie de ces communes qui se déroulent le long d’une route nationale, ici, entre les vignes et la mer dont elle est séparée par une succession d’infrastructures viaires et ferroviaires, le canal du Rhône, l’étang d’Ingril et la lagune. La fermeture de sa raffinerie de soufre en 1989 et le rachat de son site par la municipalité offrent l’occasion de repenser son urbanisation. Un premier projet de zone d’activité économique et artisanale est abandonné au profit d’un écoquartier répondant à l’arrivée de nouveaux habitants comme à la nécessité de restructurer et de renforcer ce territoire urbain proche de Montpellier. Soucieux de tirer parti des spécificités climatiques méditerranéennes et des qualités paysagères du terrain, mais aussi d’éviter des solutions technologiques dispendieuses,l’architecte-urbaniste Pierre Tourre, coordonnateur de la Zac, élabore un cahier des charges visant la « sobriété énergétique ».
Pour y répondre, l’équipe d’architectes de la médiathèque conçoit un bâtiment compact de trois niveaux érigé sur un parking en sous-sol dont l’enveloppe se déploie sur un mètre d’épaisseur. Par un jeu de plis et de replis, cette enveloppe participe à la fois à la régulation de la lumière, de la chaleur et de l’air. Elle intègre des espaces accueillant là des étagères, ailleurs des alcôves ou encore des gaines techniques. Réalisées en béton autoplaçant de type S5, les parois de cette enveloppe sont formées d’un double voile coulé de part et d’autre d’un isolant rigide : un complexe de 42 cm qui, associé à des planchers caissons en béton, assure une excellente isolation et procure une très forte inertie thermique. Le voile béton intérieur de 18 cm d’épaisseur est porteur alors que le voile extérieur de 12 cm est un parement.
Ce système (GBE) a nécessité une vitesse contrôlée de coulage à raison d’un mètre par heure afin d’éviter une surpression au niveau du pied de banche ; chaque étage a été coulé en trois passes. Ces solutions constructives et architecturales s’accompagnent d’un travail précis sur l’orientation et les dimensions des ouvertures. Au sud, de profondes embrasures de hauteur d’étage limitent la pénétration des rayons du soleil. Les baies vitrées orientées à l’est sont mises en retrait de la façade par un escalier extérieur et une terrasse, délimités par un portique en béton formant brise-soleil. L’orientation ouest, la plus protégée, se singularise par de hautes entailles biaises, sortes d’« ouïes » dont les vitrages orientés au nord apportent une lumière indirecte. Une grande baie vitrée horizontale ouvre la façade nord, presque au nu de la paroi extérieure.
En complément de ces ouvertures, des claustras abritent des patios et laissent passer une lumière tamisée. À l’étude de l’éclairement s’ajoute celle de la circulation de l’air, essentielle pour le confort du bâtiment en l’absence de climatisation, imposée par le cahier des charges. La « boîte à lumière et à vent », puits transparent d’air et de lumière de 4 x 8 m, permet d’évacuer l’air chaud par les terrasses et de ventiler l’espace intérieur grâce à un système de ventelles mobiles en verre, en plafond et en parois. Surplombant l’espace de consultation en ligne installé à l’entrée de la bibliothèque, elle se développe au cœur du bâtiment sur toute sa hauteur et émerge en toiture.
Elle fonctionne en relation avec les ventelles placées en allèges des fenêtres des façades qui s’ouvrent la nuit pour laisser circuler l’air et rafraîchir l’ambiance en été. Des brasseurs d’air placés dans les plafonds achèvent le dispositif. Enfin, la médiathèque dispose d’un système de géothermie profonde : neuf pieux vont chercher la température constante d’environ 15 °C jusqu’à 100 m de profondeur. Il sert autant à rafraîchir qu’à réchauffer, selon la saison.
La « frugalité du bâtiment », ainsi désignée par Dominique Delord, atteinte grâce à l’ensemble de ces dispositifs, a permis à la médiathèque d’obtenir les certifications HQE® bâtiments tertiaires et BBC-Effinergie ainsi que la reconnaissance BDM or (bâtiments durables méditerranéens). En contraste avec l’aspect monolithique, très minéral et plutôt fermé de la médiathèque depuis l’extérieur, transparence, enchaînement des espaces, lumière naturelle plus ou moins directe ou tamisée caractérisent l’intérieur du bâtiment. « Très vite, nous nous sommes occupés de la circulation et du mouvement des choses à l’intérieur de cette enveloppe compacte : de l’air, de la lumière, des fluides, mais aussi des personnes. S’est imposée l’idée de fabriquer un monde intérieur, avec des ambiances lumineuses variées dans un plan libre », explique l’architecte Arnaud Bical, associé de bmc2.
Fluidité et liberté des espaces
Entre les murs périmétriques qui intègrent tous les réseaux, les espaces s’organisent de manière ouverte sur trois niveaux reliés entre eux par l’escalier principal dont la trémie transperce les planchers pour s’élever jusqu’au deuxième étage en deux volées. Avec la trémie de la boîte à lumière et à vent et celle ouverte dans le plancher du deuxième étage, créant un effet de balcon sur l’étage inférieur, ces ouvertures contribuent à la fluidité des espaces et à la qualité lumineuse des volumes.
Au rez-de-chaussée, l’accueil se situe dans l’espace de distribution immédiatement en contact avec la porte d’entrée et en relation visuelle avec les deux étages à travers l’escalier qui lui fait face. Au même niveau, la zone réservée aux enfants s’étire le long de la façade sud avec une ludothèque, des salles de contes et de consultation. L’auditorium qui occupe l’angle nord-est peut, avec la buvette escamotable située dans le hall d’entrée, fonctionner de manière indépendante.
Le premier étage se divise entre l’espace audio-vidéo et l’administration dont les bureaux sont généreusement éclairés en façade nord et s’ouvrent à l’est sur une terrasse qui leur est réservée. Côté ouest, elle dispose d’une salle collective et d’un patio-terrasse protégé par un claustra. La salle de lecture occupe l’ensemble du deuxième étage et se prolonge sur toute la façade est par une terrasse d’où l’on profite du paysage lointain, par-dessus les infrastructures et jusqu’à la mer. Les différents espaces intermédiaires, contenus dans l’enveloppe du bâtiment et dans le prolongement des salles de lecture et des bureaux, permettent aux usagers de profiter de la vue et de l’air ambiant, à l’abri du soleil et du vent.Rien n’est laissé au hasard pour mieux marquer les passages d’un espace à un autre, entre l’intérieur et l’extérieur. Jusqu’aux planchettes du coffrage des façades en pin de Douglas nettoyées et peintes en noir pour servir de parement intérieur de la médiathèque.
Principaux Intervenants
Auteur : Eve Jouannais – Reportage photos : Luc Boegly
Maître d’ouvrage : Thau Agglo – Assistant maîtrise d’ouvrage HQE® : Aubaine – Maître d’œuvre : Tautem architecture, Dominique Delord et Jacques Garcin architectes mandataires ; bmc2, Arnaud Bical et Laurent Courcier architectes associés ; Julien Gavet, chef de projet – BET structure :
Charles Portefaix – Entreprise gros œuvre et serrurerie : Aracadi PLA – Surface : 2 241 m2 SHON + 650 m2 de parking – Coût : 5,3 M€ HT (hors mobilier, valeur 2012) – Programme : médiathèque, ludothèque, auditorium, parking.