Dans un programme mixte, Gaëtan Le Penhuel et Z Architecture différencient les éléments programmatiques par le traitement des bétons.
Sur l’îlot G, dernier îlot de la première tranche lotie sur la presqu’île de Lyon Confluence, les architectes ont réalisé en commun un ensemble qui assure la transition entre la frange ouest du terrain, occupée par une caserne de gendarmerie, et les constructions récentes qui l’entourent.
Liaison urbaine par le vide à Lyon Confluence
« Habiter la Confluence, c’est se retrouver dans une situation urbaine singulière, entre ville et nature, entre héritage patrimonial et modernité. C’est une dualité dont le projet tire profit pour proposer de nouvelles formes d’habitat », explique Gaëtan Le Penhuel. « En bordure d’un méandre de la Saône, ce site profite du paysage vertical des Balmes, les contreforts des monts du Lyonnais », précise William Vassal de Z Architecture, ajoutant que c’est ici qu’il convenait d’assurer l’interface entre la Zac et le tissu faubourien du
XIX e siècle où la mutation de la caserne est annoncée. « Le plan masse dégageait un alignement de pignons qui tournait le dos à cet univers paysager et coupait les vues. Ceci nous a incités à nous affranchir des fiches de lots pour prendre du recul afin de créer des vues biaises et des porches à ciel ouvert pour retrouver des vues sur la Saône. Dans notre immeuble, ce qui devait être un pignon aveugle se mue ainsi en une façade noble et nous avons souhaité créer un trait d’union par le vide, un peu à la façon d’un fondu enchaîné, entre Rhône et Saône, vers les superbes coteaux de Sainte-Foy-lès-Lyon », précise-t-il.
Dès le concours, les architectes ont donc décidé de s’implanter en limite de propriété, le long des deux rues pour dégager le cœur d’îlot, ce qui leur permet de créer une place cadrée par deux volumes et un plot plus petit. Lisible dans le plan masse, ce parti architectural valorise en effet des transparences et des perspectives car en ouvrant la parcelle d’est en ouest, il offre des vues croisées en direction du Rhône et de la Saône. Le programme est ainsi réparti dans deux édifices qui se font face en s’alignant sur les limites nord et sud de la parcelle tout en profitant de la hauteur maximale autorisée (R+8) pour créer un pôle urbain.
Ce parti, tout à l’avantage de leurs immeubles, les distingue clairement de ceux qui sont implantés sur les lots voisins et l’économie de l’emprise au sol génère une perméabilité des quatre côtés.
Le béton au service de deux écritures bien différenciées
Légèrement décalés, les deux bâtiments se font face autour d’un grand jardin central relié à l’espace public du quartier. Ils se caractérisent par deux écritures que les architectes ont délibérément choisi de bien différencier pour instaurer une diversité dans l’ambiance de ce petit brin de ville. En bordure nord-est, un troisième petit volume réservé aux activités commerciales vient parachever l’ensemble en créant un porche urbain. Il est complété au sud par une serre-atelier que les habitants du quartier sont invités à investir pour des activités collectives ou associatives en lien avec les potagers familiaux occupant le toit du bâtiment nord.
Plus que sur la forme, comme c’est trop souvent le cas dans les Zac, les architectes ont choisi de miser sur la structure pour dessiner cet ensemble de bâtiments. Une structure poteaux-poutres-dalle donne une trame homogène. S’ajoutant aux grandes hauteurs d’étage des deux niveaux bas qui accueillent 1 200 m2 de bureaux, cette trame affine la silhouette générale des édifices.
Elle permet aussi de créer en façades est, ouest et sud de grandes loggias de plus de 2,40 m de profondeur communes à toutes les pièces du logement, ce dont beaucoup d’habitants se félicitent. « Au quotidien, passer d’une pièce à l’autre et d’une façade à l’autre par l’extérieur en profitant de ces loggias bi-orientées ajoute à l’indéniable qualité d’usage de cet immeuble et au plaisir de vivre ici », témoigne l’un des occupants d’un logement d’angle qui nous a conviés à une visite. Il est de fait qu’à l’intérieur des appartements, ces grandes loggias et leurs embrasures élargissent le champ visuel vers les vues extérieures tout en préservant l’intimité.
La présence d’un mini local de rangement astucieusement dissimulé dans les embrasures des loggias permet d’éviter tout désordre. Outre les grandes terrasses du dernier étage, tous les logements profitent d’ailleurs d’un espace extérieur profond et généreux en surface. Au dernier niveau, les duplex tournés vers la colline de Fourvière et la Saône bénéficient également de plus grandes hauteurs d’étage.
C’est par des traitements différenciés et un contraste de couleur du blanc au noir que le béton accompagne ici l’architecture pour créer une variété en phase avec l’identité du quartier.
Le bâtiment des logements en accession se signale par son béton blanc matricé coulé en place et légèrement teinté à la chaux. Au même titre que la rationalité structurelle adoptée ici, l’aspect de travertin que revêt ce béton donne au bâtiment une belle matérialité et quelque chose d’intemporel qui laisse présager un vieillissement sans anicroche. Pour le mettre en œuvre, l’entreprise a réalisé des outils de coffrage spécifiques avec des banches sur mesure destinées à éviter les joints de calepinage. Cette trame en béton blanc donne au bâtiment son rythme vertical. Le soin apporté aux joints déportés et aux reprises de coulage horizontales contribue à la qualité des finitions et l’absence de trous d’écarteurs de banches accentue l’effet de masse.
Le bâtiment à vocation sociale est entièrement liaisonné par un jeu de lanières horizontales en béton préfabriqué lasuré noir qui s’enroulent en dessinant des terrasses en façade nord, vers la place et son jardin, et des loggias. Sa façade double peau est composée d’un voile structurel en béton coulé en place qui intègre l’isolation par l’extérieur, une lame d’air et les panneaux d’habillage en béton préfabriqué matricé recouverts d’une lasure noire. Les dispositifs de volets et d’occultation ont été incorporés dans l’épaisseur de la double peau.
De la maîtrise d’ouvrage à l’entreprise, de réelles synergies
Bruno Fontanel, PDG de Fontanel Immo, assurait la maîtrise d’ouvrage et c’est sa propre entreprise de construction spécialisée dans le béton qui a réalisé l’ouvrage, ce dont les architectes se félicitent en soulignant que et « ce projet a bénéficié de synergies et d’une qualité de finitions liées à la grande exigence de la maîtrise d’ouvrage et de l’entreprise qui lui est associée ».
L’enjeu de la pérennité
« Le maître d’ouvrage nous a suivis sur beaucoup de nos choix et tout cela transparaît dans le traitement des embrasures des loggias, et dans les corniches en béton qui donnent de l’épaisseur à la façade. De même, un “dérèglement” habile de la structure a permis de supprimer le poteau d’angle entre le rez-de-chaussée et le premier étage. Cette option a également conditionné l’épaisseur du voile de béton de la façade matricée de type travertin », précisent William Vassal de Z Architecture et Bruno Vaas, chef de projet chez Gaëtan Le Penhuel.
En tant qu’entreprise générale, Fontanel a également assuré la coordination des entreprises de second œuvre en corps d’état séparés en portant la plus grande attention à tous les éléments de second œuvre. Tant dans le bâtiment en accession que dans celui qui accueille les logements sociaux, ceci transparaît dans tous les détails et notamment le choix des matériaux retenus pour les menuiseries, les circulations, l’encadrement des portes, etc.
Au-delà de ses aspects esthétiques et structurels et de la pérennité dont il est porteur par toutes ces qualités, tant au niveau de la conception que de la mise en œuvre, le béton contribue aussi à la protection solaire et au confort thermique de ces bâtiments au fil des saisons. En matière de développement durable et énergétique, ces bâtiments isolés par l’extérieur répondent à un niveau de performance RT 2012 - 10 % et ils sont détenteurs du label Effinergie+.
Déjà convaincants aujourd’hui quand on compare cet îlot avec ses voisins, le dispositif des « façades nobles » en pignon, l’épanelage, la fragmentation du programme, le principe des vues mises en place deviendront encore plus éloquents d’ici quelques années, quand le site de la caserne voisine sera remanié.
Reportage photos : Sergio GRAZIA
Principaux intervenants
Maître d’ouvrage : Fontanel Immobilier – Maître d’œuvre : Gaëtan Le Penhuel (mandataire), Z Architecture ; Bruno Vaas, Laetitia Biabaut, Christian Kreuzer, équipe projet – BET structure : CEH – BET fluides et HQE® : EODD – Paysagiste : Bing Bang – Entreprise générale : Fontanel construction – Préfabricant : PBM – Surface : 7 967 m2 SDP – Coût : 12 M€ HT – Programme : construction de 84 logements dont 42 sociaux et 40 en accession, commerces, bureaux et parking