Par son écriture et les finitions texturées d’un béton de parement, le pôle culturel signé par le Studio Milou a l’amabilité des architectures qui traversent le temps.
Avec les frondaisons de ses grands platanes, l’église Saint-Lubin d’Anatole de Baudot, le palais de justice à colonnade de son confrère Albert Petit, des demeures bourgeoises en meulière, un monument aux morts, la poste et le lycée Sainte- Thérèse, la place André Thome à Rambouillet est la quintessence d’un paysage urbain de sous-préfecture à la française. Si l’architecture du lycée datant d’une trentaine d’années frappe par sa fadeur, celle du pôle culturel la Lanterne, œuvre du Studio Milou, y apporte une pièce de choix.
« Ce bâtiment est à l’échelle d’un quartier où il fallait entrer dans la logique de cette place, jouer avec elle et articuler le pôle culturel avec l’échelle hétérogène et fragmentée des volumes qui la composent », commente Jean-François Milou. Et d’ajouter : « À notre époque où l’existence est aussi fragmentée que l’environnement, notre démarche consiste à créer des lieux de calme. Ici, cette idée est appliquée à un bâtiment qui accueille des activités théâtrales alors que les théâtres sont très souvent situés dans des espaces publics denses. »
La vision nocturne de l’émergence du volume de la salle de spectacle au-dessus de l’architecture sobre des murs en béton blanc a dicté le nom de cet équipement où la texture du béton et une rare qualité dans sa mise en œuvre sont un excellent augure de pérennité. « L’idée d’utiliser le béton est arrivée assez naturellement », poursuit l’architecte. « Nous souhaitions un matériau qui se rapporte aux maçonneries de meulière des maisons voisines par des granulats d’un léger brun jaune et nous tenions à donner une texture à ce béton planche. » En façade, les stries horizontales des coffrages ont permis des variations de nu qui donnent à la matière une belle irrégularité qui n’est pas sans rappeler la stéréotomie des murs de l’église voisine. Plus que par un registre formel, c’est donc par son échelle et la matière de ses façades que l’architecture contemporaine instaure ainsi, mine de rien, un dialogue subtil avec ce bâtiment néo-gothique de la fin du XIXe siècle.
Un paravent de béton
Pensé comme un paravent de béton calcaire évoquant ainsi la pierre des constructions voisines, il est en phase avec l’échelle du bâti existant et la quiétude d’un cloître minéral où le béton fait écho à un parvis pavé dans une parfaite osmose. Au nord, passé le portail monumental ornementé d’une œuvre du plasticien Antoine Dorotte, l’équipement culturel s’ouvre sur la place par un patio où un miroir d’eau crée un écran paisible vers les activités culturelles. À l’arrière, la façade sud vient s’adosser, par une galerie de liaison couverte, à la médiathèque de la ville pour constituer une entité culturelle bicéphale favorisant de multiples synergies.
« Comme dans d’autres projets du Studio, le paysage et les espaces vides qui règlent la composition sont au cœur de la conception », ajoute l’architecte. La terrasse, le parvis, le gué de traversée du bassin sont autant de séquences minérales qui tissent avec la place une relation étroite en laissant une part à la contemplation. Au fil de transparences et de filtres, des accointances se nouent ; des ouvertures créent des cadrages quand la terrasse en béton du foyer et le parvis pavé s’étirent vers la ville, comme à la rencontre de la végétation. Au centre du patio, le miroir d’eau réfléchit le ciel, la flèche de l’église et les arbres environnants.
Granulats de calcaire et béton banché glacé
Dans cet enclos fermé par des paravents de béton, où le cloître du patio amplifie l’espace public, l’image d’un lieu méditatif prévaut délibérément sur celle d’un équipement républicain. L’architecte organise ainsi les composantes du programme autour d’un espace intériorisé et des transparences accentuent les effets de continuité des sous-faces de plafonds en béton, entre l’intérieur et l’extérieur. La couverture du cloître est constituée comme un plancher nervuré en béton coulé en place. Sa sous-face présente un plan horizontal continu en béton au parement architectonique brut de teinte ocre-pierre à l’aspect glacé. Lorsque l’on entre à l’intérieur de l’édifice, le foyer d’accueil, le foyer haut et leurs circulations généreusement ouvertes sur l’extérieur distribuent, sur deux niveaux, une grande salle de spectacle, modulable, un petit amphithéâtre plus intime de 126 places, une salle d’exposition, une cafétéria et les espaces techniques et logistiques nécessaires à ce type d’équipement.
Un monolithe ouvert
L’impression de monolithe ouvert sur l’extérieur transparaît dans l’ambiance des foyers, des espaces d’expositions et de la cafétéria. Sous de belles hauteurs de plafond, la structure des voiles en béton de parement architectonique coulé en place de teinte grise et blanche donne une atmosphère à la fois sobre et puissante.
L’aspect glacé et la teinte de ce béton brut, dont le coulage a fait l’objet d’un soin particulier pour garantir une unité de parement, participent à la mise en scène de la promenade architecturale. C’est particulièrement sensible dans la profondeur de la parcelle, où l’axe de traversée vers la médiathèque traitée comme une galerie d’art offre des cimaises d’exposition que l’équipement culturel peut aisément partager avec la médiathèque. Attenante au foyer haut, la salle modulable est une autre pièce de choix qui offre de multiples variations selon les scénarios nécessaires aux usages. Intime lorsqu’elle se réduit à 250 places par le jeu d’un simple rideau, cette salle atteint 900 places dont 250 assises quand une partie des gradins se replie, offrant ainsi un espace idéal pour des concerts de musique actuelle. « Ici, l’enveloppe béton par sa masse participe naturellement à l’isolation acoustique de la salle vis-à-vis de l’extérieur », précise l’architecte.
Débords de toiture
Sur le plan de la démarche énergétique, il ajoute que « l’édifice étudié avec le bureau d’études environnemental Franck Bouté répond à la RT 2012 et valorise l’inertie naturelle du béton ». Les débords de la toiture du cloître jouent un rôle de protection solaire en préservant les parois vitrées des rayons directs du soleil.
Les parois en béton laissées brutes, à l’extérieur comme à l’intérieur, réduisent également les contraintes et les coûts d’entretien.
Secret de fabrication sur les voiles de façade
Les voiles de façade en béton coulé en place présentent un parement architectonique de teinte ocre-pierre avec une finition texturée par l’empreinte des planches de coffrage et un sablage localisé. Cette méthode a permis de faire ressortir les agrégats de calcaire local brun doré, dont la couleur favorise une réelle osmose avec les pavés brun du parvis et l’église voisine. La variation des nus des planches de coffrage donne l’irrégularité d’une matière sans âge à l’architecture très contemporaine du Studio Milou.
« Cette option de mise en œuvre nous a demandé de procéder à de nombreux essais avec l’entreprise. Comme la texture tend à accentuer les ombres, il ne fallait pas que le béton soit trop blanc », précise l’architecte.
Principaux Intervenants
Auteur : Christine Desmoulins – Reportage photos : Fernando Javier Urquijo
Maître d’ouvrage : ville de Rambouillet – Maître d’œuvre : Studio Milou ; architectes chef de projet, Thomas Rouyrre (phase concours à l’APD) et Laurence Macheboeuf, (phase PRO au DET) – Scénographe : Architecture et Technique – Acousticien : Peutz & Associés – BET structure : Batiserf – Entreprise gros œuvre : LBC – Surface : 4 995 m2 SHON – Coût : 11 M€ HT – Programme : pôle culturel intégrant une salle de spectacle modulable dont les différentes configurations permettent une adaptation allant de 250 à 900 places assises, un auditorium de 126 places assises, des espaces d’accueil et d’exposition.