Le cadre règlementaire

L’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI), travaille en liaison étroite avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Chargé par les pouvoirs publics de mieux connaître la pollution intérieure, ses origines et ses dangers, cet organisme a mené entre 2003 et 2005 des mesures de qualité de l’air dans près de 600 résidences principales réparties sur 50 départements différents. Le constat est sans appel : « la pollution de l’air est plus élevée à l’intérieur qu’à l’extérieur des logements ».

Cette étude nationale a servi de point de départ à l’établissement d’un cadre réglementaire visant à limiter la présence de composés organiques volatils (COV) dans les bâtiments, dont plusieurs comme le formaldéhyde et le benzène sont classés « cancérogènes certains » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Depuis septembre 2013, tous les produits de construction ou de revêtement de parois amenés à être utilisés à l’intérieur des locaux, ainsi que les produits utilisés pour leur incorporation ou leur application, doivent disposer d’une étiquette indiquant leur niveau d’émission de COV. Sont ainsi concernés cloisons, revêtements de sols, isolants, peintures, vernis, colles, adhésifs, etc., dans la mesure où ceux-ci sont destinés à un usage intérieur.

Cet étiquetage obligatoire complète l’interdiction, liée aux arrêtés du 30 avril et du 28 mai 2009, de mettre sur le marché des produits de construction et de décoration contenant des substances dites CMR, cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (perturbant la reproduction), de catégories 1 et 2, soit le trichloréthylène, le benzène, le phtalate de bis et le phtalate de dibutyle.

Conformément aux orientations du deuxième plan national santé-environnement, l’étiquetage intègre l’émission de formaldéhyde et l’émission totale de COV. Mais d’autres polluants sont également pris en compte, car les enquêtes de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur (OQAI) ont montré leur forte présence dans les logements : l’acétaldéhyde, le toluène, le tétrachloroéthylène, le xylène, le triméthylbenzène, le dichlorobenzène, l’éthylbenzène, le butoxyéthanol, et le styrène. Le niveau d’émission du produit est indiqué par une classe allant de A+ (très faibles émissions) à C (fortes émissions), selon le principe déjà utilisé pour les étiquettes énergie.

Le recours à des produits étiquetés A+ réduit les risques de pollution de l’environnement intérieur mais ne permet pas de garantir l’obtention d’un bâtiment sain. En effet, les matériaux peuvent parfois, sous l’effet d’un changement d’humidité ou des rayonnements solaires, se mettre à émettre des polluants en quantité plus importante que celle correspondant à la lettre de son étiquette. La seule obligation du décret pour un industriel, est d’apposer l’étiquette sur le produit. Les tests en laboratoire sont indispensables pour justifier les émissions en composés organiques volatils.

Vers une surveillance obligatoire de la QAI dans les ERP

Une série de textes législatifs a permis d’établir un cadre réglementaire qui conduira, à moyen terme, à connaître les concentrations en formaldéhyde, en benzène et en CO2 au sein de tous les établissements recevant du public.

La loi portant engagement national pour l’environnement a rendu obligatoire la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant un public sensible (articles L. 221-8 et R. 221-30 et suivants du code de l’environnement).

Le décret n° 2015-1000 du 17 août 2015 a fixé les échéances suivantes :

  • au 1er janvier 2018 pour les écoles maternelles, élémentaires et crèches ;
  • au 1er janvier 2020 pour les accueils de loisirs et les établissements d’enseignement du second degré ;
  • au 1er janvier 2023 pour les autres établissements.

Le dispositif réglementaire encadrant la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans ces établissements comporte :

  • Une évaluation des moyens d’aération dans tous les établissements qui peut être effectuée par les services techniques de l’établissement ;
  • La mise en œuvre, au choix :

- d’une campagne de mesures de polluants (formaldéhyde, benzène, CO2 pour évaluer le confinement et éventuellement perchloréthylène pour les établissements contigus à un pressing) par un organisme accrédité. En cas de dépassement des valeurs limites, l'établissement doit réaliser des investigations afin de déterminer les causes de ces dépassements.
- d’une autoévaluation de la qualité de l’air au moyen du guide pratique, permettant d’établir un plan d’action pour l’établissement. Ce guide pratique a pour but de fournir une aide opérationnelle aux différentes catégories d’intervenants dans les établissements qui accueillent des enfants (équipe de gestion, responsable des activités dans la pièce occupée, services techniques et personne d’entretien) afin d’engager une démarche proactive et coordonnée d’amélioration de la qualité de l’air intérieur.

Une brochure détaillant les modalités de mise en œuvre de la surveillance de la qualité de l’air dans les lieux accueillant des enfants est disponible sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire.

Le décret n° 2012-14 du 5 janvier 2012 indique les valeurs pour lesquelles des investigations complémentaires doivent être menées et le préfet de département du lieu d’implantation de l’établissement informé :

  • formaldéhyde : concentration de plus de 100 µg/m³ ;
  • benzène : concentration de plus de 10 µg/m³ ;
  • dioxyde de carbone : indice de confinement = 5. Le calcul de l’indice de confinement nécessite de disposer de l’enregistrement de valeurs de concentrations en CO2 et de la plage de présence dans le local (en occupation normale) durant la semaine

Une multiplicité de labels

Trois parties prenantes de la qualité dans la construction ont développé des démarches labellisées qui accompagnent les professionnels dans la prise en compte de la qualité de l’air intérieur dans la conception et la rénovation des bâtiments.

ECRAINS® est un engagement à construire responsable pour un air intérieur sain, une démarche de qualité développée par l’ADEME. Destinée à satisfaire une approche préventive de la santé dans le bâtiment, elle vise à limiter durablement les émissions de polluants à la source et à pérenniser la qualité des ambiances intérieures. ECRAINS® concerne les projets neufs et en réhabilitation et vise tout type de bâtiments résidentiel et tertiaire (bureau, santé, enseignement, petite enfance, sport, culture…). La démarche couvre l’ensemble des étapes d’un projet, depuis le diagnostic qui précède la phase programmation, jusqu’à la réception de l’ouvrage. Le déploiement de la démarche est construit sur un partage des objectifs du projet et intègre toutes les dispositions facilitant une collaboration entre les corps de métier. Pour ce faire, la méthode traite des étapes clés liées à l’établissement des contrats de travaux ou de prestations. Les résultats sont validés au moyen de mesures effectuées à réception et lors du premier hiver.

INTAIRIEUR® est le label développé par IMMOLAB, pour répondre aux enjeux de la qualité de l’air intérieur dans la construction de logements neufs. Il valorise les opérations pour lesquelles le Maître d’Ouvrage a suivi une démarche visant à améliorer la qualité de l’air des espaces de vie. Cette démarche volontaire s’applique durant toutes les phases du projet, de l’avant, au pendant, puis à l’après construction. Elle se traduit notamment par la sensibilisation des intervenants et des usagers, par des préconisations de techniques et de matériaux performants, par l’accompagnement et les suivis chantier, mais également par des mesures obligatoires de QAI réalisées par des structures indépendantes sur la base d’un protocole spécifique au Label INTAIRIEUR®.

Qualitel Certification a développé un référentiel pour accompagner les maîtres d’ouvrage à prendre en compte la qualité de l’air intérieur des logements. Le Système de Management de la QAI (SMQAI), service associé à la certification NF Habitat – NF Habitat HQE, est une méthode globale de prise en compte des enjeux QAI à chaque phase d’un projet. Elle a été construite à partir du guide pratique « Mesurer la Qualité de l’air Intérieure des bâtiments neufs et rénovés » de l’Alliance HQE-GBC dont Cerqual est membre. Cette démarche présente des règles de bonnes pratiques à appliquer de la conception jusqu’à la livraison du bâtiment par différents intervenants du projet. L’ensemble du processus est validé par des mesures de qualité de l’air à la réception des logements.

Qualité de l’air des maisons basse consommation

Association  régionale créée pour assurer la surveillance de la qualité de l’air en région Centre, Lig’Air, en collaboration avec le Conseil Régional du Centre, a mesuré, au cours de l’année 201 , la qualité de l’air intérieur dans 6 maisons BBC de la région Centre (3 en ossature bois et 3 en maçonnerie traditionnelle).

À propos du benzène, les niveaux de concentration observés dans les maisons sont inférieurs à ceux rapportés par l’étude de l’OQAI, portant sur des logements non construits aux standards de la basse consommation. Concernant le formaldéhyde, Lig’Air constate que la maison équipée d’un puits canadien couplé à une VMC double flux est la seule à respecter la valeur-guide applicable en 2023, fixée par le décret n° 201 - 1727 du 2 décembre 201 , pour les gestionnaires des établissements recevant du public, à 10 µg/m³.  « Le  maintien  de la fraîcheur pendant les journées les plus chaudes, combiné à une bonne aération, peut expliquer en partie l’absence de variation saisonnière et les faibles concentrations observées », expliquent les auteurs de l’étude. Ils rappellent qu’un travail de recherche américain mené sur des mobil-homes a montré que les concentrations en formaldéhyde sont associées à la température intérieure.
Une augmentation de la température intérieure induit un accroissement des concentrations en formaldéhyde qui s’explique principalement par l’effet de la température sur les sources diffuses de ce polluant (mobilier, matériaux de construction, colles...).
Mais parmi tous les COV mesurés, c’est l’alpha-pinène, non considéré comme cancérogène mais pouvant être à l’origine du formaldéhyde et potentialisateur de réactions allergiques, qui enregistre les plus fortes concentrations, particulièrement dans les maisons à ossature bois.
Néanmoins, les valeurs mesurées restent bien en deçà de la valeur limite d’exposition proposée par la Commission européenne qui, en se référant aux travaux de l’Agence fédérale allemande sur l’environnement et du National Institute of Environmental Health Sciences, a fixé la limite d’exposition à long terme à 450 µg/m3.

Le béton et ses composants, alliés des maîtres d'oeuvre

Les maîtres d’œuvre vont ainsi devoir adapter leurs choix constructifs à ce nouveau cadre réglementaire. Le recours au béton pourrait leur faciliter la tâche. Le béton est un matériau composite obtenu en mélangeant de l’eau, des granulats, du ciment et, le plus souvent, des adjuvants. Les organismes représentant ces trois derniers composants ont donc mené, chacun de leur côté, des tests en laboratoire pour démontrer leur neutralité vis-à-vis de la qualité de l’air intérieur.

  • L’Association Technique de l’Industrie des Liants Hydrauliques (ATILH) a réalisé des tests d’émissions, en reprenant un protocole de prélèvement et de préparation des échantillons analogue à celui déjà utilisé pour mesurer sa résistance mécanique, montrant que les concentrations en COV sont plus de dix fois inférieures aux seuils permettant de bénéficier du A+ de l’étiquette « Émissions dans l’air intérieur ».
  • Le Syndicat national des adjuvants pour bétons et mortiers (SYNAD) a confié au CSTB la mesure des dégagements de COV de différents types d’adjuvants (plastifiant, superplastifiant, avec accélérateur de prise, hydrofuge de masse…). Tous les COV mesurés se situent à des niveaux de concentration bien inférieurs à ceux fixés pour obtenir le A+ de l’étiquette « Émissions dans l’air intérieur ».
  • Le CSTB a également été chargé de réaliser, pour le compte du Syndicat National du Béton Prêt à l’Emploi, des essais sur deux échantillons de béton concluant qu’ils peuvent bénéficier du A+ de l’étiquette « Émissions dans l’air intérieur ».

Le béton brut assure de faibles émissions

Afin de confirmer les résultats de ces tests menés en laboratoire, CIMbéton a confié à la société Medieco Conseil & Formation une étude sur site.
Trois campagnes de mesures ont été réalisées dans deux locaux à vélos en béton vibré de l’ensemble de logements collectifs Hermione II à Angers, au fil de l’avancement du chantier, de fin 2012 à mi-2013, grâce à la technique dite d’échantillonnage passif visant à piéger les composants dans des tubes qui sont ensuite analysés en laboratoire (les tubes utilisés sont les mêmes que ceux utilisés par l’OQAI lors de sa campagne nationale de mesures).

Lors de la première campagne de mesures, les deux locaux instrumentés présentaient des murs et un sol en béton brut et un plafond en laine de roche. Les résultats des mesures montrent que le formaldéhyde (avec un peu plus de 5 µg/m3 dans les deux locaux) et l’acétaldéhyde (avec un peu moins de 2 µg/m3 dans les deux locaux) y sont présents en concentration « largement en dessous des différentes valeurs-guides établies, des recommandations de l’OMS et également des teneurs mesurées par l’OQAI dans les logements», dit le rapport de Medieco. Il indique également que les concentrations en styrène (avec moins de 1µg/m3   dans  les deux  locaux) sont   « négligeables »  et que celles en alpha-pinène (moins de 3 µg/m3 dans un des locaux et moins de 16 µg/m3 dans l’autre) sont « très faibles ».
Pour les auteurs de l’étude, ces premières mesures « mettent en évidence les très basses émissions des surfaces en béton vibré ».

Le béton combiné à l'isolation par l'extérieur permet de préserver la qualité de l'air

Suite à la pose, dans le premier local, de panneaux dérivés de bois de type OSB 3 sur les murs et d’un parquet contrecollé avec sous- couche sur le sol et, dans le second, d’un complexe de doublage PSE + BA13 sur les murs (le sol restant en béton brut), une seconde campagne a été menée.

  • Dans le local recouvert de produits dérivés du bois, Medieco constate une multiplication par plus de 100 de la concentration en alpha-pinène. Avec un niveau situé autour de 350 µg/m3, le rapport précise que les concentrations « restent inférieures à la limite d’exposition long terme de 450 µg/m3  proposée dans le rapport européen de l’ Index project » mais que néanmoins « ce COV dépasse à lui seul la valeur de 300 µg/m3 de COV totaux, établie par la Commission d’hygiène de l’air intérieur de l’Agence fédérale allemande de l’environnement comme valeur cible n’ayant pas d’impact ». Si l’alpha-pinène n’est pas considéré comme cancérogène, il peut être à l’origine du formaldéhyde, classé « cancérogène certain », et amplifie les réactions allergiques.
  • Dans le local enveloppé de PSE et d’un BA 13, c’est la concentration en styrène qui progresse considérablement et passe de moins  de 1 µg/m3 à près de 50 µg/m3. Les auteurs de l’étude remarquent que l’on reste en deçà de la valeur limite de 250 µg/m3 proposée dans l’Index project pour une exposition à long terme en raison d’effets neurologiques mais bien au-dessus de concentrations mesurées par l’OQAI dans 95 % des logements français (2,7 µg/m3). Classé par le CIRC « cancérogène possible » chez l’homme (cancer pulmonaire), COV pris en compte dans le cadre de l’obligation d’étiquetage des produits de construction ou de revêtement de parois amenés à être utilisés à l’intérieur des locaux, le styrène peut troubler la vision des couleurs.

Les conclusions de l’étude laissent donc penser que le choix d’une isolation par l’extérieur, en permettant d’éviter la présence de matériaux d’isolation à l’intérieur et en offrant la possibilité de laisser un mur apparent en béton, est une solution constructive conduisant à un bâtiment sain.



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