Passerelle des Louvresses sur l’A86
Ouvrage d’art dédié aux circulations douces, la passerelle des Louvresses franchit en un arc très tendu de béton et d’acier l’A86 et parachève une liaison verte.
Fruit d’une collaboration tripartite entre la ville de Gennevilliers, le département des Hauts-de-Seine et les entreprises du quartier d’activités des Louvresses, la passerelle du même nom était attendue de longue date pour relier la gare de Gennevilliers (RER C) au sud, le parc départemental des Chanteraines et la zone d’aménagement concerté (ZAC).
Faciliter l’accès aux transports en commun
Les Louvresses, c’est cette grande zone d’activité économique de 41 ha créée en 1990 où est installée une trentaine d’entreprises dont Thales, le groupe Up (ex-Chèques-déjeuner), RTE, Labo Moderne, Cofely, et qui concentre aujourd’hui 6 000 salariés. « Si la passerelle était indispensable pour franchir l’autoroute A86 et relier la ZAC des Louvresses au reste de la ville », explique l’architecte-urbaniste Arnaud Devillers, associé de l’agence Ateliers 2/3/4/, « elle avait également l’intérêt de raccourcir le trajet entre le RER C et les bureaux de la ZAC. Jusqu’alors les employés empruntaient un itinéraire beaucoup plus long (1 940 m) dans un contexte urbain plutôt ingrat, qui est aujourd’hui une agréable promenade de 855 m. »
Passer dans le « chas d’une aiguille »
C’est peu dire que le positionnement de la passerelle était contraint pour passer au-dessus de l’A86 : le faisceau ferroviaire du RER C est bordé par de nombreuses voies de garage et de triage ainsi que par un périmètre de protection lié à la présence de convois transportant des matières dangereuses. Cela imposait un éloignement de la passerelle de 30 m par rapport à la voie ferrée la plus proche. Il fallait également éviter un portique de signalisation qui franchit l’autoroute et un pylône de ligne électrique aérienne moyenne tension (HTA) en intégrant son périmètre de protection. « Tous ces éléments sont les services urbains incontournables d’une grande métropole, mais ils présentent un caractère plutôt hostile dans le cas d’un parcours piétons-cyclistes », reprend Arnaud Devillers. « Au-delà du simple franchissement de l’A86 sans possibilité d’appui intermédiaire dans l’îlot central, la difficulté principale était de protéger les usagers de cet environnement immédiat en leur procurant un sentiment de sécurité et d’isolement relatif tout au long de la traversée. C’est pourquoi nous avons imaginé une structure enveloppante et protectrice de forme parabolique qui s’apparente à un long “cocon” de 70 m. »
Accompagner et protéger
La géométrie de l’ouvrage repose sur deux principes : une résille structurelle protectrice et enveloppante et un cheminement – le « cocon » – qui s’y faufile.
Fonctionnant sur le mode d’une poutre à treillis, la structure porteuse en acier s’élance sur 77 m de longueur. Elle est constituée de profilés tubulaires longitudinaux cintrés en acier galvanisé prélaqué, les « cerces », qui s’enroulent en spirale pour former un tunnel à claire-voie de section ovale et de 4 longerons à la base, 2 au sommet de l’ouvrage et un cinquième en arc. Les tubulures ont fait l’objet d’un travail d’optimisation afin que toutes les sections aient le même diamètre de 27 cm. L’arc du longeron latéral ne passe jamais au même endroit si bien que chaque travée est différente, renforçant la logique cinétique de la passerelle tant pour les usagers que pour les automobilistes.
Un hourdis en BFUHP
L’enveloppe structurelle ménage un gabarit de passage utile de 4 m de largeur et 2,60 m de hauteur. De couleur gris anthracite, le « cocon » est constitué de voussoirs en béton fibré à ultra hautes performances (BFUHP) qui se prolongent de chaque côté par des garde-corps intégrés pour ne former qu’une seule pièce. Outre la géométrie particulière et la finesse du profilé, les architectes souhaitaient une finition parfaitement lisse sur l’extrados et l’intrados des voussoirs. Raison pour laquelle leur choix s’est porté sur le BFUHP. Formant à la fois tablier et garde-corps, les voussoirs de 1,75 m de longueur ont été préfabriqués à Aubagne par l’entreprise Méditerranée Préfabrication. La partie supérieure du hourdis est matricée afin de limiter la glissance. La hauteur des garde-corps de 80 cm répond à la position d’un cycliste, supérieure à celle d’un piéton. Pour renforcer le sentiment de protection, le cocon s’étire au-delà du franchissement pour aller chercher l’usager et anticiper la traversée. Ce « sas » permet à l’usager de se sentir pris en main dès l’abord de la passerelle.
La liaison des éléments en BFUHP avec la charpente est assurée par des inserts métalliques mis en œuvre dans les pièces préfabriquées. Les voussoirs ne sont pas clavés. Une feuillure est formée aux extrémités du hourdis et un joint d’élastomère placé entre les éléments assure l’étanchéité du hourdis. Des réservations horizontales et verticales permettent d’installer les réseaux, les fourreaux et les appareils d’éclairage. La structure métallique et les modules du hourdis ont été lancés et ripés de nuit en mars 2023 au moyen d’un Kamag et de quatre grues chargées de poser l’ouvrage sur les appuis.
Mise en lumière séquencée
L’ensemble des réseaux, et notamment l’éclairage, sont intégrés dans la structure – tubulures, voussoirs et garde-corps – comme un fil qu’on « aiguille » dans une canalisation. L’éclairage de la passerelle a fait l’objet d’un soin tout particulier pour accompagner le parcours d’environ 900 m où se succèdent trois grandes séquences : depuis la ZAC des Louvresses jusqu’à l’A86, le trajet est bordé par les voies ferroviaires et la bretelle d’accès à la ZAC. Une frange de végétation crée un espace tampon entre le cheminement et les rails, atténuant les perturbations liées à la vitesse et au bruit. La deuxième séquence est incarnée par la passerelle qui traverse l’A86 avec son lot de sensations provoquées par le flux des véhicules qu’elle surplombe, de vulnérabilité, mais aussi d’ouverture des champs visuels. La troisième séquence, plus calme, passe le long du parc des Chanteraines d’où se dégage une impression « d’épaisseur » paisible. À la suite de cette étude contextuelle, l’enjeu pour Florian Colin, concepteur lumière chez Coup d’éclat, était de renforcer la sensation d’un franchissement dynamique et rassurant, à l’image du « cocon » architectural. Pour ce faire, un dispositif d’éclairage graphique souligne la structure. Des appareils sont disposés sur la sous-face des cerces à l’intérieur de la passerelle pour les mettre en valeur et générer un effet « lame de lumière ». À intervalles réguliers, des plots lumineux rythment et soulignent la courbure des hourdis en BFUHP.
Lien économique et urbain
Pour répondre au développement des itinéraires cyclables sur de longues distances, le département des Hauts-de-Seine et la ville de Gennevilliers ont souhaité assurer la continuité des circulations douces à l’échelle métropolitaine. Le territoire impacté comprend :
- le parc des Chanteraines qui se déploie sur 80 ha au sud. Ce vaste parc urbain est relié à la Promenade bleue qui longe les berges de Seine et permet à tous les Alto-Séquanais de retrouver la nature à proximité immédiate de leur domicile ou de leur lieu de travail. À ce nouveau parcours s’ajoute une liaison verte, le Sentier des parcs, qui s’inscrit dans le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) ;
- la zone d’activités des Louvresses au nord de Gennevilliers, qui avoisine les 41 ha et où de nombreuses entreprises se sont implantées, représentant un bassin d’emploi de 6 000 personnes ;
- au centre, la gare de Gennevilliers (RER C).
La continuité de circulation nécessitait la mise en œuvre d’une passerelle pour franchir l’autoroute A86 et désenclaver les Louvresses, l’un des poumons économiques de la ville, en réduisant le trajet vers la gare RER.
Depuis son inauguration, cet ouvrage fédérateur impacte favorablement les conditions de déplacement de milliers d’employés qui, jusqu’alors, devaient emprunter un bus qui ne passait que toutes les 30 minutes.
Présentant un intérêt primordial pour l’attractivité et le développement économique du territoire, le nouvel ouvrage d’art offre donc aux salariés des Louvresses un accès rapide et sécurisé aux transports en commun. En redéfinissant une séquence de l’A86, il sert, de jour comme de nuit, de repère urbain et participe à l’identification géographique des deux pôles gennevillois pour les usagers du quotidien comme pour les automobilistes.
Localiser la réalisation
Reportage photo : © Simon Guesdon
Chiffres clés
- Dimensions : 70 m de portée ; 4 m de largeur ; 2,60 m de hauteur
- Surface construite : 280 m²
- Poids total de l’ouvrage : 180 t
Fiche technique
- Maître d’ouvrage : Conseil départemental des Hauts-de-Seine
- Maîtres d’œuvre : WSP-BG, mandataire (BET structure / VRD) ; Ateliers 2/3/4/ architectes, Arnaud Devillers architecte associé, Xavier Constant directeur de projet
- Entreprise gros œuvre et génie civil : Vinci Construction
- Préfabrication : Méditerranée Préfabrication
- Surface : 280 m2
- Coût : 3,2 M€ HT
- Programme : création d’une liaison verte entre le quartier des Louvresses et la gare RER C de Gennevilliers.
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