Le pôle culturel offre sa silhouette contemporaine, prise dans l’entrelacs des maisons bretonnes et de l’église. Il devient rapidement un vrai lieu de vie pour tous les habitants de la ville.
Le souhait de la municipalité de Baud, petite commune du Morbihan d’environ 6 000 habitants, était d’une part d’agrandir sa médiathèque et son musée, et d’autre part que le nouveau bâtiment soit implanté en centre-ville – typiquement breton –, composé de maisons de granit et d’habitations peintes en blanc et recouvertes d’un toit d’ardoise.
Il s’agissait également d’intégrer l’édifice dans un secteur classé, car situé à quelques pas en contrebas de l’église du bourg. Les architectes ont en effet su établir entre le bâtiment contemporain et le bâti ancien un véritable dialogue, tant dans les gabarits que dans les orientations ou les points de vue.
La seconde préoccupation de la ville était de créer un équipement phare qui attire du public, extérieur, mais aussi les habitants tout au long de l’année. « Nous avons réussi notre pari, le lieu ne désemplit pas ! », s’exclame Pascale Guyarder, 1re adjointe au maire de Baud. Et elle ajoute : « C’est bien sûr grâce au bâtiment, et aux aménagements intérieurs très agréables et attractifs, mais aussi à une politique d’ouverture de l’équipement tous les dimanches d’hiver, ou encore à la possibilité pour les associations d’occuper gratuitement l’auditorium. »
À la suite d’un concours, est donc sorti de terre un vaste bâtiment abritant la médiathèque, le musée (existant depuis plusieurs décennies, mais pas mis en valeur) ainsi qu’un auditorium de 80 places.
De la cohabitation
La difficulté pour les architectes de l’agence lauréate « Studio 02 » fut d’envisager la cohabitation des trois structures sous un même toit, en tenant compte des heures d’ouverture différentes, générant un système d’accès et de circulations où chacun garde son autonomie en mutualisant les espaces. Là encore, pari réussi, et ce grâce à une conception architecturale ingénieuse : l’imbrication et l’empilement de cinq volumes contenant chacun au moins un des trois équipements.
La deuxième contrainte à laquelle durent répondre les architectes fut l’intégration du bâtiment à la topographie du site, caractérisée par une forte dénivellation du terrain. L’édifice construit en cascade s’y insère parfaitement. « Toute notre conception part de l’idée d’un jeu de cartes déployé en éventail. Cela nous permettait de développer l’édifice autour de la pente, et rappelait aussi une de ses fonctions, le musée de la Carte postale ! », explique Romain Grégoire, l’un des architectes. Du coup, nous ne nous trouvons pas devant un bâtiment frontal, mais devant une série de constructions superposées et décalées de 20° les unes par rapport aux autres, présentant de multiples façades toutes orientées différemment. De ce fait, les points de vue sont nombreux, tant de l’extérieur que de l’intérieur.
La contrainte de la pente se transforma rapidement en un atout majeur : pourquoi ne pas jouer la carte des niveaux, pour en dédier un à chaque structure ? Le volume supérieur abrite le musée. Celui-ci est traité comme un cube de béton crénelé assez fermé du côté de la ville (nord-ouest), il est le reflet immédiatement perceptible de la démarche architecturale contemporaine. Seul un bow-window en avancée de la façade, au sud, forme un appel depuis l’extérieur, un contact visuel direct entre la ville et l’intérieur du bâtiment.
Côté ouest, une large baie vitrée laisse entrer la lumière à flots dans les deux salles d’exposition, permanentes et temporaires, conçues dans le prolongement l’une de l’autre. Au centre, se trouve un petit espace de projection et au nord, les sanitaires et les locaux administratifs. Un plafond à caissons profonds en bois et des éléments en décaissé contenant les gaines techniques donnent à l’ensemble une impression de chaleur et d’intimité. Le volume intermédiaire abrite le hall d’accès et l’accueil. Il est en lien direct avec la ville haute, et distribue le musée et la médiathèque. C’est en quelque sorte la rotule autour de laquelle s’organise l’ensemble du bâtiment. Presque entièrement vitré, il forme un soubassement transparent, contrastant avec la masse de béton aveugle du volume du musée. Un porte-à-faux important, qui prend appui sur deux piliers de béton situés en retrait des baies vitrées, accentue cette vision aérienne, et forme un auvent protecteur du soleil, mais aussi de la pluie. Devant, un grand belvédère apparaît comme la continuité du hall d’accueil. Doté d’un garde-corps vitré – pour conserver l’effet de transparence de l’ensemble –, et recouvert d’un sol en dalles de béton très clair, il ménage une vue panoramique sur toute la ville et constitue la couverture d’une partie de la médiathèque, située juste en dessous. C’est à ce niveau que le plan se complexifie car trois volumes sont organisés sur 2 niveaux en s’imbriquant les uns dans les autres.
Le rez-de-jardin abrite la scène de l’auditorium ainsi que l’espace de la médiathèque à proprement parler. Les architectes souhaitaient que le public garde le lien visuel direct avec le jardin ; il existe d’ailleurs un accès donnant sur ce jardin. La grande salle de lecture s’élève sur une double hauteur, dans laquelle sont pris des éléments construits en porte-à-faux : les locaux du personnel, une cuisine ouverte sur la médiathèque, les archives, une salle polyvalente qui accueille les élèves pour travailler. Il s’agit d’un système de petites boîtes dans la boîte, habillées de bois. Entre chaque boîte, sont aménagés des petits salons conviviaux donnant sur la salle, où peuvent se retrouver par exemple les membres d’une association ou les parents venus attendre leurs enfants... Là encore, un garde-corps en verre permet un lien visuel continu.
Un béton cannelé
Un deuxième volume, orienté à l’est, occupé par la salle de lecture, est plus bas d’un demi-niveau. Partout, les baies vitrées répondent au béton en un dialogue continu entre l’opacité du bâti massif et la transparence du verre. « Nous avons souhaité limiter le nombre des matériaux, ainsi que la déclinaison des teintes pour garder au bâtiment une plus grande sobriété. Pour cela, nous avons choisi le béton, et deux matériaux qui lui sont complémentaires – le verre et le bois –, ainsi qu’une déclinaison de blancs et de gris très clairs sur les murs et les sols. Le mobilier de la médiathèque, choisi par la mairie, ajoute une petite note colorée à l’ensemble. L’auditorium, par contraste, et pour marquer sa fonction, est entièrement noir, murs, rideaux, mobilier », explique Romain Grégoire.
Le béton coulé en place est ici en effet le matériau de prédilection que les architectes ont travaillé à l’extérieur d’une façon assez particulière et originale. Il s’agit de cannelures verticales, réalisées à l’aide de matrices dessinées par les architectes : des cadres en bois supportaient une planche lisse sur laquelle étaient fixés des tasseaux de bois, de largeurs et d’épaisseurs variées et aléatoires. Ces crénelages produisent un rythme vertical, un effet d’apesanteur, ils jouent avec l’ombre et la lumière, et rappellent les tranches des livres placés dans une bibliothèque.
Le béton est peint en blanc afin de créer une « masse lumineuse » prise dans l’écrin de verdure et de granit du jardin. Le béton ainsi travaillé est également l’affirmation d’une écriture architecturale résolument contemporaine. En effet, la structure poteaux-poutres permet la superposition audacieuse des volumes, la réalisation de porte-à-faux puissants, l’orthogonalité rigoureuse mais variée de l’ensemble.
Le béton, par son inertie thermique pour le confort d’été et d’hiver, était aussi un choix des architectes pour répondre à la RT 2012. D’ailleurs, leur démarche dans ce sens ne s’arrête pas là, avec la végétalisation des toitures, l’installation d’une chaudière à bois permettant de recycler les déchets verts de la commune, l’orientation des volumes et de leurs ouvertures, ainsi qu’une isolation intérieure et une ventilation double flux. Le bâtiment présente donc d’incontestables qualités énergétiques, alliées à une conception résolument contemporaine, assez inattendue dans une petite commune du cœur de la Bretagne.
Reportage photos : Luc BOEGLY
Maître d’ouvrage : commune de Baud – Maître d’œuvre : Studio 02, architecte mandataire ; Anthracite, architecte cotraitant – BET HQE® : Area Canopée – BET structure et pré-études : EGIS – BET structure d’exécution : Arest – Entreprise gros œuvre : Eiffage – Surface : 1 500 m2 SU – Coût : 3,4 M€ HT – Programme : pôle culturel composé de musée, auditorium, médiathèque.