Par son architecture sobre et claire, l’Arobase s’accorde au parc dans lequel il s’insère et le béton lui confère une grande pérennité au regard de la forte humidité intérieure et extérieure.
Dans le département de la Somme (Hauts-de-France), la commune de Roye s’est dotée d’un centre aquatique et de glisse dont les capacités d’accueil et d’attraction dépassent largement sa seule population d’à peine 6 000 habitants. Bien que lancé avant la création en janvier 2017 de la nouvelle communauté de communes du Grand Roye qui regroupe 62 communes et 24 850 habitants, c’est bien à l’échelle de cette intercommunalité que rayonne cet équipement d’envergure. Son implantation dans le parc arboré André Coël, au cœur d’un pôle d’installations sportives, affirme l’ambition municipale de créer un lieu d’activités récréatives et physiques.
Désormais géré par la société Vert-marine suivant une procédure de délégation de service public, il remplace l’ancienne piscine municipale de type « Caneton » qui, plutôt que d’être démolie, a bénéficié d’une réhabilitation et transformation en bassin ludique adjoint d’une pataugeoire. Intégrée au projet donc, l’ancienne piscine se raccorde aux deux extensions placées de part et d’autre : d’un côté, un espace bien-être qui s’inscrit dans la continuité du volume existant, et de l’autre, un bassin sportif de 25 m avec jusqu’à 5 lignes de nage et une patinoire synthétique compris dans une structure commune, en extension de l’existant.
Un volume simple sur parc
« Nous avions l’idée que le bâtiment devait se fondre dans le parc et en maintenir l’accès le plus ouvert possible. De même, l’environnement extérieur s’insère dans l’édifice par la mise en scène de tableaux-paysages intérieurs », raconte Philippe Deprick, l’un des deux architectes associés de l’agence en charge du projet.
La nécessité de dégager une hauteur de 7 m sous tout ouvrage pour la patinoire afin de pouvoir, éventuellement, la transformer plus tard en gymnase a déterminé un gabarit généreux appliqué à l’ensemble de cette extension. Sa forme simple, parallélépipédique, avec sa façade principale traitée en mur-rideau, atténue l’importance de son volume. Orientée au sud-sud-ouest vers le parc, cette façade est cependant protégée sur toute sa longueur par le prolongement en porte-à-faux de la toiture, porté par une colonnade de béton au rythme suffisamment ample pour préserver l’effet de transparence. La galerie-auvent ainsi créée la protège des rayonnements solaires et offre un espace intermédiaire entre le dehors et le dedans.
La perméabilité visuelle recherchée entre le parc et l’intérieur du bâtiment permet aux visiteurs de découvrir les activités proposées au fur et à mesure qu’ils s’approchent. Les nageurs et les patineurs jouissent quant à eux de vues ouvertes sur les arbres et le ciel, en plus d’un éclairement naturel. Le choix du béton comme matériau de structure et de couverture sert ces dispositifs architecturaux dans la mesure où il autorise de grandes portées, une relative finesse des éléments porteurs, compte tenu des charges et résistances à assurer, ainsi qu’une inertie nécessaire à la régulation thermique de l’édifice.
Entre les deux programmes, le hall d’entrée donne accès à l’ensemble de l’équipement.
Une organisation rationnelle
Toute hauteur, le hall prolonge l’impression de grande ouverture vers les différentes activités. Les personnes de l’accueil profitent de l’éclairement naturel et de la vue sur le parc auquel elles font face.
Elles bénéficient d’une visibilité complète sur les arrivées et départs des visiteurs. À gauche des guichets, la salle de déchaussement et location de patins avec des sanitaires attenants s’étend sur la profondeur du bâtiment et précède la halle de la piste de glisse de 800 m2. Cette salle pourrait par la suite devenir un vestiaire de gymnase.
À droite, l’agencement du centre aquatique répond à des contraintes plus importantes liées à l’hygiène et la séparation nécessaires de différentes catégories d’usagers. Un premier espace de déchaussement commun à tous les baigneurs précède l’accès aux bassins ; dans le sens de la sortie, il devient « espace de remise en beauté ».
Un grand pédiluve incontournable le sépare des deux zones de vestiaire dont l’une est réservée aux scolaires. L’enchaînement des différentes zones menant à la baignade suit la même logique : d’abord les vestiaires, puis les sanitaires, les douches, un pédiluve et, enfin, la halle du bassin sportif.
L’espace se dilate à nouveau, éclairé à travers les façades vitrées qui réorientent instantanément le regard vers le parc suivant l’orientation nord-sud du bassin. Le nombre restreint de matériaux, soigneusement mis en œuvre, et les teintes gris clair du béton comme des carrelages contribuent à la qualité et à la clarté des volumes.
Des ouvertures pratiquées dans le mur devenu mitoyen ouvrent le passage vers l’ancienne piscine transformée dont le plafond bas, rythmé par de grosses poutres en bois caractéristiques du modèle Caneton, semble tasser l’espace.
Le bassin ludique de 160 m2 s’étire le long de la façade sud vitrée, séparé par un muret de la pataugeoire volontairement placée en extrémité de la salle de manière à faciliter la surveillance des plus petits.
Une simple porte permet de rejoindre l’espace bien-être réservé à une clientèle en recherche de tranquillité. La discrétion de la structure de cette extension permet un volume à nouveau plus généreux en hauteur. Créant un contraste avec le reste de l’équipement, le carrelage couleur d’ébène, le panneau de bois et le béton lasuré noir des murs se justifient par la recherche d’une ambiance plus raffinée.
Le choix du béton
Comme le précise l’architecte : « Habituellement, les portiques de structure et les couvertures des piscines et gymnases sont réalisés en bois ou métal. Ici, le matériau béton a été choisi. »
La volonté d’avoir une toiture plate qui simplifie la volumétrie extérieure, l’inertie thermique qu’il procure notamment en toiture, limitant les risques de condensation, sa grande pérennité au regard de la forte humidité intérieure (bassins) et extérieure (parc André Coël), la possibilité de franchir de grandes portées (25 m dans la patinoire, 20 m dans la piscine) sont autant de raisons invoquées.
En outre, la rapidité du chantier grâce au recours à un ensemble d’éléments préfabriqués – poteaux, poutres, prédalles, dalles alvéolaires – permettait d’éviter la fermeture prolongée de la piscine. De fait, suivant un phasage sur dix-huit mois qui correspond à la durée totale du chantier du bâtiment neuf, pendant les dix premiers mois, la piscine d’origine a pu continuer à fonctionner et les huit suivants sa réhabilitation a également été menée.
La structure de la halle bassin et de la patinoire est constituée de portiques arachnéens en béton composés d’éléments préfabriqués : des poteaux de 8 m de hauteur, des poutres précontraintes de 1 m et 1,20 m de hauteur portant des prédalles ou des dalles alvéolaires suivant la portée. À l’intérieur, les allèges et les impostes ont également été préfabriquées.
La hauteur des poteaux des deux trames de l’auvent et du hall d’entrée est portée à 9 m sous une dalle-champignon coulée en place avec un coffrage spécifique en sous-face en planches de bois, calepinées sur la trame des poteaux. Ce dispositif permet d’éviter les poutres dont la retombée aurait limité la vue possible sur la cime des arbres et le ciel : fil conducteur de tout le projet
Texte : Ève jouannais – Reportage photos : Philippe Deprick ; Philippe Ruault
Principaux intervenants
Maître d’ouvrage : commune de Roye – Maître d’œuvre : Agence d’architecture Deprick et Maniaque – BET TCE et économiste : Berim – BET HQE® : AGI2D – Acousticien : Acoustique & conseil – Entreprise macro-lots : Baudin-Chateauneuf Nord – Entreprise gros œuvre : Hubert-Callec – Préfabricant : KP1 – Surfaces : 3 256 m² SDP ; 565 m² bassins ; 420 m² locaux techniques et 3 500 m² aménagement extérieur – Coût : 8,62 M€ HT – Programme : construction d’une piscine de 25 m, d’une zone bien-être et d’une patinoire synthétique ; réhabilitation et transformation de l’ancienne piscine en bassin d’activités et pataugeoire.