Inscrit dans le paysage et dans la pente, un volume aux lignes pures, en béton coffré à la planche, assemble deux maisons dans une même unité.
Située en Savoie dans l’agglomération de Chambéry, la commune de Saint-Alban-Leysse s’étend dans la plaine de la rivière Leysse jusqu’au pied du Nivolet et du mont Peney, deux sommets du massif des Bauges, culminant à 1 547 m pour le premier et à 1 356 m pour le second.
Une partie du territoire communal se déploie à la base de la pente de ces deux montagnes, principalement recouverte de forêts et de terres cultivées consacrées à la vigne, qui bénéficient d’un bon ensoleillement. Le charme de ces lieux, la qualité du paysage proche et lointain, la bonne orientation y ont également favorisé le développement d’un habitat résidentiel. La maison 9, conçue par l’architecte Jean-Marc Demangel, s’inscrit dans ce cadre.
Elle fait partie d’un lotissement d’une vingtaine de parcelles, sur lesquelles le promoteur souhaitait construire des maisons contemporaines intégrées dans le site, qui donneraient son cachet et sa spécificité à l’ensemble. Les deux tiers de celles qui sont réalisées aujourd’hui le sont dans cet esprit, les autres ont un style plus traditionnel, voire pittoresque.
La maison 9 occupe une parcelle présentant une pente de 15 à 17 %, desservie en partie supérieure par la voirie. Le terrain est orienté selon un axe sud-ouest/nord-est et est bordé à sa base au sud-ouest par un petit bois.
La pureté d’une ligne horizontale
Dans ce contexte, l’architecte Jean-Marc Demangel a conçu un projet minimaliste :
« Cette maison revendique une insertion forte mais discrète dans son environnement. Elle propose la pureté d’une ligne horizontale qui poursuit la forme du terrain, ayant la prétention d’être l’alter ego d’une courbe de niveau ou encore l’expression minérale des matériaux pierreux denses qui le composent.
À ce titre, le béton est le matériau idéal pour restituer un contexte égratigné par l’intervention humaine. La construction propose ainsi une façade amont sur rue en béton coffré à la planche, homogène, pouvant se lire comme un bloc rocheux émergeant du terrain et qui, lorsqu’on l’approche, dévoile les détails de sa réalisation et de sa modénature. Côté aval, la façade est totalement ouverte sur les 2 niveaux qui profitent du dénivelé du terrain pour s’inscrire dans la pente. À l’opposé de la façade sur rue totalement fermée, la façade “soleil”, très vitrée, donne l’impression d’avoir articulé à l’horizontale le pan béton qui devient ici un auvent de 3 m, également réalisé en béton coffré à la planche. »
Enchâssé dans la pente
Il s’agit en fait de deux maisons identiques de 150 m2 chacune et parfaitement symétriques, qui sont réunies dans un même volume unitaire. L’une est destinée aux parents et l’autre à leur fille. Sur la rue, l’ensemble présente un long mur minéral en béton, de 40 m, animé par le calepinage des planches de coffrage.
En son centre viennent les deux portes de garage, flanquées chacune d’une ouverture rectangulaire verticale qui correspond à l’entrée de chaque logement. Ce mur se retourne au niveau des pignons et, avec la dalle de plancher en béton, il dessine les contours d’un parallélépipède rectangle, dont le volume vient, vers l’intérieur de la parcelle, en porte-à-faux sur le niveau inférieur, encastré dans la pente et invisible depuis la rue.
Comme suspendu dans le site, ce volume horizontal, étiré sur la largeur de la parcelle, enchâsse la maison dans la pente et semble s’ouvrir au sud-ouest comme une grande fenêtre sur le paysage lointain, tout en faisant écho à la falaise verticale du mont Peney qui se dresse en arrière-plan.
Chaque ouverture dans le voile en béton de la façade sur rue donne accès à un escalier. Celui-ci descend dans un espace longiligne en double hauteur aménagé entre l’enveloppe de l’habitation et la paroi intérieure du voile de façade, qui constitue également le mur de soutènement de la partie de la construction encastrée dans la pente. La lumière naturelle pénètre au niveau d’une terrasse latérale située à l’étage.
Elle vient glisser sur le parement brut et lisse de la paroi intérieure rythmée par l’empreinte des banches de coffrage et la ponctuation des trous d’écarteurs. Ce lieu de passage de l’extérieur à l’intérieur transforme la séquence d’entrée en un parcours, mis en scène, où la lumière naturelle accompagne et agrémente la descente vers le seuil de l’habitation. De plus, comme il est en grande partie encastré dans le sol et ventilé naturellement, il fonctionne comme un espace tampon qui permet de tempérer les espaces d’habitation.
Fluidité de l’espace et ouverture sur le paysage
Dès les dernières marches de l’escalier, une généreuse paroi vitrée révèle une partie du séjour. L’entrée donne sur ce dernier. Dans un espace tout en longueur entièrement ouvert et fluide, il se prolonge transversalement par le coin repas et la cuisine. L’ensemble s’ouvre au sud-ouest sur la terrasse, le bassin de nage et le jardin, par une série de baies vitrées verticales, qui vont du sol au plafond.
Celui-ci, en béton brut coffré à la planche, associé au métal des huisseries, au verre, au bois, caractérise cet agréable espace de vie commune et participe à son ambiance lumineuse, douce et domestique. Il avance à l’extérieur sur 3 m et devient alors un auvent protégeant la terrasse.
Cette avancée prolonge l’espace intérieur vers l’extérieur et projette le regard jusqu’aux beaux arbres de la petite forêt qui ferme la perspective en lisière de propriété. La présence de cet écran végétal masque les vues sur les constructions voisines et protège aussi la maison, qui ne se devine jamais depuis la vallée en contrebas. Les chambres sont toutes regroupées à l’étage. Depuis l’entrée, un escalier droit, caché par le meuble du coin repas/cuisine, permet d’y accéder.
Il arrive sur un salon d’étage, à partir duquel les chambres s’alignent le long du couloir de desserte. Toutes les pièces de l’étage sont entièrement vitrées sur la façade sud-ouest.
Elles bénéficient ainsi d’une belle lumière naturelle et d’un vaste panorama, où se détachent au loin la chaîne de Belledonne, le mont Granier et le massif de la Chartreuse. La dalle de l’auvent leur offre un large balcon-terrasse.
Béton, structure et texture
L’ensemble de la structure de la maison est réalisé en béton C25/30 coulé en place et répond aux exigences de la réglementation parasismique en zone 4.
Les parements de béton texturé, qu’il s’agisse des voiles ou de la sous-face de la dalle de plancher, ont été réalisés avec des coffrages composés de planches de bois de 7 cm de large, dont l’épaisseur varie légère-ment de quelques millimètres afin de créer des désaffleurements permettant d’accrocher légèrement ombre et lumière.
Le porte-à-faux de 3 m sur 40 m de longueur de l’auvent (et du volume supérieur) est le prolongement de la dalle de l’étage, d’une épaisseur de 22 cm. En façade sud-ouest, elle est portée par une série de poteaux en béton coulé dans un habillage métallique permettant de les intégrer aux huisseries. En retrait de 3 m, ces poteaux portent également les poutres noyées mises en œuvre en même temps que la dalle.
À l’étage, les chambres sont réalisées en bois CLT, selon le principe de « la boîte dans la boîte ». Le sol de la terrasse est composé de dalles en béton préfabriqué de 3 x 3 m recouvertes d’une lasure noire. Les abords, les 2 bassins de nage et les murets de confortement du jardin sont également réalisés en béton. La maison est conforme à la RT 2012, son encastrement dans la pente et l’inertie du béton participent « naturellement » à son confort thermique. L’énergie nécessaire pour le chauffage par le sol et l’eau chaude sanitaire est puisée dans le sol, par l’intermédiaire d’un système de corbeilles géothermiques.
Texte : Norbert Laurent – Reportage photos : © Studio Érick Saillet
Principaux intervenants
Maître d’ouvrage : NC – Maître d’œuvre : Diagonales architecture, Jean-Marc Demangel Architecte – BET structure : Secoba – Entreprise gros œuvre : Gerelli – Préfabricant dalles de sol extérieures : Compassi Préfa – Surface : 150 m2 SH par logement – Coût : NC – Programme : 2 logements comprenant chacun : séjour, salle à manger, cuisine, salon d’étage, 2 chambres, 1 salle de bains, bassin de nage.