Le béton autoplaçant (ou BAP) est un type de béton dont la mise en place ne nécessite pas de compactage, car le serrage du béton s’effectue par le seul effet de la gravité, sans nécessiter de vibration. Sa grande fluidité et sa résistance à la ségrégation (répartition hétérogène des granulats) lui permettent en effet de remplir les coffrages les plus complexes, même en présence d’une grande densité d’armatures, tout en assurant une homogénéité parfaite du matériau.
Le BAP présente des résistances, des performances à l’état durci et une durabilité analogues à celles d’un béton traditionnel mis en œuvre par vibration, mais il s’en distingue principalement par ses propriétés à l’état frais. Aisance et rapidité de mise en œuvre, réduction du bruit sur les chantiers, diminution de la pénibilité (vibration du béton), possibilité de créer des formes architecturales innovantes et des parements de grande qualité en assurant le bon enrobage des armatures, ... les atouts du béton autoplaçant sont nombreux et contribuent à son adoption croissante.
Domaines d’application
Le béton autoplaçant a initialement été introduit en France dans les années 1990 pour pouvoir réaliser des éléments en béton difficilement accessibles avec les aiguilles vibrantes, comme les voiles de grandes hauteurs ou les structures à très fortes densités d’armatures. Mais son usage s’est progressivement étendu du fait de ses nombreux avantages (aisance et rapidité de mise en œuvre, création de formes architecturales innovantes, parements de grande qualité, ...). Les principaux domaines d’application sont les suivants :
- Génie civil : ponts, tunnels et autres ouvrages d’art, pour les structures à haute densité d’armatures ou dont les coffrages sont à géométrie complexe ;
- Bâtiment : éléments structuraux verticaux (poteaux, voiles, voiles de grande hauteur, poutres, …) éléments architecturaux de forme complexe et de finitions de haute qualité ;
- Préfabrication : le béton autoplaçant est désormais largement utilisé dans la réalisation des éléments structurels préfabriqués ;
- Rénovation et réparation : le BAP est particulièrement efficace dans les réparations structurelles nécessitant une fluidité optimale du béton afin d’assurer un bon enrobage et une bonne adhérence des armatures dans des zones difficiles d'accès ;
- Applications industrielles et maritimes : lorsque les structures sont exposées à des conditions sévères et à des exigences de résistance chimique élevées, le BAP offre une solution robuste et durable.
Pour des applications horizontales, comme les dalles ou les planchers, le béton autoplaçant est plus spécifiquement appelé BAP horizontal, ou parfois encore dénommé béton autonivelant (voir fiche dédiée au béton autonivelant).
Les avantages du béton autoplaçant
Pour le concepteur de l’ouvrage
Le béton autoplaçant offre une large liberté de conception, permettant aux architectes et aux ingénieurs de réaliser des structures à la géométrie complexe. Côté esthétique, le BAP propose une grande qualité de parement avec des surfaces lisses et uniformes. Enfin, sa fluidité assure une homogénéité et une compacité optimales au béton, réduisant les risques de défauts structurels et améliorant la durabilité des constructions.
Pour le maître d’ouvrage ou l’exploitant
Bien que présentant un surcoût par rapport à du béton vibré, la compacité et l’homogénéité du BAP lui assure une durabilité structurelle de long terme, réduisant les coûts de maintenance des ouvrages et augmentant leur durée de vie. Du fait de l’absence de vibrations, l’utilisation de BAP améliore les conditions de travail sur le chantier, limite les nuisances sonores pour les riverains.
Pour le constructeur/applicateur
Dans les zones difficiles d'accès et les structures denses en armatures, le BAP simplifie le processus de mise en œuvre par rapport à un béton vibré. La facilité de mise en place du béton permet un gain de productivité substantiel sur les chantiers, tout en supprimant des opérations coûteuses en main d’œuvre (vibration, ragréage, ...). En outre, l'absence de vibrations mécaniques diminue les nuisances sonores ainsi que la pénibilité et les risques de troubles musculosquelettiques associés à la manipulation d'équipements de vibration, tout en améliorant la sécurité des compagnons.
Mise en œuvre (recommandations, limites, précautions…)
Le béton autoplaçant se caractérise par sa fluidité, sa grande capacité d’écoulement, son faible ressuage, sa pompabilité, ainsi que par un long maintien de son ouvrabilité. Il est utilisé aussi bien coulé en place sur chantier, livré à partir de centrales de béton prêt à l’emploi (BPE) et mis en œuvre généralement par pompage, qu’en usine de préfabrication de produits en béton.
Le coulage du béton autoplaçant nécessite une maîtrise de la formulation (squelette granulaire, adjuvantation) et une attention particulière pour garantir des résultats optimaux. En premier lieu, le BAP étant extrêmement fluide, il est crucial de s'assurer que les coffrages soient bien étanches pour éviter toute fuite. Les armatures doivent être correctement disposées et fixées pour permettre un écoulement sans obstruction. Du fait de sa grande fluidité, le dimensionnement des coffrages doit également être adapté à la poussée plus forte du béton sur les banches et coffrages ; la hauteur de chute du coulage en sortie de trémie doit être réduite à 80 cm (manchons plus longs en sortie de trémie).
Normes et référentiels de mise en œuvre applicables
-NF EN 13670 « Exécution des structures en béton ». Texte de référence européen.
-Pour le bâtiment : DTU 21 (NF P 18- 201) « Exécution des ouvrages en béton ».
-Pour le génie civil : Fascicule 65 « Exécution des ouvrages de génie civil en béton ».
-Les formulations des bétons autoplaçants doivent être conformes à la norme NF EN 206+A2/CN pour garantir la pérennité de l’ouvrage.
Précautions
-éviter un coulage trop rapide pour ne pas voir de bulles d’air se former et maîtriser la montée en pression sur les coffrages ;
-prévoir des hauteurs de chute limitées au moment du coulage ;
-ne pas ajouter d’eau pour la consistance ;
-veiller à l’étanchéité des coffrages pour se préserver des fuites ;
-maîtriser l’évaporation de l’eau contenue dans le béton par des protections appropriées (cure).
Entretien
Le béton autoplaçant présente généralement un meilleur fini de surface, facilitant ainsi l’entretien ; il est crucial que celui-ci reste régulier, similaire à celui d’un béton vibré.
Données techniques
Composition
Tout comme le béton vibré classique, le béton autoplaçant est constitué d’un mélange de granulats, de ciment, d’additions et d’eau, auxquels sont ajoutés des adjuvants spécifiques, notamment des superplastifiants et des agents de viscosité. Plus précisément, un BAP contient :
-des superplastifiants, pour augmenter considérablement la fluidité du béton en obtenant une répartition optimale des grains de ciment ;
-des agents de viscosité, pour diminuer la sensibilité du béton frais au ressuage et à la ségrégation ;
-des fines (ciments, fillers calcaires, ...) en quantité élevée (400 à 600 kg/m3) pour assurer une meilleure maniabilité ;
-un volume de pâte élevé pour favoriser l’écoulement et la mobilité du béton en écartant les granulats ;
-des gravillons en faible volumes (rapport gravillon/sable de l’ordre de 1) afin d’améliorer l’écoulement et éviter le « blocage des granulats » au droit des armatures et dans les zones confinées lors de l’écoulement du béton dans le coffrage. Le Dmax des granulats est compris entre 10 et 16 mm ;
-du ciment. Son dosage doit être optimisé pour obtenir les performances souhaitées et satisfaire les exigences liées aux classes d’exposition ;
-un dosage en eau limité avec un rapport eau/ciment faible, afin d’optimiser la fluidité sans compromettre la résistance.
A l’état frais, les BAP sont plus sensibles que les bétons vibrés aux écarts de composition. Il est donc indispensable d’appréhender au stade de l’étude de formulation la sensibilité du BAP à ces écarts, et principalement ceux liés aux variations de teneur en eau. Lors des études de convenance, il est nécessaire de réaliser diverses gâchées en faisant varier la teneur en eau.
La formulation du béton est validée par un ensemble d’essais (V-funnel, L-box, ressuage, aptitude à l’étalement, …) qui permettent de justifier sa conformité aux propriétés requises en tenant compte du transport du matériau afin que celui-ci respecte la Fourchette d’Étalement à la Réception (FER) et la durée pratique d’utilisation. Les caractéristiques rhéologiques de la formule retenue et le maintien de la rhéologie dans le temps doivent être adaptés aux conditions (transport, température, formes des coffrages, densité d’armatures, …) et aux méthodes de mise en œuvre sur le chantier (pompage, hauteur des coffrages, …).
Enfin, le formulateur doit déterminer une Durée Pratique d’Utilisation (DPU) du béton (Tm – temps T en minutes) pendant laquelle le béton doit respecter les caractéristiques propres à sa catégorie. Cette durée peut varier en fonction de différents paramètres dont en particulier l’évolution de la température du béton frais.
Autres normes
- adjuvants : norme NF EN 934-2+A1 ;
- granulats : normes NF P 18-545 et NF EN 12620.
Options applicables
-ciment dit « bas carbone » ;
-ciment gris ou blanc ;
-teinte dans la masse avec des pigments de différentes couleurs. Les pigments doivent être conformes à la norme NF EN 12878 ;
-des fibres, pour la confection de bétons fibrés ;
-types de finition : désactivation, sablage, grenaillage, bouchardage, matriçage, impression, ...