Par le pivotement géométrique des volumes qui le composent, l’édifice conçu par l’agence Dominique Coulon associés se démarque de ce qui l’entoure et affiche son statut d’équipement public.
Au milieu des années 60, la ville de Mons-en-Barœul a connu une transformation radicale avec la création, sous l’impulsion de l’État, d’une importante zone à urbaniser en priorité (Zup). Ainsi, à partir de 1964, ce sont 4 000 logements, bureaux, commerces et équipements, dont la nouvelle mairie, qui voient le jour en moins de dix ans, sur environ une centaine d’hectares. La population passe du simple au double, pour avoisiner les 30 000 habitants. Avec ses tours et ses barres d’immeubles, le paysage urbain est caractéristique des grands ensembles.
Comme ce fut souvent le cas, le quartier s’est dégradé au fil des années et souffrait d’une perception négative, malgré d’incontestables atouts comme sa situation au cœur de la métropole lilloise, sa bonne desserte par les transports en commun et la présence de vastes espaces verts…
La municipalité a engagé depuis une douzaine d’années un important programme de rénovation urbaine de ce quartier de 12 000 habitants, associant réhabilitations de logements, démolitions, constructions neuves, créations d’équipements publics, rénovation et requalification des espaces publics et aménagements paysagers. L’ensemble de l’opération s’inscrit dans une démarche de performance environnementale, énergétique et écologique. Le quartier du Nouveau Mons a reçu le label national écoquartier en 2014. Il a été également retenu, au niveau national, pour un nouveau programme de rénovation urbaine (NPNRU), qui va permettre de poursuivre, dans les dix prochaines années, la métamorphose de ce morceau de ville.
Une salle de spectacle et un équipement de quartier
L’inauguration de la nouvelle salle Salvador Allende, conçue par l’agence d’architecture Dominique Coulon & associés, a marqué la fin du premier programme ANRU. Elle vient en lieu et place de la salle polyvalente éponyme qui accueillait les associations monsoises et leurs manifestations telles que les concerts de l’harmonie, les spectacles pour les aînés ou pour les écoles. Des artistes de renommée nationale pouvaient également s’y produire. Le nouvel édifice se dresse sur la place de l’Europe. Avec sa salle de spectacle et ses studios de répétition, il constitue à la fois un équipement de quartier et un lieu dont la programmation variée en fait un acteur de la vie culturelle de la métropole lilloise.
« Le projet tire du contexte sa quintessence », commente Dominique Coulon. « Nous sommes ici dans un environnement très orthonormé, qu’il s’agisse du tracé des rues ou de l’architecture des bâtiments qui avoisinent la place de l’Europe. Nous avons travaillé ce projet pour qu’il échappe à cela et se démarque ainsi de ce qui l’entoure afin d’afficher son statut de bâtiment public et aussi pour qu’il exprime la dimension culturelle de son contenu.
Le pivotement géométrique des volumes, qui correspondent aux éléments caractéristiques du programme, façonne la plastique générale de l’édifice et annonce ainsi un événement spatial dans la ville. »
Force et sobriété
Le jeu des volumétries simples, qui composent l’édifice, ne cherche pas à rivaliser avec les immeubles de grande hauteur alentour. Il s’en détache sans ostentation par sa propre géométrie. Sur le socle rectangulaire du rez-de-chaussée, le volume de la grande salle de répétition, appelée le « Belvédère », vient en porte-à-faux sur la place. Il se décale en diagonale vers le nord-ouest et regarde en direction de la mairie, mettant ainsi en relation les deux bâtiments institutionnels. Son voisin, qui abrite deux studios de répétition, se tourne à l’inverse vers le nord-est. L’un et l’autre se décalent et pivotent en avant-plan du volume de la salle de spectacle, qui pour sa part se prolonge en porte-à-faux sur le côté ouest et signale ainsi sa présence sur l’espace public.
L’enveloppe extérieure alterne les parois verticales en béton gris poli ou bouchardé et les grands plans vitrés. Leur composition façonne la volumétrie générale, la rythme, la met en valeur avec force et sobriété. Des éclats de miroir sont incorporés au béton. Sous l’effet des rayons du soleil, ils donnent aux façades un scintillement qui les anime de façon changeante et inattendue.
Un hall ascensionnel
Depuis la place, le volume en suspension du « Belvédère » s’ouvre sur l’espace public par une face entièrement vitrée qui permet aux passants de voir les activités se déroulant dans la salle de répétition. Faisant ainsi signe, il invite à entrer dans le bâtiment. Après avoir cheminé sous le volume du « Belvédère » et franchi la billetterie, on pénètre dans le hall d’accueil, depuis lequel on peut accéder à toutes les parties du programme. Au rez-de-chaussée, il se prolonge par une galerie qui se développe le long de la façade ouest. Destinée à recevoir des expositions, elle permet également de desservir un des accès à la salle de spectacle. Se fondant totalement dans l’espace du hall et participant à son animation, le bar prend place devant le bloc des locaux de l’administration, mis ainsi un peu en retrait sans être trop isolés du reste du bâtiment.
À l’approche de l’entrée principale de la salle de spectacle et de l’escalier montant aux étages, l’espace du hall se dilate verticalement sur toute la hauteur du bâtiment. « Le pivotement du volume de la grande salle de répétition ménage un grand vide intérieur qui met en relation tous les éléments du programme. Le conflit géométrique généré par ce pivotement est révélé par ce vide qui s’organise dans une figure triangulaire. Associés aux obliques de l’escalier, les parois se plient dans un mouvement ascensionnel. Les surfaces de laque noire, associées à celles laissées en béton brut animent et complexifient la perception de l’espace. Tout en haut, le plafond blanc avec ses apports de lumière naturelle apparaît comme un ciel étoilé. Les espaces du projet se rassemblent autour de ce cœur », précise l’architecte Dominique Coulon.
Le jeu des contrastes entre l’aspect brillant de la laque et celui mat du béton, les variations des reflets ou de la lumière accompagnent le développement vertical continu des parois qui se plient, se déplient, se replient dans un mouvement ascensionnel et caractérisent ce véritable foyer spatial. Le mouvement de la matière et celui des usagers se répondent créant des perceptions, des perspectives, des points de vue changeants, dynamiques, inattendus.
La salle et les locaux de répétition
La salle de spectacle est conçue pour accueillir une grande diversité de manifestations (musique, théâtre, danse, arts du cirque, conférences…). Sa jauge varie de 500 places assises à 1 000 places debout. En effet, différentes configurations sont possibles. Par exemple, les trois premières rangées de fauteuils, situées en contrebas de la scène, peuvent être recouvertes pour obtenir un plateau de plain-pied, jusqu’au premier rang de gradins. Une grande partie des gradins est rétractable, à l’exception des 5 rangées situées en balcon. Depuis l’ouverture de la salle, artistes et spectateurs témoignent de façon unanime de son excellente qualité acoustique. À cela s’ajoute le fait que de partout les spectateurs voient très bien la scène, sans gêne ni obstacle.
Les locaux de répétition sont regroupés au premier étage. Les loges sont à proximité de la scène côté jardin. Le « Belvédère » s’ouvre par sa grande baie vitrée sur l’espace public et offre une vue unique en balcon sur le quartier. Sa dimension généreuse permet à cette salle d’accueillir une grande variété de répétitions, ensembles instrumentaux, danse, théâtre, arts du cirque… À cela s’ajoutent trois studios de répétition, destinés aux musiciens.
Un studio d’enregistrement vient compléter l’ensemble. Il permet de faire des enregistrements dans la salle de spectacle, le « Belvédère », et dans deux studios de répétition de musique. L’accès à ces locaux se fait depuis le grand hall, qui au deuxième étage conduit jusqu’aux places en balcon de la salle de spectacle.
Toute la structure du bâtiment, assez complexe avec ses porte-à-faux et ses décalages géométriques, est construite en béton coulé en place. L’enveloppe est réalisée avec des panneaux préfabriqués de type mur à coffrage intégré, polis ou bouchardés en usine. L’architecte et la maîtrise d’ouvrage souhaitaient que les joints entre panneaux ne soient pas visibles. Après plusieurs essais, l’entreprise de gros œuvre a trouvé une solution, qui efface la présence des joints. Cela donne force et unité aux parois de l’enveloppe de l’édifice.
Principaux Intervenants
Auteur : Norbert Laurent – Reportage photos : Eugénie Pons
Maître d’ouvrage : ville de Mons-en-Barœul – Maître d’œuvre : Dominique Coulon & associés, Dominique Coulon et Olivier Nicollas architectes ; Damien Surroca, architecte d’opération – BET structure : Batiserf Ingénierie – BET HQE® : Impact QE – BET fluide : Jos – Acousticien : Euro sound project – Scénographe : Changement à vue – Entreprise gros œuvre : Tommasini – Préfabricant : Jousselin – Surface : 2 336 m2 SHON, 2 502m2 SDP – Coût : 6 M€ HT – Programme : salle de spectacle de 500 places assises, 1 000 places debout, une grande salle de répétition, studios de création musicale, studio d’enregistrement.